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@lenny pecks

Tout s’est passé beaucoup trop vite : la réunion convoquée par la milice, la découverte de l’identité du tueur, de Lenny, sa capture et maintenant l’interrogatoire. C’est ton rôle à ce qui parait, parce qu’ils ont bien vu que ça fonctionnait de t’utiliser. À cette pensée, tu passes machinalement ta main contre ton cou. T’as encore l’impression de sentir la lame sur ta gorge, la mort qui t’entourait peu à peu de tes bras. Qu’est-ce qui se serait passé si Lenny ne s’était pas rendu ? Est-ce que ça avait même été une possibilité ? Tu sais plus trop. Y’a une part de toi qui veut croire qu’il t’aimait, t’aime vraiment, mais le doute est là. Et il restera probablement, parce que t’auras pas l’occasion de tourner la page. T’as peut-être décidé de te séparer de la décision de la peine, mais vous savez tous comment cette histoire va se terminer.

Alors t’es là, stupidement devant la porte de la pièce où ils l’ont enfermé. Tu fais pas attention à ceux qui t’entourent, à ces regards curieux qui pourraient te dévisager. T’essaies seulement de ramasser ton courage et ta raison. Ton courage parce que tu ne sais pas si t’es capable de lui faire face, maintenant et ta raison parce qu’il ne faut surtout pas que tes émotions prennent le dessus. T’as pas envie de pleurer devant lui, t’as encore moins envie de céder face à la sensation de trahison et de tenter de le tuer. Parce que tu le ferais. Ou peut-être pas. L’envie serait présente, mais savoir si tu en serais capable est une toute autre question… Et t’as pas envie d’en savoir la réponse alors tu ne t’y attardes pas plus longtemps.

Tu te lances finalement. T’ouvres la porte et trouve Lenny attaché sur une chaise. Ça suffit à faire s’effondrer le peu de courage qu’il y avait en toi. Tu lui en veux. Tu t’en veux aussi en fait. Parce que t’as été assez conne pour croire à ce qu’il t’a dit, non seulement t’y as cru, mais t’as rien soupçonné alors qu’il tuait les tiens, qu’il terrorisait l’île. Mais c’est pas que pour ça. Une part de toi s’en veut parce que tu l’as trahi en menant les autres jusqu’à lui. T’as fait pire, tu l’as condamné. Tu le sais, il le sait sans doute.
Pourtant, ce n’est pas des excuses qui traversent tes lèvres lorsque tu te décides finalement à parler. Non, c’est une question, toute simple à poser, mais probablement bien plus difficile à répondre. « Pourquoi t’as fait ça ? » Maintenant que tu l’as dit, tu peux pas t’empêcher de te dire que c’est stupide comme question. C’est large. Tu sais même pas s’il acceptera de te répondre. T’aimerais bien, parce que tu pourrais arrêter cette discussion aussitôt, mais tu doutes que ce serait aussi simple.

Tu restes silencieuses un moment. Le temps de contenir la boule d’émotion qui te serre la gorge. Tu te tiens toujours près de la porte, le plus loin de Lenny possible. « C’était qu’un mensonge tout ça ? Tout ce que tu as fait sur cette putain d’île ? » Ta voix tremble alors que tu lui demandes. Et là, il est évident que tu ne parles pas vraiment de ça. Tu veux savoir s’il t’a menti à toi, s’il les tendres mots qu’il t’a soufflé étaient faux. Si t’étais juste une imbécile depuis qu’il est venu dans ta vie. Et pis tant pis pour le sérieux, tant pis pour ce que tu devrais faire. Là, t’as simplement besoin de savoir, que ton coeur soit brisé pour de bon plutôt qu’il vacille entre la douleur et l’espoir.

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@joy samuels

Lorsque Joy a été le chercher chez les Sages pour l’emmener dans la forêt, il s’est demandé ce qu’il se passait, évidemment. Mais il a pas été cherché loin. Après tout, peut-être qu’il allait y découvrir un nouveau fantasme de la belle Américaine. Il s’attendait pas à ça. Il s’attendait à se faire avoir aussi facilement. Ça devait arriver. Depuis que Nayati avait pris les journaux de Hyunki, il semble qu’il ait eu de moins en moins de chance. Toujours quelqu’un aux alentours lorsqu’il effectuait ses missions, et jamais le temps de se débarrasser des corps. Ou, rarement. Sa mission a commencé dès les premiers départs, mais c’est sûr que de tuer des gens qui de toute façon ne sont pas censés être là, ça passe inaperçu lorsqu’il réussi à disposer des corps. Ça devait arriver, un moment ou un autre. Et il savait, se doutait, que si quelqu’un trouvait les perles qu’il avait pas eu le temps de ramasser, ça arriverait rapidement. C’est pour ça qu’il se séparait jamais de son arme en ce moment. Même avec Joy. Joy… Joy qui l’a mené dans un piège. Il devrait pas lui en vouloir. D’ailleurs, c’est plutôt elle, qui lui en veut probablement. Parce qu’à essayer de se mettre à sa place, elle peut pas savoir ce qui était vrai ou faux. Elle peut pas savoir que tout ce qu’il a dit, fait, ses sentiments et ses actes, tout était vrai. Il a juste caché la vérité. Tout le reste, même son comportement général de petit con, c’est lui. Il a toujours été comme ça. Le pire cauchemar de ses formateurs, à l’armée, pour cette exacte raison. Le meilleur candidat pour venir sur l’île, pour cette exacte même raison. Le fait de pouvoir se fondre dans le paysage, dans la foule, de pas passer pour un militaire, pour un agent de la CIA. Il est surpris, Lenny, qu’elle ait donné son accord pour qu’on lui mette un couteau sous la gorge. Et il espère qu’elle a donné son accord. Pas qu’il puisse faire grand chose si elle l’a pas fait, mais.

