walk of shame

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Le monde autour de toi semble tourner. Tes adieux avec Joy étaient trop courts, trop précipités. Et t'as même pas eu le temps de répondre proprement à toutes ses questions. C'est peut-être mieux comme ça. Ton côté jeune adulte en colère fait que tu les trouves débiles, tous, à vouloir absolument te tuer, alors que t'aurais pu faire une taupe parfaite pour eux. Et qu'avec Joy dans leur clan, tu leur aurais obéis au doigt et à l'oeil. Mais c'est pas ce qu'ils ont décidé. Et t'es sur le point de mourir. T'es trainé comme au moyen-âge, pas les poignets, par des Miliciens. Ils y vont pas de main morte, clairement pas. Tu sens des trucs t'arriver dessus, mais t'y fais pas attention. T'as décidé de plus faire attention à rien, de toute façon. Parce que le dernier souvenir que tu veux garder de cette île, c'est pas la haine qu'ils ont envers toi, c'est le baiser que t'as offert Joy, tout à l'heure. Finalement, les Miliciens te traînent jusqu'à un pilier, et ils t'y attachent. Et ils te laissent là, comme un con, observé par les habitants qui se sont regroupés. Dont certains que tu connais bien. Et soudainement, sorti de tu ne sais trop où, une pierre qui cogne contre ta côte. Ah putain. Et tu comprends que c'est une exécution publique. C'est une lapidation.

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Il a suivi de loin Iouri. Lenny se faire trainer jusqu’à la place public, il a suivi de loin. De mauvais rappel en voyant ça. Rappel de quand on était venu le chercher chez lui pour l’emmener en Russie. Rappel un peu amer. Trop. Mais il a rien dit sur la façon de faire. Il faut un exemple de toute façon. Parce que clairement qu’importe la situation, le pourquoi de ces assassinats. Des personnes sont mortes. Et ça, c’est sans doute trop pour les gens de l’île. Il ne peut que comprendre, le besoin de vengeance qui coule dans les veines, leurs veines. C’est la nature humaine après tout, et il n’y a pas grand chose à sauver chez l’Homme. Pas grand chose à sauver non plus chez Lenny sans doute. Mais si Iouri est violent, cruel, les adjectifs peu élogieux qui s’enchainent encore et encore, ce n’est pas ça qu’il avait en tête dans l’idée d’une exécution publique. Non. Il avait imaginé Paz, sa femme le fouet à la main rendant la justice comme elle sait si bien le faire. Il avait imaginé qu’on laisserait à la milice le droit de l’exécuter. D’en finir avec la vie de Lenny comme il le faut, en exemple. Mais la première pierre est lancée. Et si son regarde n’exprime que du vide, le coin de sa bouche a tressauté. Mouvement infime de sa surprise. Et le rictus est mauvais sur ses lèvres lorsqu’il réalise. Mauvais, même s’il ne fait rien pour arrêter ça. Ça ne sert plus à rien après tout. On a réveillé les bêtes qui somnolaient dans ses gamins. Et ils sont soifs de sang. C’est juste … dommage d’en arriver là. Iouri pourtant détaché de la situation, l’esprit ailleurs. Lui aussi de la vengeance qui fait bouillir ses veines, mais pour quelqu’un d’autre. L’envie de rendre justice à un gamin qui gît six pieds sous terre.

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l'île a connu ses heures les plus sombres, teintées par un assassin qui se baladait avec une arme à feu, tuant ceux qu'on lui pointait du doigt et ceux qui se trouvaient sur son passage. mais ces heures arrivent à leur fin. bientôt, cette histoire sera derrière vous. le hasard a voulu que tu sois là quand le nom du tueur est tombé. quand il a été arrêté et qu'on a décidé ce qu'on ferait de lui. quand on s'est rendu compte que la lumière au bout du tunnel n'était peut-être plus si loin que ça. mais tout s'est passé si vite que t'as presque du mal à te rendre compte que c'est bientôt la fin. tu l'aurais sans doute pas cru, si on te l'avait dit quelques heures plus tôt, alors que vous étiez encore à la recherche de la moindre piste. alors que les soupçons de la plupart étaient bien loin du foyer du tueur. pourtant t'es là, devant un attroupement de personnes qui s'est réuni pour assister à l'exécution comme s'il s'agissait d'une banale pièce de théâtre pour laquelle ils auraient payé, certains bousculant leurs voisins de devant pour n'en manquer aucune miette.

