((heartache crawling out))

abel x liming

Ça fait longtemps. Dans sa réalité distordue il sait. Ça fait longtemps. Qu’il n’est pas apparu dans sa vie. À ses côtés. Qu’il n’est plus là. Un soutien qui s’est fragilisé. Pilier qui manque de se briser. Ça fait longtemps. Qu’Abel il ne lui a plus souri. Ça fait longtemps. Depuis son départ ? Un peu après peut-être. Il ne notait pas encore tout. Il n’a pas l’habitude. Alors il a oublié. Quand Abel a arrêté de venir le voir. Quand il a disparu. Pour Iouri. Il se doute que c’est pour la muse. Même s’il ne sait pas trop ce qu’il y a entre eux. Iouri, le nom reste familier. Peut-être que Huanghun lui en a parlé. Ou quelqu’un d’autre. Il ne sait plus. Il sait juste qu’Abel il n’est plus là. Mais il sait pas pourquoi. Peut-être qu’il n’a plus le temps. Plus l’envie aussi. Ça doit être difficile de rester avec lui. Il a des monstres dans les ombres, des échos de souvenirs perdus dans ses yeux. Ça doit être usant sans doute. Mais il l’aime beaucoup Abel. Alors c’est triste de ne plus l’avoir à ses côtés. Il a attendu patient Liming. Parce qu’il est comme ça. Il a attendu. Même que des fois il a oublié. Mémoire vagabonde, elle s’effrite entre ses doigts comme le temps qui se détraque. Mais il l’a attendu, souvent. Il a même tenté d’aller le voir parfois. Mais les magiciens chez les sages, ce n’est pas très bien vu. Alors il n’a jamais trop osé. Liming et ses excuses, et ses sourires aussi. Il sourit facilement Liming. Même quand il est triste. Abruti par la drogue. Effrayé par la réalité. Il sourit. Mais le sourire se fane toujours un peu quand il pense à Abel. À ses étreintes. À sa présence. À tout ce qu’il lui a appris. À tout ce temps passé ensemble. Se demande à présent si c’est réel. Il a pu se l’inventer. Juste pour se sentir moins seul. Parce que Huanghun n’était pas là. Il est là à présent. Et Abel non. C’est complexe. Contradictoire. Mais il a envie de voir Abel. De le retrouver. Alors il s’éclipse. Le corps enroulé dans un vieux pull, il n’est pas assez couvert pour l’hiver. Il le sait, mais quand il a réalisé, il était déjà dehors. Loin des autres, loin du hangar des magiciens. Sans vraiment savoir pourquoi. Juste l’idée de voir Abel en tête. Il n’est pas trop couvert, le pull trop grand qui entoure sa silhouette fine tandis qu’il s’aventure sur la terre du milieu. Il ne sait plus trop s’il est déjà venu dans le coin Liming. Sans doute au début. Avant qu’Abel ne le prenne sous son aile. Et l’emmène chez les magiciens. Mais son regard s’égare sur le marché et il se demande si c’est là aussi que certains magiciens vendent leurs drogues. Les échangent tout du moins. Il n’y a pas de bijou qu’il constate à regret. Ce n’est pas une fête foraine c’est pour ça. Et le poids fantôme des deux bagues à son doigt pèse un peu. Regard qui dévie, il se dirige vers les habitations. Abel il a quitté les Sages. Abel il est chez les autres. Il travaille à l’école. Peut-être même qu’il acceptera de lui enseigner l’anglais. Il sait que le sien est digne d’un enfant Liming. Parce les mots butent contre les lèvres, parce que ce n’est pas sa première langue. Mais il n’a pas grand monde avec qui parler cantonais. Huang … Wei … Mais Wei il ne sait pas trop comment ça s’est fini entre eux la dernière fois. Il ne s’en souvient pas. Et il a sans doute l’air idiot. À être arrêté en plein milieu de nulle part. Une main qui froisse son pull au niveau de son cœur. Et l’envie de pleurer parce qu’il s’en souvient pas. Wei il est dans le coin aussi. Il ne sait pas trop ce qu’il fait. Mais Wei il est dans le coin et il pourrait le croiser qu’il ne saurait quoi le dire. Et les mots lui échappent toujours. Comme ces coups contre la porte de l’école, et le nom d’Abel qu’il murmure comme hésitation. Jusqu’à ce qu’on le conduise à lui. Et il n’a presque pas changé Abel. Presque. Parce qu’entre eux il y a ce silence. Et entre eux il y a cet espace. Et ces mois. Et un peu tout. Et il ne sait même plus depuis combien de temps il n’a pas entendu sa voix. « I missed you. » C’est pas un bonjour, c’est pas une demande, mais y’a comme une supplique derrière cette petite voix et ce sourire. Parce que Liming il sourit toujours. Même quand il regarde derrière lui juste pour vérifier les coins de la pièce et s’assurer qu’il n’y a rien dans les ombres.
 