Ils l’ont ramené sur le terrain neutre, dans la mairie, où les organisateurs avaient mis en place une petite salle, presque agréable, avec une chaise au milieu, et un Milicien s’est posté dehors. Ils l’ont attaché à la chaise. Et Lenny s’est laissé faire, parce qu’après tout, à quoi bon ? Il a plus son arme, et ils ont Joy. Il est en désavantage. Même avec son entraînement physique, sportif aux sports de combat, il pourra rien faire. Parce qu’ils ont Joy. Et même si ses supérieurs seraient très déçus de son choix de priorités, il préfère se laisser faire, que de risquer la vie de la femme qu’il aime. Et c’est un carnaval de questions sans réponses, les chefs qui essayent de l’interroger tour à tour, certains qui sont violents, même. Mais Lenny dit rien. Lenny a reçu des entraînements de plusieurs mois, à rien dire face à des tortures bien plus violentes que les quelques coups qu’il reçoit. Garder le silence est facile. Mais, évidemment, Joy est la dernière à passer. Et elle reste proche de la porte, comme prête à s’en aller au moindre problème, comme si elle avait peur de lui. Et il l’a comprend, mais ça lui sert les poumons. Il trouve pas le courage de la regarder dans les yeux, alors il baisse les yeux. Il lui doit des excuses. Mais ils sont à un niveau où elle lui en doit probablement aussi. Parce que cette histoire va pas s’arrêter au fait qu’ils l’arrêtent. Lenny est sur la fin de sa courte vie, et il le sait. Et c’est de la faute de Joy. Mais il lui en veut pas. Il peut décemment pas lui en vouloir. C’est lui qui l’a mise dans cette situation. C’est lui, le fautif.

La première question, Lenny y répond pas. Parce qu’on lui a apprit à pas répondre. Puis qu’il a, de toute façon, pas grand chose à dire. Le pourquoi viendra plus tard. Pour le moment, il veut qu’elle s’approche. Il veut pouvoir lui expliquer le reste. Que c’était pas un mensonge. Et comme il le pensait, la question arrive. Il relève les yeux vers elle, cette fois ci. Les cordes qui le retiennent sont serrées à un point qu’il commence à avoir des fourmis dans les extrémitées. Le sang passe plus, et il se donne pas deux heures avant de perdre l’usage de ses pieds et de ses mains. “Non. Rien ne l’était. Tout ce que j’ai dit, fait, pensé était réel et sincère. Je pense pas que t’aies vraiment envie de croire à quoique ce soit qui sorte d’entre mes lèvres right now. Mais c’est la vérité. Je pensais pouvoir rester détaché, loin des relations. Mais j’ai pas pu. C’était sincère. Tout. Le moindre mot, le moindre geste.” Il a aucune liberté de mouvement, mais il essaye quand même de tourner un peu son épaule qu’est dans une position franchement à la limite de l’humainement possible. Sans y arriver. Il continue de regarder Joy. Parce qu’il sait que ce sera la dernière fois qu’il pourra la voir, seule, d’aussi près. Qu’il pourra la contempler, et regretter les moments qu’ils auraient pu passer ensemble, une fois dehors. C’est la dernière fois, alors il en profite, et grave son visage dans son esprit.

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@lenny pecks

Pas de réponses à la première question. C’était prévisible. Il a rien dit aux autres alors pourquoi ça changerait avec toi. Difficile de tenir un équilibre entre tes attentes, ce qu’ils attendent de toi et ce que tu veux, en partie parce que tu ne saurais même pas dire ce que tu veux. Est-ce que c’est le voir s’expliquer ? Le voir s’excuser ? Ou juste avoir une quelconque confirmation que ce que tu as ressenti ? Si tu devais être honnête, t’avancerais probablement le dernier point. Ce besoin égoïste de savoir que tu n’as pas été trahie à ce point. Et c’est con en fait, parce que tu t’es jamais considérée comme particulièrement égoïste, mais cette fois, tu décides de l’être pleinement, d’ignorer totalement tes obligations ne serait-ce que l’espace d’un instant pour avoir ta réponse. Parce qu’il va falloir que tu puisses tourner la page lorsqu’il se ferait tuer. Parce que ça arrivera, c’est probablement votre dernière chance d’être ensemble, même si tu te tiens à l’autre bout de cette petite pièce.
Et c’est probablement pour le mieux. Parce que t’as du mal à rester de glace lorsqu’il t’assure que rien de votre relation n’était un mensonge. Tu le sens sincère, ton coeur se réchauffe lorsque tu entends ses mots qui sont presque une confirmation directe de l’affection qu’il a pour toi. Ça ne te fait pas vraiment plaisir, parce que maintenant ça implique tellement de chose. S’il t’a vraiment aimé, c’est que toi, tu l’as trahi aussi. Oh tu le savais, mais il est plus simple de vivre avec cette décision en niant tout sentiment qu’il aurait vraiment pu avoir. Te dire qu’il s’est vraiment servi de toi. Avoir la confirmation ne te fait que plus souffrir « T’as raison… » Où tu t’en vas avec ça ?  « J’ai pas vraiment envie de te croire. » Pas du tout même. Est-ce que c’est seulement parce que tu ne veux pas vivre avec l’impression de l’avoir trahi ou est-ce parce que c’est juste plus simple de ne pas le croire ? Surement les deux.

Tu finis par te rapprocher. Tu ne fais qu’un pas ou deux dans sa direction, mais c’est déjà un début. « Parce qu’au final quoi ? T’as juste oublié de mentionner le fait que t’étais un tueur ? » C’est un drôle de reproche à lui faire considérant que bien des gens sur cette île sont des tueurs, mais c’est plus que ça. « T’as tué Nayati. » Dire que tu n’étais pas spécialement proche de cette fille et maintenant tu t’en sers pratiquement comme bouclier. Comme quoi t’es plus égoïste que tu ne le croyais. « Je sais que t’as jamais été spécialement attaché aux sages, mais elle t’a fait quoi ? » Ouais parce que tu ne lui demandes pas sans raison. Ça renvoie à la discussion que vous avez eu lorsqu’il t’a aidé à ramener le cadavre. Quand t’as essayé de comprendre ce qui se passait dans la tête du tueur, dans sa tête, et qu’il est resté silencieux. « Ou tu vas encore rien dire et bien te marrer pendant que j’essaie de comprendre ? » Tu sais pas s’il s’est marré à ce moment-là. T’en sais fichtrement rien même, sauf qu’il ne t’a rien dit. Et c’est ce qui fait le plus mal, même si au fond, t’aurais probablement pas pu garder le secret que ce soit après la mort de Nayati ou après la plus récente. Et qui sait s’il y en a pas eu d’autres ?