enfin, tu vois les quelques miliciens traînant lenny arriver de loin, se frayant un passage parmi les gens déjà présents, crachant leur colère et déversant leurs injures sur le tueur. tu les aides à l'attacher au poteau lorsqu'ils arrivent près de toi avant d'aller rejoindre oksana, qui attend un peu plus loin. « que le spectacle commence... » tu grognes entre tes dents avec dédain, à peine assez fort pour qu'elle seule puisse t'entendre. t'étais pour l'exécution publique, pour faire de lenny un exemple et dissuader les plus téméraires. mais t'étais pour quelque chose de propre et de rapide. et t'as comme le pressentiment que les choses ne se passeront pas entièrement comme prévu.

et puis tu vois la pierre venir le heurter de plein fouet. t'as pas vu d'où elle venait exactement. tu comprends seulement ce que cela signifie. ce n'est que le début. ton regard se pose sur les autres miliciens présents, cherchant le moindre signe d'une réaction qui ne viendra pourtant pas, tu le sais déjà. personne ne se mettra entre le tueur et les autres habitants assoiffés de sang.

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Ils le traînent à même le sol, ses poignets enserrés dans leurs étaux de fer. Ils n’auront pas tardé à le débusquer, celui qui avait semé l’inquiétude sur l’île durant des semaines. Sa dégaine l’étonne, s’imaginant un être sanguinaire écervelé ou bien, au contraire, un être froid dénué de toute once d’empathie. Ses yeux se plissent devant la scène d’un autre temps, une humiliation anachronique, anarchique. Des coups lui sont portés, des denrées avariées lui sont jetées et il semble absent, ayant accepté son sort silencieusement. Ni repentant ni harangueur, il ne fait que subir la farce d’une prétendue société arriérée, de ses bestiaux qui se délectent de ce châtiment rétrograde. L’illusion de leur civilisation, brisée en mille morceaux par ce spectacle déroutant, écœurant. Des animaux de foire excités par le sang, jouissant la punition de celui qui s’est fait prendre, dégustant le répit qui leur est accordé pour leurs propres péchés, aussi noirs que les siens si ce n’est plus encore. Une hypocrisie à en vomir, si bien qu’elle en détourne les yeux pour chercher Jordan dans la foule déjà attroupée, soulagée qu’il n’ait pas eu à participer à cette mascarade de justice.

Elle l’observa la rejoindre pour se placer à ses côtés, laissant échapper un reniflement aussi dédaigneux que les paroles qu’il lui souffla, secouant la tête légèrement en pinçant ses lèvres alors que le bouc émissaire de tous leurs maux est lié au pilier dressé devant eux. « C’est absurde. Comme s’ils étaient plus vertueux que lui. » grinça-t-elle entre ses dents en contemplant la foule, manquant de lever au ciel devant les âneries qu’ils lui balançaient à la figure. Elle ne vit pas la pierre, entendant à peine son sifflement dans l’air dans le flot d’insultes crachées à l’encontre de l’homme sans défense, qui vint s’abattre contre ses côtes. Son visage indigné se tourna vers là où elle pensait que l’objet avait été lancé. Loin de l’exécution rapide, certes publique pour calmer les îliens tels des vautours autour de leur proie, qu’elle avait espérée, elle comprit que le sort du coupable serait tout autre. Une deuxième pierre vient frapper l’homme, sous les acclamations. Oh, comme ils prennent leurs pieds à le voir prendre pour tous leurs méfaits, comme s’ils n’avaient pas violé leurs règles eux aussi, comme s’ils n’étaient pas ici pour de pires méfaits. Elle observa un filet de sang couler là où la roche avait touché la chair, ses poings se resserrant sur eux-mêmes, ses ongles se plantant dans sa paume. « C’est ça leur définition de la justice ? C’est barbare, archaïque. Tu parles d’une société civilisée, que des putains de délinquants enragés et hypocrites. » siffla-t-elle amère, exaspérée, écoeurée. Elle ne prend même plus la peine de baisser sa voix pour que seul Jordan puisse l’entendre, n’en ayant que faire que les oreilles qui traînent l’entendent s’offusquer de cette punition qui n’avait rien de proportionnelle aux actes commis. Ils les avaient tué gratuitement mais rapidement, efficacement et en retour, il aura une mort lente, agonisante, aux yeux de tous. « Tu savais qu’ils allaient faire ça ? » Ce n’est pas un reproche dans le fond, car elle sait qu’il n’aurait rien pu faire face aux volontés des chefs. Mais elle voulait croire qu’il l'ignorait, même si elle savait déjà qu’il condamnait cet acte autant qu’elle. Une autre pierre atteint le malfrat valeureux et ça lui soulève le coeur d’assister à une telle ignominie. La mort qu’ils voulaient déshonorante pour lui les couvrait en réalité tous de honte, eux, les survivants. « Je peux pas voir ça. » Elle voulut tourner les talons, se frayer un chemin dans cet amas de corps enivrés par la jouasse vengeresse, esquivant le mouvement pour mettre ses pensées à exécution, mais elle le sentit la retenir. Pour son bien, malgré tout.