(c) whistle'

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Depuis qu’il est parti de chez les Sages, Abel se sent comme plus libre. Il est pas enfermé dans aucun gang. Ni chez les Sages, ni chez les Magiciens. Il est libre de faire ce qu’il veut, avec son fight club et ses cours de français qui vraiment, se sont vite transformés en un lieu de regroupement de francophones qui voulaient juste trouver des gens avec qui parler en français. Et Abel, ça le dérange pas. Y’a quand même quelques jeunes qui viennent pour apprendre, et Abel leur apprend. Et il se rend compte, de façon plutôt surprenante qu’il est pas frustré, en colère ou prêt à tabasser tout le monde quand il est dans la salle de classe, entouré de jeunes. Y’a pas beaucoup de monde parce que sa réputation le précède. Et malheureusement, sa réputation le dépeint comme quelqu’un de violent et d’incontrôlable. Ce qu’il est, normalement. Mais pas là. Pas avec eux. Et Abel y trouve une sorte de réconfort. Alors il reste souvent, même après ses cours, même après le départ des francophones, pour profiter encore un peu plus longtemps de ce calme que lui procure l’endroit. Il comprend pas vraiment, mais y’a quelque chose de rassurant dans les murs qui l’entourent. Alors il reste là, juste quelques minutes de plus. Et pour la première fois, loin de Iouri, loin des Magiciens, loin des Sages, loin de la spirale qu’est la vie sur l’île, il a l’impression d’entrappercevoir un bout de ce gamin qu’il était encore avant de monter sur le bateau. Avant de faire exploser l’église en laissant Adam à l’intérieur. Et ça lui fait du bien. Peut-être. Il se sent aussi un peu plus faible, et ça. Ça, ça le dérange un peu. Mais c’est peut-être pas plus mal, qu’il pense aussi. Peut-être que c’est bien oui. Peut-être qu’il a besoin de ça. De se retrouver. Même si sur son coeur et sur sa nuque, y’a les gravures du nom de Iouri. Qui lui rappellent sans cesse à qui il appartient. Et que c’est certainement pas à lui-même. Mais c’est. C’est déjà un peu mieux depuis qu’il appartient pas, en plus, à un gang. Il pouvait pas appartenir à tant de gens en même temps.
Il ferme les yeux quelques secondes et il les rouvre lorsqu’il entend la porte de la classe s’ouvrir. Il se retourne pour voir qui est venu le déranger dans ce qu’il pourrait considérer comme un recueillement. Il est surpris lorsqu’il voit Liming. Il est encore plus surpris lorsqu’il sent un léger sourire se diffuser sur ses lèvres. Il est content de le voir. Liming, c’est pas juste un Magicien, et c’est l’une des personnes les plus importantes pour lui sur cette île. C’est pas Iouri, évidemment, et c’est loin d’être Shiloh. Mais il arrive pas loin derrière. Il l’aime approximativement, à sa façon. Il l’a amené chez les Magiciens, et l’a habitué à sa présence, et s’est probablement rendu indispensable. Avant de le laisser, de le lâcher, et d’aller chez les Sages. Pas par choix. Puis là. Ça le choque pas de le voir. Quelque part, Abel trouve ça logique. Oui. C’est logique. Comme la fin de chapitres qui s’ouvrent sur un nouveau. Juste après les mêmes personnages. Les plus importants. Ceux qui sont indispensables au bon fonctionnement d’Abel. Et Liming en fait probablement parti. Sa voix et ses mots ne font pas réagir Abel, parce que c’est des choses qu’il sait. Il sait qu’il lui a manqué. C’est Liming. La définition de sa présence, c’est d’être en manque de quelque chose. Quand c’est pas la drogue (et c’est souvent la drogue), c’est Abel, ou son autre mec là, l’autre Muse.
Pourtant, il finit par répondre. Probablement pas par la réponse que Liming attendait, mais il lui offre avec un léger sourire et une voix probablement bien plus agréable que ce qu’il est habitué à entendre de sa part. “Yeah. I know.”
 

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