Ça fait mal d’être là. T’oses même plus le regarder, tiraillée entre la colère (la haine même ?) qui monte en toi et des sentiments qui tentent de la combattre. Bien sur que tu lui en veux, mais il t’a redonné un brin d’espoir. Et savoir qu’il va mourir, en partie par ta faute, eh bien c’est difficile à vivre. « Tu comprendras que c’est difficile à avaler tout ça. » Franchement, tu sais même plus quoi dire à ce niveau. Bien sur que c’est difficile à avaler. T’aimerais bien ne pas y croire à tout ça, douter de sa culpabilité plutôt que de ses sentiments. Mais c’est trop difficile, parce que tu peines à tenir tes propres émotions à l’écart juste pour ne pas péter un cable plus que tu ne le fais déjà.

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@joy samuels

Sa vie va se terminer dans quelques heures au maximum. Et Lenny compte rien faire pour l’en empêcher. Après tout, c’est pas vraiment comme s’il avait un autre choix. Il pourrait toujours taper un sprint jusqu’à son chez lui chez les Sages, chopper son téléphone, appeler ses supérieurs, et se cacher le temps qu’ils viennent le récupérer. Mais y’a Joy. Et ils savent tous que tant qu’ils ont Joy, Lenny fera rien. Et ils ont raison. Alors dans ce peu de temps de vie qu’il lui reste, il observe Joy. Il observe la femme qu’il aime. En tant qu’agent de la CIA, il a été habitué très tôt à accepter la mort, à accepter que ce métier, c’est s’exposer à une fin souvent plus précipitée, plus précoce que la moyenne. Et ça le ferait presque doucement rire, alors qu’il note dans son esprit l’ironie de la chose, lui qui avait décidé de démissionner pour trouver un autre boulot, une fois sorti de l’île, pour rester avec Joy. Lorsqu’elle répond, il l’écoute religieusement. De cette même façon qu’il essaye de graver son visage dans son esprit, il essaye aussi d’y graver sa voix. Qu’il meurt au moins avec ces souvenirs là. Elle a pas envie de le croire. Mais elle dit pas qu’elle le croit pas. Joy est intelligente, elle sait qu’il dit la vérité. Elle sait qu’il l’aime, qu’il est réellement tombé amoureux d’elle. Que ça, c’était pas mensonge. Elle fait deux pas vers lui. C’est deux pas, c’est rien. Mais ça semble énorme pour lui. Elle recule pas, elle avance. Elle veut pas le fuir, elle veut le comprendre.  Dans sa voix, Lenny entend les reproches, et dans ses mots aussi d’ailleurs. Il trouve ça ironique alors qu’il sait que dans les personnes qui l’ont attrapé tout à l’heure, quelques uns sont sur l’île parce qu’ils sont des meurtriers. Mais il sait aussi que Joy aime pas ça. Elle lui parle de Nayati, finalement, et Lenny a la bonne idée de baisser les yeux. Elle devait pas mourir. Ni elle, ni Hyunki. Ils faisaient pas partie des victimes sur sa liste. Mais ils se sont trouvés au mauvais endroit, au mauvais moment, en possession du mauvais objet. Il avait pas le choix. Et elle le questionne sur pourquoi. Pourquoi avoir tué Nayati. Et Lenny à ce point, a plus qu’une seule envie, celle que Joy se rapproche un peu plus. Qu’il puisse au moins la toucher avant de mourir, juste une fois de plus. Alors il se dit que la meilleure des solutions, c’est de répondre à ses questions.

Puis après tout, elle a le droit de savoir. Et même s’il se doute bien Lenny, que lorsqu’il lui aura dit, toutes ces infos finiront aux oreilles des autres chefs, parce que Joy ira les répéter. Parce qu’il y a pas de raison, après tout, elle les a mené jusqu’à lui. Parce que, qui à part elle aurait pu reconnaître les perles aussi rapidement ? Parce qu’elle l’a mené dans une embuscade. Parce que forcément, s’il lui donne les infos qu’elle veut, alors elle ira les répéter. Elle a clairement choisi de quel côté elle se plaçait. Et Lenny comprend. Si les rôles avaient été inversé, il aurait peut-être réagit exactement de la même manière. Probablement pas. Mais peut-être, il laisse la place au doute, pour se justifier le fait de lui pardonner. Non, de pas lui en vouloir. Elle lui reproche d’avoir garder le silence alors qu’il l’aidait à ramener le corps de Nayati. Il s’en ait voulu, après coup. D’avoir été assez insensible pour pouvoir ramener aux Sages le corps de quelqu’un qu’il avait lui-même tué. Qu’elle lui reproche le fait qu’il se soit marrer, ça le fait relever les yeux. Elle pense vraiment ça de lui ? Est-ce que c’est vraiment comme ça qu’elle le voit ? Il est pas comme ça, Lenny. Il a jamais été comme ça, insensible, aimant le malheur des autres. Ça le blesse, qu’elle puisse penser qu’il se moquait d’elle par derrière. Ça a jamais été le cas. Le nombre de fois où il a réfléchi à si oui ou non, il devait lui dire la vérité. Finalement, lorsqu’il voit comment ça s’est terminé, il a bien fait de le garder pour lui. Si c’était pour qu’elle aille tout de suite le raconter aux autres. Mais encore une fois. Est-ce qu’il aurait vraiment agit différemment à sa place ?

“Je me suis jamais marrer à propos des gens que je tuais. Jamais. C’était pas un jeu. C’était mon job. Pas Nayati, pas Hyunki non plus, d’ailleurs. Mais ils savaient. Hyunki avait compris, et Nayati…”

Il baisse les yeux sur sa poche. Et il sortirait bien les pages du journal qu’il a plié dedans, mais il sent plus ses doigts, puis ils sont trop bien attachés pour qu’il puisse atteindre la poche de devant de son pantalon. Alors il regarde Joy, et il sourit. Parce que la situation porte à rire. Parce que si elle veut des réponses à ses questions, il va falloir qu’elle s’approche, qu’elle le touche, qu’elle le fouille. Et ça le fait sourire. “Les pages de Hyunki. Elles sont dans la poche avant de mon pantalon. Si tu veux les lire.” Et le rire qui sort derrière est nerveux. Parce que cette situation joue avec ses émotions, avec ses sentiments. Que sa fin est proche, qu’il pense plus à la CIA, qu’il pense plus à sa mère qui l’attend à la maison, ni à ses collègues, ni à sa mort très prochaine. Il pense à Joy, et il veut juste qu’elle sache, qu’elle comprenne. Rien de tout ce qu’il a fait n’a été une partie de plaisirs. C’était pas pour “s’amuser”. C’était juste son job. Et que Joy a été la seule personne à lui faire ressentir un sentiment de culpabilité par rapport à ça.