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Comment vous en êtes arrivé là ? Tu saurais même pas le dire. La réunion des chefs s’est plutôt mal passé, ne serait-ce qu’en raison du résultat. Oh Lenny Pecks allait mourir ce qui te fait plutôt plaisir, mais l’arme, l’arme a été divisée entre vous. Ta seule lueur d’espoir, c’est de te dire que tu pourras toujours reconstituer l’arme. C’est toujours ça et ça te trotte dans l’esprit alors que l’autre partie de la décision est actée. Tu fais partie de la mascarade, peut-être un peu malgré toi, alors que tu précèdes de peu les miliciens qui trainent le meurtrier. T’aurais bien envie d’être ailleurs, mais tu peux pas. C’est une question d’apparence, c’est une question d’unité et c’est surtout gros pour la Milice. Les chefs t’ont pas donné le droit de le tuer toi-même, t’es même pas certaine de savoir qui a eu le privilège en fin de compte. Alors t’essaies de faire au mieux, de montrer que la Milice a toujours le contrôle de cette histoire, quitte à ce que ton contrôle s’arrête au moment où il sera attaché.

Lorsque c’est fait, tu t’écartes, te postant seule à une distance raisonnable. T’aurais pu aller chercher du réconfort auprès d’Oksana et Jordan ou même auprès de ton mari que tu vois dans la foule, mais tu n’en fais rien. Tu te tiens, interdite, essayant d’être le plus stoïque possible. Peut-être que tu devrais le tuer, là, maintenant plutôt que de le laisser attacher. Oui c’est important que tout le monde puisse le voir, savoir que vous l’avez attrapé, mais t’as une mauvaise impression. Une impression qui te dit que ça va mal tourné. Tu fronces les sourcils, à l’affut de potentiels problèmes. Tu vois la première pierre être lancée et tu sais. Tu sais que vous avez merdé, que t’aurais du le tuer même si on t’avait pas donné l’autorisation. Peut-être que t’aurais encore le temps de le faire, de l’achever avant que ça ne dégénère encore plus, mais tu ne bouges pas. Tu n’as aucune envie de connaitre le même sort, mais surtout tu sais qu’il est trop tard pour te placer contre la volonté des jeunes de l’île. Quiconque irait contre cette volonté barbare le regretterait amèrement. Même si les pierres ne te tuaient pas, tu tuerais sans doute tes chances d’être respectée. Tu restes donc de glace devant la scène, bras croisés, poings serrés. C’est barbare, mais c’est un rappel. C’est qui vous êtes vraiment.