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@lenny pecks

T’as pas envie de le croire, mais tu le crois malgré tout. Parce que t’es qu’une idiote comme ça. Tu sais qu’il te ment pas à l’instant précis, c’est pas pour rien que tu lui poses davantage de questions après tout. Parce que tu veux des réponses. Ou pas. Tu saurais même pas dire ce que tu veux. T’as l’impression d’être une girouette à vouloir une chose et son contraire. Vouloir qu’il te rassure, mais qu’il se taise. Vouloir qu’il meurt pour ce qu’il a fait, mais sans pouvoir te résoudre à le perdre. Vouloir quitter cette pièce, mais en être incapable parce que ça te priverait de tes derniers moments avec lui. Alors tu restes et tu fais le travail pour lequel on t’a envoyé. Et t’en profite aussi pour lui reprocher ce que tu as sur le coeur. La mort de Nayati en tête de liste, pas forcément parce qu’il l’a tué au final, mais parce qu’il a ramené le corps avec toi, parce qu’il a entendu tes hypothèses et qu’il a rien dit. Mais supposément qu’il s’est pas marré. C’est ce qu’il affirme.

Et encore une fois, t’as pas envie de le croire, mais tu sais que c’est très probablement la vérité. Qu’il aurait aucune raison de mentir sur ça, encore moins que le reste. Surtout parce qu’il te donne une bribe d’information qui ne t’était pas connue avant ça. Hyunki ? Tu demandes, incrédule : « C’est toi qui a tué Hyunki ? » Oh c’est bête, toutes ces années à blâmer l’ancien Magicien. « Y’a qui d’autres qui est mort par ta faute ? » Question légitime, parce que visiblement, il y a bien plus que les deux victimes que vous connaissez. Puis il n’y a pas que ça qui te dérange dans ce qu’il a dit. Non y’a le fait qu’il ait parlé de job. Dans le sens qu’on s’attendait à ce qu’il fasse ça ? Qu’on l’a envoyé pour ça ? Ton esprit tourne à mille à l’heure, sans pour autant qu’il soit capable de trouver la vérité. Ça te parait tellement absurde et t’as trop mal pour y penser vraiment. « Ton job ? T’es quoi un genre de hitman ? » Un hitman envoyé sur une ile pour délinquants ? La bonne blague. Pour tuer qui ? Ils vous ont déjà envoyé ici pour crever de toute façon.

Puis, tu vois un sourire se dessiner sur les lèvres de Lenny. Son putain de sourire. Si attachant. Si… lui. Tu pourrais fondre là, tout de suite. Tu luttes de tout ton coeur pour pas le faire. T’essaies simplement de rester de glace face à lui. Tu penses pas que ça marche vraiment. Peut-être juste assez pour froncer les sourcils lorsqu’il t’invite à venir récupérer les pages du journal perdu de Hyunki. « Tu l’avais vraiment en plus. » Tu devrais être fière de ta théorie qui s’est révélée véridique, mais ça t’embête encore plus. Parce que t’as pas su relier les indices, parce que t’as pas compris ce que ça impliquait. Parce qu’il t’a rien dit surtout, voilà le nerf du problème. Tu finis donc par soupirer et te rapprocher. C’est évident que ça ne te fait pas plaisir de franchir la distance qui vous séparait jusque là, pas forcément pour les raisons les plus évidentes. Tu sais qu’il peut rien faire après tout, mais est-ce que ça t’empêche vraiment complètement d’avoir peur ? Probablement pas. Mais vas savoir si t’as peur de lui ou t’as peur de ce que tu pourrais faire.
Tu ne dis rien de plus alors que ta main fouille la poche de son pantalon pour récupérer les pages du journal. Lorsqu’elles sont dans tes mains, tu te recules de quelques pas pour les lire en vitesse. Tu vois ton nom apparaitre et t’essaies de te rappeler les conversations que t’as eu avec Hyunki à cette époque. « T’as caché l’arme dans ma cabane ? » Et sur le coup, tu te demandes s’il était sage de prévoir raconter ça aux autres chefs. Des plans pour qu’ils considèrent que t’es vraiment sa complice. Tu finis ta lecture en silence avant de relever la tête et lui demander, très sérieusement : « Pour qui tu travailles ? » Pour qui il était venue sur cette ile, pour qui t’avait été pris dans des affrontements qui vous dépassent évidemment.

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@joy samuels

Il se répète sans cesse qu’il avait pas le choix, et c’est le cas. Chaque exécution qu’il a effectué, il avait pas le choix. C’était son contrat. Il était sur cette île avec ce seul but, celui de tuer. Contrôler, et tuer si besoin. Et y’a eu besoin. Et Lenny comprend pourquoi. Comprend que les gens ne veuillent plus partir une fois qu’ils sont là. Après tout, qu’est-ce qui les attend une fois sortis ? Une fois retourné sur la terre ferme ? Pour les crimes majeurs, ils finissent en prison, et les autres ? Relâchés dans la nature ? Et probablement observés comme des souris de laboratoires qu’auraient pris part à une expérience scientifique. Rien de reluisant, en somme. Alors forcément, certains veulent rester. Certains veulent pas reprendre le bateau quand ils sont censés le faire. Même Lenny, en quelque sorte, il a apprit à l’aimer, cette île. L’île et les gens qui vivent dessus. Joy. Surtout Joy. Sa réaction au fait qu’il ait tué Hyunki est prévisible. C’est vrai, que cette info avait pas encore été révélée. Et finalement, Lenny se dit que ce serait pas plus mal qu’il ait pas à révéler les autres meurtres qu’il a dû ajouter à sa liste première. Mais évidemment, Joy pose la question. Et Joy a cette façon de poser une question, de pas attendre la réponse réellement avant d’en poser une autre. Alors Lenny laisse le temps passer, compte sur le fait qu’une fois encore, c’est ce qu’elle va faire. Elle finit par rebondir sur le fait que ce soit son job. Elle lui demande s’il est un hitman, et non. Non, Lenny est pas un tueur à gage. Même si, au final, un peu. Mais c’est pas ça, l'intitulé officiel en tout cas. Cette fois-ci, son boulot était de tuer des gens. Mais la différence entre lui et toutes les personnes sur l’île, c’est que dans son cas, c’est légal. Plus que ça, carrément commandé par l’état lui-même. Sa réflexion sur le journal le fait sourire. Il empêche un petit rire de s’échapper d’entre ses lèvres. Ce serait mal vu de rire maintenant. Mais c’est vrai que lorsque Joy a fait la réflexion alors qu’ils ramenaient le corps, Lenny avait ressenti deux émotions très contradictoires. L’une, la peur. Que Joy comprenne, que Joy découvre la vérité, et que ça finisse exactement dans cette situation où ça a finalement terminé. L’autre, c’était la fierté. Pas qu’il se sente en position d’être fier de Joy, mais il était heureux de se rendre compte que s’il l’aimait, c’était pas pour rien. Joy a toujours été particulièrement intelligente. Et probablement que si le spectre de l’amour avait pas complètement flouté son jugement, elle aurait compris bien plus rapidement que Lenny était celui qui tuait toutes ses personnes.

Elle finit par s’approcher, et par fouiller son pantalon. Et même ce petit contact le détend, Lenny. Il voulait juste pouvoir la toucher avant de mourir, probablement de façon horrible, après tout ils sont en train de décider de son sort dans la salle d’à côté, et Lenny se doute bien que ça sera pas doux. Et puisqu’il peut rien faire de ses deux mains, ni de ses pieds, il peut pas la toucher de lui-même. Et il peut décemment pas lui demander gentiment de l’embrasser une dernière fois. Quoique… Mais le fait est que pour trouver les pages de Hyunki, elle est obligée de fouiller, et de le toucher. Même si c’est juste à travers une couche de tissu. Elle est proche, et Lenny peut sentir son odeur, l’observer encore mieux. Lorsqu’elle les sort et qu’elle se recule, Lenny continue de l’observer. Il sait ce qu’il y a écrit sur ces feuilles. Il les a lu des dizaines et des dizaines de fois. Il aurait dû savoir plus tôt que Hyunki tenait un journal, vu le type, ça aurait pas dû l’étonner lorsque Nayati est venu le confronter pour avoir des explications. A la remarque sur le fait qu’il ait caché l’arme chez elle, Lenny hoche la tête rapidement. Il l’a plus fait après que Hyunki l'ai trouvé. Puis c’était une époque lointaine où les sentiments qu’il avait pour Joy était encore totalement faux. Puis, finalement, la question. Pour qui il travaille. Et Lenny, il a reçu tant et tant d'entraînement qui pourraient l’empêcher de répondre à cette question. Sauf que face à Joy, la seule chose qu’il réussisse à penser, c’est : à quoi bon ? À quoi bon lui mentir alors que dans quelques mois, quand ils sauront que Lenny a eu un problème, ils enverront quelqu’un pour le remplacer. Lenny qui est censé faire un rapport tous les soirs sur ce fameux portable, et qui ce soir, le fera pas. Ni aucun autre soir. “CIA.” Il est résolu, Lenny, à dire la vérité à Joy. Et, par le même coup, aux autres. Joy ira leur répéter. “Qu’est-ce que tu veux savoir d’autre ? Je te dirai tout ce que je sais.” Et Lenny considère ça comme la preuve irréfutable de son amour pour elle. Parce que quiconque a déjà habité en Amérique sait que les agents de CIA ne disent jamais rien à personne. Et qu’il est prêt, aujourd’hui, à tout lui dire. “À toi, je  te dirai tout ce que je sais.” Il a perdu son sourire, mais ses yeux brillent. Parce qu’il a, un peu, envie de pleurer. Parce que c’est ses derniers moments de vie. Parce que c’est ses derniers moments avec elle.

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@lenny pecks

Hyunki, Nayati, Harry… Tu sais pas s’il y en a d’autres, mais tu t’en doutes. La question est de savoir si les autres sont aussi des Sages ou si d’autres gangs sont tombés victimes. Tu sais même pas si ça importe en fait, parce que même si t’arrives à convaincre les représentants des autres gangs qu’aucun d’entre eux est mort des mains de Lenny, tu doutes qu’on le laisse vivre. Et puis, tu sais même pas si c’est ce que tu veux, qu’il reste en vie. T’avais tellement d’espoirs, d’envies sur ce que vous auriez pu faire après l’île. C’est juste encore plus con maintenant que t’y penses. Alors non, tu sais pas si tu veux qu’il soit épargné, mais tu sais que ce sera pas le cas. Même si les autres gangs décidaient pour une raison obscure de faire preuve de clémence, d’opter pour le fouet plutôt que la guillotine, les Sages lui pardonneraient pas, te pardonneraient probablement pas non plus. De la même manière que tu ne sais pas si tu pourras lui pardonner et que t’es certaine que tu ne pourrais pas te pardonner. Parce que des deux côtés t’as échoué. T’as pas su relier les indices et protéger les tiens, mais t’as aussi trahi Lenny en l’emmenant dans l’embuscade et, du même fait, à sa mort.

Et le fait de te rapprocher de lui pour récupérer les pages de Hyunki ne t’aide certainement pas à faire le point. Parce que y’a ce que ton coeur ressent et ce que ta tête te dit. En contradiction plus qu’à l’habitude, t’as du mal à faire le point. D’où la nécessité de t’éloigner lorsque tu as les pages entre les mains, pour pouvoir les lire et te concentrer dessus. Ce que t’apprends te fait pas spécialement plaisir : que l’arme était cachée dans ta cabane pendant un temps. Lenny confirme d’un hochement de tête et sur le coup, tu ne retiens même pas la question : « Pourquoi ? » Parce que c’est certainement pas un signe d’amour que de cacher une putain d’arme à feu dans ta cabane et ça veut probablement dire que ça a pas toujours été de l’amour qu’il a ressenti pour toi. Tu t’en doutes et pas forcément dans le sens traditionnel, mais t’as besoin qu’il le confirme. Peut-être pour tuer tes derniers sentiments, comme si t’étais toujours en quête d’un coeur brisé. Tu veux pas qu’on te plaigne, tu veux juste… plus rien ressentir et tu te dis que s’il piétine ton coeur, au moins tu seras plus obligée d’avoir ces émotions qui t’étouffent.