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Alors c'était bel et bien lui le meurtrier. Celui qui avait terrorisé les pauvres habitants de cette île sur laquelle ils étaient tous prisonniers. James le jaugea de haut en bas durant de longues secondes. Il ne semblait pas vraiment apeuré d'être traîné tel un clébard dans la boue, sur le chemin de l'abattoir. Hmpf. Si c'était sa façon de crever le menton levé, grand bien lui fasse. Il jeta un oeil à Paz, à la tête du cortège macabre sans vraiment réagir. Il n'était pas vraiment au courant de tout, seulement de ce qui avait été rendu publique. Au pire il irait demander des détails ultérieurement, mais pour l'instant le plus important était que cette personne, ce Lenny Pecks, avait enfreint l'une des règles de l'île. La cinquième et certainement la plus importante. Oh, James était impitoyable lorsqu'il s'agissait de faibles de ce calibre, dépassant les bornes et les règles pour des objectifs puérils et personnels. Il avait bien exécuté de sang-froid un collègue pour avoir désobéi à l'un de ses ordres après tout. À titre individuel, la Chimère n'avait strictement aucune rancoeur envers ce Sage. Mais cet homme avait dérangé l'ordre établi incarné par son gang, ainsi que par ses très fortes convictions. Il allait donc payé le prix fort, tout comme Até avant lui.

Et James comptait bien être le premier à montrer l'exemple. Que désobéir n'allait pas rester impuni, que personne n'était intouchable.

Dans sa main droite une pierre. Un simple caillou. Rien de plus. Et il la jeta le visage du futur crevé. Le premier. Histoire d'initier la punition. De prouver aux autres que les Chimères restaient maîtres de la situation. Sans surprises d'autres suivirent son geste sans se questionner. Des insultes fusaient dans tous les sens, le traitant de tous les noms. En soi, le Milicien ne tirait aucun plaisir de cette souffrance et violence gratuite. Même cette sensation de pouvoir, d'avoir lancé cette vengeance collective, ne lui avait donné aucune satisfaction. C'était seulement son devoir, de montrer au reste du troupeau le comportement à adopter pour ne pas se faire massacrer. Sans perdre plus de temps il s'extirpa de la foule et se plaça sur le côté, surveillant du regard qu'il n'y ait pas un quelconque débordement.

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Jinwoo a entendu que le tueur à l'arme à feu avait été attrapé. Qu'il allait subir une exécution publique, et qu'ils étaient tous invités. Jinwoo a hésite longtemps, avant de décider à y aller finalement. Il se dit que c'est peut-être un bon moyen pour lui, de tirer une croix sur ce qui s'est passé depuis début Juin. Jinwoo pense que c'est lié. Les meurtres de Lenny Pecks et les meurtres de Nikita et Mai comme la disparition des autres Oh. "Vous avez entendu ? Il paraît que c'est lui qui a tué Hyunki Oh, l'ancien Sage" Jinwoo se retourne sur l'Alchimiste blonde qui passe à côté de lui. Et il bug. Quoi ? C'est pas Diego le Magicien ? C'était lui, non ? Jinwoo se dirige avec un pas plus rapide vers le centre de l'île finalement, et s'arrête devant le poteau où ils ont attaché le meurtrier. Y'a des meurtres sur l'île, tout le temps. Une sorte de sélection naturelle sur l'île. Les plus faibles non protégés qui se font abattre par les plus forts. Mais Hyunki n'était pas faible. Hyunki n'a jamais été faible. Lui qui prenait les coups pour tout le monde à la maison. Et il a été tué quand même. C'est injuste, il méritait pas ça. A y penser, aucun d'eux ne méritait ça.

Jinwoo voit James jeter la première pierre. Et Jinwoo se dit que ça devait probablement pas se passer comme ça. Qu'ils ne s'attendaient probablement pas à ce que ça se transforme en lapidation publique. Jinwoo regarde vers le ciel quelques instants, en attente d'un quelconque signe de là-haut qui lui disent de ne pas le faire. Mais rien. Alors Jinwoo se baisse, prend une pierre légèrement plus grosse que celle que vient d'envoyer James et l'envoie vers Lenny. Elle arrive sur son menton, et ça saigne. Jinwoo n'avait jamais fait de mal intentionnellement avant aujourd'hui. Et les larmes aux yeux, le coeur en miette, il se rend compte que ça lui fait rien. Il ressent rien.
Jinwoo se sent vide.