Mais au final, t’es prise de cours par la suite, par la réponse à ta question. La CIA ? Tu le regardes, incrédule, et tu peux pas t’empêcher de rire nerveusement, de rire jaune. Il est sérieux là ? Qu’est-ce que la CIA pourrait bien vouloir avec vous ? Surtout au point d’envoyer un agent… T’essaies de deviner, ton cerveau tourne à mille à l’heure. C’est vrai que vous êtes pas en territoire américain et que la CIA peut donc bien faire ce qu’elle veut. Tu comprends quand même pas la raison derrière la décision d’envoyer Lenny. Lenny qui reprend ton attention en affirmant qu’il te dirait tout ce qu’il sait. Tu fronces doucement les sourcils, comme si tu ne comprenais pas vraiment le changement, surtout comme si tu ne voulais pas le comprendre. Parce que c’est un peu ça en fait. « Très bien. » T’as quasiment envie de reculer maintenant, d’aller vers les autres avec les informations que t’as réussi à avoir et en arrêter là. Parce qu’accepter qu’il te réponde, qu’il te dise la vérité, c’est révélateur. Et ça pourrait presque réchauffer ton coeur si ce n’était pas de la situation. « C’est quoi ta mission ? Tu dis que t’as tué les autres pour ta mission tandis que Nayati et Hyunki en savaient juste trop. » Donc il y a quelque chose qui t’échappe, le raisonnement derrière la décision de la CIA l’envoyer sur l’île. Des trois victimes que tu connais, seuls Harry se qualifierait pour être une victime de sa mission. C’était quoi, tuer ceux qui restaient sur l’île ? Parce que les Sages peuvent pas être la cible d’une organisation d’agents secrets. Et pour une rare fois, tu poses pas mille autres questions pour mieux comprendre. Non cette fois tu te tais et tu le regardes. Tu veux pas le savoir, mais il semblerait qu’il faut que tu saches.

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@joy samuels

Et finalement, parce que Lenny en a juste marre de se faire du mal tout seul, à espérer qu’elle s’approche, qu’elle le regarde, qu’elle le touche de nouveau comme elle le faisait avant. Ça arrivera pas. Ça arrivera pas, parce que Joy doit, à raison, se sentir trahie par lui. Parce que ce moment qu’ils passent ensemble, c’est pas un moment tendre, c’est un interrogatoire. Et Lenny pourrait décider de juste se renfermer, de redevenir Lenny Pecks, agent de la CIA de 28 ans, en mission sur l’île. Il pourrait décider de ne plus rien dire et d’attendre juste qu’ils décident à côté, de sa façon de mourir. Qu’ils décident de la manière de le tuer, d’attendre sa mort en silence, sans rien révéler de plus. Mais il peut pas. Veut pas non plus. C’est probablement extrêmement égoïste de sa part, de vouloir partir avec une meilleure image dans les yeux de Joy, avec une image qui soit pas celle d’un tueur en série psychopathe. Puis à partir du moment où il a décidé d’assumer le fait qu’il l’aimait vraiment, il faut qu’il aille au bout de ça. S’il avait décidé de la protéger totalement, il lui aurait dit d’aller se faire voir dès le début pour la laisser en dehors de ça. À partir du moment où il a fait le choix de lui dire la vérité, il doit lui dire la vérité jusqu’au bout. Assumer son choix. Ses choix. Celui de tomber amoureux d’elle (quoique ça ait pas vraiment été un choix), celui de lui avouer, d’accepter sa réponse positive, de lui réaffirmer cet amour alors qu’il est à quelques heures de mourir. Alors Lenny attend ses questions. Il attend, les yeux fixés sur elle. Elle a l’air d’accepter le fait qu’il répondra à toutes ses questions. Et Lenny imagine bien qu’elle en a, beaucoup. À sa place, il en aurait des tonnes. Et il s’arrêterait probablement pas à ce qui concerne sa mission. Il lui demanderait pleins de trucs sur la CIA, qu’un agent sait et n’est pas autorisé à divulguer. Lenny a toujours été un bon agent. Mais à quelques heures de sa mort, face à la femme qu’il aime, il est prêt à trahir son pays, sans aucun remord. Ou peut-être un peu de remords. Mais les remords disparaîtront en même temps que lui, lorsqu’il mourra.

Première question : sa mission. Logique. Il hoche la tête, comme pour assurer qu’il a compris la question. Comme dans un espoir de pouvoir se mettre plus à l’aise sur sa chaise, il essaye de bouger ses fesses de quelques centimètres avant de se rendre compte que, réellement, les cordes sont trop serrées. S’ils le détachent pas bientôt, il mourra se pas pouvoir respirer avant qu’ils fassent quoique ce soit d’autre. “Tuer les jeunes de trente-et-un ans qui auraient décidé de rester sur l’île alors qu’ils devaient repartir.” C’est pas l’intitulé de sa mission, mais c’est ce qui la décrit le mieux. Il regarde Joy avec un visage neutre, comme s’il n’était plus qu’une source de réponses aux questions qu’elle pourrait se poser. “Ensuite ?” Qu’est-ce qu’elle veut savoir ? Quelle est la prochaine question qu’elle lui posera ? Ce sera sur sa mission encore ? Ou sur lui ? Est-ce qu’elle lui posera des questions sur lui ? Sur ce qui est vrai et ce qui est faux ? Ou est-ce qu’elle restera sur des choses qui pourraient intéresser l’ensemble de l’île, et pas qu’elle. Lenny préfèrerait qu’elle s’intéresse à ce qui pourrait lui servir à elle. Lenny lui répond à elle, pas aux autres, pour cette raison. Parce que ces infos, il veut que ce soit Joy qui les ait. Parce que les infos, ça lui donne un certain pouvoir, et que Lenny aime croire que de les donner petit à petit pourra l’aider à rester en vie assez longtemps pour qu’elle reparte tranquillement à ses trente-et-un ans.

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@lenny pecks

Voir le feu vert pour poser n’importe quelle question, ça te fait bizarre. Tu commences donc par l’évidence, par la raison derrière sa présence sur l’île. Tu rebondis sur la mission qu’il a évoqué. Du même coup tu peux pas t’empêcher de te demander si toi aussi t’étais une mission. Oh pas parce que tu crois que le gouvernement t’aurait visé spécifiquement, t’es pas parano à ce point, mais qui sait si tu faisais pas simplement partie de sa couverture sur l’île. Lui il le sait, évidemment, mais tu le demandes pas. Non, tu commences par une seule question et la réponse ne tarde pas. T’en es quand même surprise. Pas par le fait qu’il accepte de te répondre, t’as bien compris qu’il le fera, mais par ce qu’il dit en tant que tel. Tuer ceux qui restent sur l’île passé leur 31 ans. Ça te parait tellement idiot comme mission, qu’est-ce que la CIA peut bien en avoir à faire de ceux qui restent ? S’ils sont ici, ils ne font rien de mal dans la société et… bah clairement les gouvernements en ont rien à faire de vous. Sinon vous seriez tous ailleurs qu’ici. Mais visiblement, tu te trompes sur ce point. « Pourquoi ? » T’as l’impression de redevenir une enfant à demander à ce qu’on te dise pourquoi à chaque information qui t’es donnée, mais t’y peux rien. Parce que t’as vraiment l’impression de tâtonner dans la noirceur avec simplement quelques petites bribes de lumière pour t’aider. « Qu’est-ce que le gouvernement des États-Unis peut en avoir à faire qu’ils restent ? » Et c’est pas que ça, c’est visiblement que ça les préoccupaient au point où ils ont envoyé Lenny des années avant que la question ne se pose. Tu trouves ça bizarre, sauf que pour le coup, tu penses pas que Lenny ait vraiment la réponse à cette question.