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l'île n'échappe pas à la réalité de l'extérieur. ici aussi les rumeurs circulent vite, et celle de la réunion d'urgence des chefs ne met pas longtemps à parvenir à tes oreilles. t'entends des alchimistes dire que minerva a embarqué jaylen avec elle, et t'es à la fois surpris, déçu et soulagé qu'elle l'ait préféré à toi. tu penses qu'au vu de votre relation, t'aurais sans doute été le mieux placé pour la canaliser et la soutenir. sauf que t'es pas sûr de ta capacité à faire face aux autres chefs avec ce que t'as sur la conscience en ce moment. plus encore si tu t'étais retrouvé devant une milicienne en particulier. la seule à connaître les détails de ce qui te ronge de l'intérieur depuis quelques jours.

quelques heures plus tard, t'apprends finalement que la réunion a permis de mettre la main sur le tueur, et qu'ils ont décidé ce qu'ils allaient faire de lui. t'es partagé entre l'envie de voir ça de tes propres yeux et celle de faire l'autruche. alors tu observes les tiens quitter votre quartier tour à tour pour se rendre sur la place du marché. le temps semble s'être arrêté pour permettre à tout le monde d'assister à la punition de celui qui a bouleversé votre petit quotidien tranquille, si tant est qu'on puisse qualifier la vie sur l'île de tranquille. et, finalement, fourrant tes mains dans tes poches, tu décides de les suivre. t'es plus très loin du marché lorsque ton regard croise un autre, qui chasse le temps d'un instant les pensées négatives qui te tourmentaient jusque là. salutations des plus anodines que tu glisses brièvement à beatrix alors que tu la rejoins en quelques enjambées. vous faites le reste du chemin ensemble, échangeant à peine quelques banalités. vous n'avez pas besoin de vous parlez pour savoir que vous n'avez, ni l'un ni l'autre, vraiment hâte de voir le spectacle auquel vous vous rendez.

lorsque vous arrivez, tu repères immédiatement le poteau sur lequel on ne tarde pas à attacher un homme, à la merci d'une foule qui gronde. tu déglutis difficilement lorsque tu sens la colère ambiante te gagner tel un virus. la tension est palpable, et tu ne te souviens pas avoir déjà ressenti ça sur l'île, la seule autre fois étant probablement lors de ton procès. procès auquel l'homme qui est attaché n'aura même jamais droit. sa sentence est déjà tombée. et que celui qui n'a jamais commis de tel péché lui jette la première pierre. littéralement. ton cœur fait un sursaut lorsqu'elle heurte ses côtes. et t'as enfin la confirmation que t'aurais probablement pas du venir. « putain. » tu lâches finalement, lorsque les mèches qui encombraient jusqu'alors son visage te permettent enfin de le reconnaître. t'as déjà eu affaire au tueur, et tu ne te souviens que trop bien des circonstances.

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Malgré les rumeurs et l'empressement de certains de ses compères, elle n'avait initialement aucunement l'envie de se rendre à cet événement qui portait de nombreux noms dans la bouche de tous. Certains parlaient d'un jugement, d'autres de monter l'exemple. Les plus naïfs pensaient qu'il allait s'agir d'une punition corporelle qui n'avait rien de plus ordinaire que son emplacement. Les plus perspicaces mentionnaient l'exécution de celui qui avait été la cause de tous leurs troubles, mêmes ceux plus indirects d'une famille déchirée par un secret inavoué. Elle avait malgré tout finit par les suivre, pensant rester sur le côté là où elle n'aurait pas besoin d'assister à la foire publique mais où elle pourrait se contenter d'en écouter les échos lointains. Mais elle avait croisé la route de Newt et il lui avait, semble-t-il, insuffler le peu de courage qu'il lui manquait pour se rendre sur les pavés où ils avaient commencé à se rassembler alors qu'un homme dont elle ne reconnut que vaguement l'allégeance fut traîné au sol avant d'être ligoté à la vue de tous, sans défenses.