Mais au final, puisqu’il t’invite à continuer ton interrogatoire, lui poser les prochaines questions qui te viennent en tête. Et y’en a tellement, mais en même temps, y’en a pas vraiment qui comptent. Tu voudrais en savoir plus sur lui, ce qu’il est vraiment derrière ce que tu supposes être un masque, mais tu sais que c’est pas ce que tu devrais demander. Parce que c’est pas ce qui importe sur l’île, il allait mourir de toute façon que tu saches vraiment qui il est où pas. Des informations pourraient être plus utiles au moins, même s’il serait idiot de penser que vous pourriez vous en servir pour le sauver d’une mort certaine. « Et comment tu sais qui tuer ? » Parce que toi-même tu sais même pas qui est supposé être parti sur cette île ou pas. Comment identifier les trente-et-unaire s’ils ne disent pas leur âge ou leur nom ? Parce que franchement entendre trois fois un nom ne t’aide certainement pas à les identifier. Remarque ça c’est peut-être de ta faute, parce que t’as pas vraiment chercher à te rapprocher des autres. Sauf de quelques sages et surtout de Lenny. Ça t’a beaucoup aidé de le faire. « Ils te le disent avec le téléphone que tu as ? Comment ça fonctionne ? » T’essaie de rester uniquement professionnelle, de te concentrer sur ce que tu dois demander plutôt que ce que tu veux demander. Parce que tu sais que ça sert à rien de te concentrer sur tes émotions.

Tu y arrives plutôt bien, autant que tu peux. On pourrait presque penser que tu trouves un équilibre à l’instant précis, mais il n’en est rien. Parce que tu te dépêches juste de terminer de poser les questions qui te viennent en tête pour pouvoir te pousser (et probablement te morfondre). « Donc si je comprends bien, la CIA t’en envoyé sur l’île avec une arme à feu et un téléphone pour que tu tues tous ceux qui restaient trop longtemps sur l’île. C’est ton job alors t’as accepté et une fois sur l’île t’as décidé de rejoindre les Sages, supposément pour moi, Hyunki a trouvé l’arme alors tu l’as tué. Et maintenant c’est quoi, ça a juste dégénéré et Nayati t’as aussi démasqué ? » Parce qu’il y a eu un problème quelque part, le loup, qui vous a mené jusqu’à lui. Si ça avait pas été du loup, est-ce que t’aurais juste continué de tomber un peu plus amoureuse d’un tueur ? Il semblerait que oui.

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@joy samuels

Outre le fait qu’il ait 28 ans, et pas les 25 qu’il a prétendu, il a pas réellement menti sur son histoire. Alors oui, y’a cette histoire de vengeance, de rébellion contre l’armée pour lui avoir enlevé son père. Lenny s’est pas rebellé contre l’armée. Il l’a rejoint avec la promesse qu’il pourrait venger la mort de son père, en allant faire la guerre, en étant déployé à l’endroit même où était mort son père. Cette promesse a jamais été tenu, d’ailleurs. À la place, il a été envoyé ici, sur un île  de délinquant, pour “réguler le roulement” comme ils ont appelé ça. Lenny a jamais été contrarié de ce changement de programme avant aujourd’hui. Il serait probablement mort plus tôt s’ils l’avaient déployé en Irak, mais au moins, il aurait pu essayer de venger son père. Finalement, aujourd’hui, il ne lui reste que Joy, et la vérité à donner. Elle lui demande pourquoi. Pourquoi le gouvernement lui a demandé de tuer des jeunes de trente-et-un ans. Qu’est-ce que ça pouvait leur faire si des jeunes décidaient de rester ? Lenny a pas la réponse. Quand on l’a envoyé sur l’île, il était encore relativement jeune, et était clairement pas assez gradé pour qu’on lui donne ce genre d’informations. On lui a juste dit : “c’est ta mission, effectue la”. Et Lenny l’a fait. Il peut juste imaginer le fait que de savoir que des jeunes leur échappe, ils ont pas du vraiment apprécier ça. Que de savoir que ce qu’ils pensaient être une punition est en réalité devenue une libération pour certains, ils ont pas dû aimer. Les gouvernements veulent toujours tout contrôler, et surtout le gouvernement américain. Alors c’est peut-être juste ça. Alors il hoche les épaules, en signe qu’il connaît pas la réponse à cette question. Ça sert à rien de parler pour dire qu’il ne sait rien. Il préfère ouvrir la bouche seulement pour lui donner de vraies explications sur de vrais trucs. Elle continue avec une nouvelle question. Comment il sait qui tuer. Son téléphone. Mais elle reprend avant de lui laisser le temps de répondre. Elle a trouvé la réponse toute seule. Oui. Vraiment intelligente, Joy. Il comprend qu’il soit tombé amoureux d’elle. Au comment ça fonctionne, il fronce les sourcils. Il sait comment ça fonctionne, et s’il est prêt à tout lui dire, il est pas certain qu’il soit prêt à lui dire ça. Déjà parce qu’il est pas sûr. Puis parce que ça changerait pas juste la vie de deux trois personnes sur l’île. Puis que, si ça se savait, la vie sur l’île en serait changée à tout jamais. Et heureusement, avant que Lenny puisse prendre la décision, Joy reprend, en résumant toutes les informations que Lenny lui a donné jusqu’ici. Et tout ce qu’il peut faire, c’est hocher la tête. Et rebondir sur le téléphone. Parce que, finalement, à quoi bon lui cacher des choses. Puis Lenny va crever, alors il préfère que Joy reparte avec toutes les cartes en main.