La scène avilissante lui était trop lourde à supporter, son regard préférant parcourir l'instance de cette sentence publique à laquelle elle n'aura jamais dû se rendre. Elle vit un homme au visage froid élancer son bras. Le bruit sourd de la roche contre l'os, du souffle ôté, du juron qui s'échappa des lèvres de son voisin, des spectateurs d'abord hésitants qui finirent par s'extasier du sort d'un homme qui ne peut que subir. Certains se mirent à applaudir et elle réprima un haut-le-cœur, la foule en liesse faisant resurgir des souvenirs qu'elle parvient pourtant à contenir jusqu'à ce qu'il lui vienne l'heure des songes cauchemardesques. Puis la seconde pierre lui fit jetée, un filet de sang s'écoulant de son front derrière ses cheveux sombres. Le projectile à peine retombé au sol, elle tourna sa tête vers l'épaule de Newt, les yeux clos, sa main venant enserrer son bras, fort, probablement trop. Ils allaient le massacrer, aux yeux de tous, sous leurs cris euphoriques, lui qui n'avait rien fait de moins que beaucoup d'entre eux, lui qui était bien plus innocent qu'elle. Les réminiscences d'un rocher, abattu encore et encore sur un crâne difforme dans une mare de sang, l'effroi des uns mêlés à l'exaltation des autres. Elle ne vit pas la troisième pierre s'abattre mais les clameurs de l'attroupement lui furent suffisants pour en imaginer la cause, ses prunelles fixées sur les pieds de ceux qui se tenaient derrière eux. Une larme qui s'écoule lentement sur sa joue, qu'elle vient immédiatement essuyer du bout de ses doigts avant de relever sa tête vers les atrocités qu'ils commettaient tous, leur présence étant une participation à part entière. La mâchoire serrée, le regard absent pourtant porté sur le sage jeté aux lions, elle tentait de ne pas les entendre. Si tel était son châtiment, qu'aurait-elle mérité si elle avait été jugée par ses pairs ?

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Tu sais pas trop ce que tu fais là. De base, tu n’as jamais été celle qui allait dans les rassemblements sur l’île, le plus souvent, ça ne disait rien qui vaille. Il y avait eu ce loup, il y avait eu Nayati, il y avait eu Harry. Puis même avant cette histoire t’as bien compris que les attroupements sont plus une source de tristesse qu’autre chose. Alors t’aurais probablement du éviter de t’y rendre, mais t’as été intriguée lorsque des Sages ont parlé du tueur. T’as donc cherché à trouver Asha ou même Alex, d’abord pour leur demander si elles comptaient aller jusqu’à la place du marché, ensuite pour t’assurer qu’elles allaient bien faute de les trouver rapidement. Et si quelque chose leur était arrivé ? Si c’était une autre mort chez les Sages ? La peur au ventre, tu décides d’aller voir par toi-même.

Tu ne reviens pas sur cette décision lorsqu’en t’approchant, tu réalises que c’est plutôt une bonne nouvelle qui semble réunir tous ses gens. Le tueur ? Ils l’auraient trouvé ? C’est à nouveau la curiosité qui te pousse à continuer ton chemin vers la place du marché. Ce besoin de savoir de qui il s’agit, cette nécessité de t’assurer que ce n’était pas quelqu’un que tu connais. Sauf que oui, c’est quelqu’un que tu connais, plus que ça même, c’est quelqu’un que tu as côtoyé (parfois) dans les serres. Il n’était pas le plus présent des Sages - maintenant tu peux comprendre pourquoi - mais t’as du mal à imaginer qu’il aurait pu faire une telle chose. Tu observes donc la scène avec horreur lorsque les Miliciens qui l’entourent l’attachent devant vous tous. Et tu te demandes ce qui va se passer par la suite. Vont-ils le fouetter ? Vont-ils le tuer ?
La réponse est toute autre, encore pire que ce que tu aurais pu imaginer. Tu vois la première pierre partir, puis une autre. Et tu baisses rapidement les yeux. « Mais… » Ils peuvent pas faire ça. Les mots se perdent dans ta gorge sous le coup de l’émotion, de l’horreur que tu ressens face à un tel châtiment. Il ne t’est pas étranger en soit, tu sais très bien que c’est ce qui aurait pu t’attendre en Arabie Saoudite si les circonstances avaient été un peu différentes. Mais tu comprends pas pourquoi ils feraient ça ici, pourquoi ils voudraient faire du mal à quelqu’un comme ça. Puis c’est Lenny quoi. Il peut pas vraiment être le tueur. Tu peux pas croire ça vue ce que tu connais de lui. Alors t’es juste. perdue. Et les larmes te viennent naturellement aux yeux, sans que tu puisses les contenir.