“Le téléphone ouais. Ils m’envoyaient les noms des personnes à abattre par texto. Et eux savaient qui abattre parce que...” Et il s’arrête lorsque la porte s’ouvre. Et y’a un Milicien qui faisait office de garde qui vous regarde mal, et qui lance un “c’est l’heure” froid et sans aucune émotion. Et Lenny regarde Joy, et lui sourit, parce qu’il sait que ça va être la dernière fois qu’il pourra lui sourire comme ça. Et il regarde le garde, et baisse la tête. Il aimerait avoir quelques minutes de plus, même juste quelques secondes de plus, rien qu’avec elle. Pour lui redire une dernière fois à quel point il l’aime.

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@lenny pecks

Ton résumé est confirmé par un hochement de tête. Tu ne te trompes pas, à croire qu’il est plus simple de réfléchir lorsque ton esprit n’est plus aveuglé par des sentiments. Quoi que ce n’est pas tout à fait vrai, même que ça ne l’est pas vraiment. C’est juste que Lenny, tu le vois un peu plus clairement, t’as eu la pièce manquante au puzzle. Et ça, ça rend la réflexion plus simple. Parce que tu peux essayer de le traiter comme étant une partie du mystère, de l’enquête et rien de plus. Enfin, ça c’est en théorie, sans doute que tu y arriverais mieux s’il était pas devant toi. Mais bon, c’est pas important tu supposes, l’important c’est l’information qui est donnée. Tu accomplis ta tâche sans trop broncher, obtenant à nouveau la confirmation que c’est bien avec le téléphone qu’ils lui disent qui tuer. Ça te paraissait évident, le mystère c’est plutôt de savoir comment eux, ils le savent, parce que ça doit pas être que par les listes des gens qui ont été envoyés sur l’île. Y’en a plusieurs qui sont morts, Hyunki par exemple et tu peux pas croire qu’ils ont pas pensés à ça. Alors comment ils font ? C’est probablement la plus grande question et t’aurais peut-être du la poser en premier.

Parce que Lenny, il a pas le temps de répondre à tout. Il commence et tu penses qu’il aurait terminé sa phrase, avec la vérité, si ce n’était du gorille - ou le milicien - qui entre dans la pièce pour vous annoncer froidement que c’est le temps. Tu fronces les sourcils, franchement embêtée par cette interruption. Tu sais pas si c’est parce que les chefs ont décidés que ça faisait suffisamment longtemps que tu lui parlais et qui, ainsi, voulaient éviter que tu te décides à l’aider ou si parce qu’ils ont enfin décider de comment ils allaient tuer Lenny. Sauf qu’au final la raison importe peu, tu ne pourrais pas plaider pour plus de temps, c’est fini. Il va mourrir et l’île va reprendre son cours normal. Il va mourir. Cette réalisation te fait plus mal que tu l’aurais voulu. Elle fait vraiment mal, comme si t’avais réussi à ne pas vraiment y penser jusque-là. Oh tu le savais depuis le début, avant même que tu ne rentres dans la pièce, avant même que tu ne le mènes à l’embuscade, mais là c’est différent. Parce que là c’est imminent, là c’est inévitable. Lenny va mourrir et t’es pratiquement celle qui l’a condamné. C’est un agent de la CIA, s’il avait voulu, il aurait probablement pu s’en sortir. Alors c’est ta faute, tout simplement. Et ça fait mal. Parce que t’aurais jamais voulu lui faire du mal avant aujourd’hui, jamais comme ça en tout cas.

« Laisse-nous deux minutes s’il te plait. » Tu vois que le Milicien hésite, il a probablement eu des ordres précis et tu doutes qu’il ait spécialement envie de les ignorer pour un meurtrier… et toi ? T’es pas certaine de vouloir savoir ce que l’île pense de toi en ce moment. Un moment de silence. Un long moment de silence pendant lequel t’aurais probablement pu en profiter pour faire des adieux, mais t’as pas forcément envie d’avoir un public. Finalement le Milicien tourne le dos et annonce : « Deux minutes. » Avec toute la froideur du monde. Tu sais que c’est de la pitié, mais tu t’en fiches un peu. Tu soupires, essaies d’ignorer ton coeur qui se serre toujours un peu plus, et te rapproche de Lenny. Tu pourrais le détacher là, tout de suite, et le laisser s’enfuir. Probablement qu’il pourrait s’en sortir comme ça. Mais tu fais rien, parce que tu peux pas lui pardonner, pas plus que tu ne peux te pardonner. Faudra que tu vives avec ça le reste de ta (courte) vie.
Tu te baisse un peu pour être à sa hauteur et tends la main pour caresser sa joue avec douleur. « Je suis désolée. » Désolée de la tournure des choses ? Désolée de l’avoir trahi ? Désolée de l’avoir aimé ? Peut-être un peu de tout ça. Quoi que. Non probablement pas le dernier point. Malgré tout, parce que là c’est ton coeur qui parle. C’est ta dernière chance de dire adieu à l’homme que tu as aimé, que tu aimes, pas au tueur de Nayati, non juste à Lenny. Tu sens ta gorge se serrer sous l’émotion et les larmes te monter aux yeux. Parce que là t’es plus Obi-Wan Kenobi, t’es juste Joy. Et peu importe à quel point tu essaies d’être froide, détachée, tu peux juste plus. T’en peux plus. T’essaies quand même de combattre les larmes alors que tu t’approches un peu plus pour aller poser tes lèvres sur les siennes. C’est doux, c’est presque beau. T’essaie de lui transmettre un peu d’amour avant qu’il ne rencontre son bourreau. T’essaie de lui montrer le peu de lumière qu’il y a dans le fouillis de tes émotions.

Mais c’est court aussi. Tu te relèves rapidement après, baisses les yeux pour ne pas croiser son regard. Tu pourrais pas, tout de suite, le supporter. Et tu sais que c’est égoïste de ta part, encore, mais t’essaies de pas t’effondrer complètement. Tu tiens assez pour que le Milicien revienne à une scène semblable à la première, seulement avec toi qui est un peu plus proche. Tu soupires, tentes de garder une certaine contenance alors que tu te tournes vers lui une dernière fois. « Adieu Lenny. » C’est plus qu’un adieu, c’est une tentative de lui dire à quel point tu l’aimes, sans être capable de dire les mots. Trop d’émotion, trop de douleur, ce sera juste un nouveau regret à porter.