Tu fais un pas vers l’avant, comme si tu voulais mettre fin à ce carnage, comme si tu voulais protéger Lenny. C’est un peu le cas, même si le fait que ce soit Lenny n’importe pas spécialement dans cette envie. Quoi que, peut-être un peu quand même. Parce que c’est un Sage, il avait l’air d’un chic type. Il mérite quand même pas ça. Tes pas te mènent vers l’avant, dangereusement proche d’un endroit où tu pourrais prendre une décision stupide. Mais il faut croire que c’est pas ton moment alors que ton pied se prend dans celui d’un autre et tu manques de finir au sol. Ça aurait pu être un simple contretemps si ce n’était qu’en te relevant tu vois Sam dans la foule. Tu figes, comme à chaque fois qu’elle est dans les parages. Tu la fixes un moment, yeux embués des larmes qui coulent encore sur tes joues, avant de faire ce que tu fais de mieux : fuir. T’avais jamais eu ta place dans cette foule de toute façon.

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T'es là, mais tu sais pas exactement ce que tu fous là. T'es pas à l'aise avec la méchante connerie humaine, avec les gens qui se prennent pour Dieu et qui croient pouvoir imposer leur jugement divin. Pourtant, t'es là. Même pas porté par l'effervescence de la haine ambiante. T'as juste entendu parler du fait qu'on a trouvé le coupable, et par curiosité, tu veux le voir, quand même. Mettre un visage sur celui qui s'est pris pour Dieu en premier lieu. Il a le droit à une marche de la honte, à se faire huer de tous les côtés. Et tu participes pas à tout ça, un peu en retrait, observation hallucinée de la scène qui se déroule là. Parce que parmi tous ces gens qui le huent, combien sont des meurtriers eux-mêmes ? T'as jamais été un grand fan de l'hypocrisie. On a qu'une vie, et t'as toujours essayé d'agir en adéquation avec toi-même. Pas par conviction, mais parce que ça te ferait chier de perdre ton temps à être hypocrite. Vous êtes tous des délinquants, sauf les quelques rares personnes innocentes qui ont pas eu de chance dans leur procès. Alors tu comprends pas pourquoi lui doit se faire lyncher. Parce qu'il a tué des gens d'ici ? C'est quoi la différence avec le fait d'avoir tué des gens extérieurs à l'île ? Pourtant, de mémoire, t'as pas encore vu ceux qui ont tué à l'extérieur de l'île se faire publiquement humilier.

T'as un goût de gerbe dans la bouche quand la première pierre est lancée. T'as pas vu qui a fait ça. T'as pas vu d'où elle est partie. Et tout ce que tu vois, ce sont les autres pierres. Une lapidation. T'as du mal à en croire tes yeux. T'as du mal à croire que ça se passe vraiment là, devant toi, sans que personne n'intervienne pour faire stopper tout ça. Mais tu n'interviens pas non plus. T'aimes pas l'hypocrisie, certes, mais t'as pas envie de te manger une pierre dans la gueule pour quelqu'un que tu connais pas. Parce que t'as des gens à protéger ici. T'as encore des années à vivre, et si possible, en un seul morceau. C'est pas tant de l'égoïsme qu'un instinct de survie, parce que tu sais bien qu'ils feront pas la différence entre toi et le meurtrier, dans leur haine aveugle. Leur besoin de décompresser. Parce qu'il y a sûrement un peu de ça, finalement. C'est finalement le bon plan pour oublier ses propres problèmes. Tu restes inerte. Avant de soupirer, de t'extirper de la foule. T'as autre chose à foutre que de regarder un inconnu mourir, alors tu t'en vas. Tu comprendras jamais la haine, le besoin de faire du mal aux autres. Et l'ironie de la situation, c'est que ce mec qu'ils condamnent pour meurtre les rend tous meurtriers. Dès lors, tu donnes aucune légitimité à ce qu'il se passe sur cette place.

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après la première pierre, une autre ne tarde pas à suivre. tu serres les mâchoires alors que des acclamations retentissent, venant se mêler aux injures qui coulent à flots. ton regarde balaie l'assemblée de sauvages qui scande son mécontentement. car c'est bien ce qu'ils sont, des sauvages. tous, ou presque. tu vois à peine ceux dont le visage exprime l'incompréhension, tant les autres se manifestent bien plus fort. trop fort. elle est loin, l'exécution rapide et propre que tu avais espérée. et elle s'éloigne davantage encore au fil des secondes qui s'égrènent et à mesure que la colère de la foule grandit. longtemps tu t'étais dit que, malgré tout ce dont vous aviez pu être témoins sur l'île, la plupart d'entre vous avaient encore des limites. celle de la bestialité venait tout juste de tomber.

tu étais pour l'exécution publique. tu peinais à voir une autre solution possible pour que la sentence soit digne du crime. mais tu ne voulais pas ça. ce lenny avait ôté des vies et semé la panique sur l'île. mais pour autant que vous saviez, il n'avait pas fait preuve de cruauté envers ses victimes. il leur avait accordé une mort rapide, peut-être suffisamment pour qu'ils n'aient même pas le temps de se rendre compte que leur fin était venue. dans sa folie meurtrière, il avait fait preuve de pitié. et vous lui offriez une lapidation. tu sens oksana se raidir à tes côtés. mais tu n'as pas le temps de te préparer à sa question qui sonne comme une accusation à tes oreilles. « tu crois vraiment que j'aurais pu être d'accord avec ça? pour qui tu me prends, oksana? » tu lui demandes, la voix calme mais les mâchoires toujours aussi serrées. et ce prénom que tu n'utilises que rarement pour t'adresser à elle, et qui sonne comme un reproche. tu sais qu'au fond, elle sait déjà. et tu sais aussi qu'elle est chamboulée par le spectacle. mais tu ne peux pas t'empêcher de répliquer, parce que ça te touche sûrement autant qu'elle.

pourtant, ton irritation ne t'empêche pas de réagir lorsque tu la sens prête à partir. ta main s'empare de son poignet avant qu'elle n'ait le temps de se retourner. « reste. » ta voix est plus sèche que tu ne l'aurais voulu, et tu le regrettes immédiatement. mais c'est ton cœur qui a parlé, pourtant. ton cœur qui sait que les apparences sont plus importantes que tout, dans votre gang plus encore que dans les autres. ton cœur, aussi, qui connaît la fougue qui l'anime et craint qu'elle lui soit un jour fatale, car tu ne t'en relèverais pas. plus maintenant qu'elle a pris une telle importance dans ta vie. tu ne veux pas qu'elle se fasse remarquer en quittant les lieux trop tôt, parce que tu t'obstines à faire en sorte que rien ne puisse lui être reproché depuis le jour sacré où vos destins ont été unis à jamais et où tu as promis de la protéger quoiqu'il arrive. « s'il te plaît, ana. » tu ajoutes, plus doucement, tes doigts lâchant son poignet pour venir glisser le long de sa paume, s'entremêlant aux siens dans un geste qui se veut rassurant. et ta main qui tire délicatement sur la sienne pour la rapprocher de toi, pour qu'elle sente que tu es là et qu'elle sache que tu la comprends. et qu'elle comprenne à son tour que tu fais ça pour elle. tu lui laisseras tout le loisir de cracher sur la stupidité de la foule lorsque vous ne serez que tous les deux. qu'elle crache même sur les chefs, milice y comprise, si ça lui fait plaisir. tu l'écouteras des heures si il le faut. mais plus tard. pas maintenant.

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Le choc du premier coup porté ressenti jusqu’à sa moelle, consciente de ce que cette première jetée signifiait. Ce qu’elle signifiait sur cette exécution publique qui allait se muer en un voyeurisme barbare, ce que cela sous-entendait sur leurs natures. La bile lui remonta dans la gorge, l’amertume venant frapper sa langue qui claque contre son palais. L’interrogation fusa envers son époux milicien, espérant qu’il n’en savait rien pour le préserver mais aussi dans l’expectative qu’il l’aurait prévenu du spectacle, pour qu’elle puisse s’en tenir à l’écart dès le départ, pour qu’elle n’ait pas à y assister. Pour la préserver elle-même.

« C’est pas ce que je voulais dire... » lâcha-t-elle, honteuse, lorsque ses mots pourtant posés viennent la frapper en plein visage. Ce n’est pas qu’elle avait voulu dire, ni ce qu’elle lui avait demandé. Elle voulait seulement savoir s’il l’avait su. « Je sais que t’aurais jamais été d’accord avec ça, Jordan. » Le mimétisme seul mordant qu’il lui restait, sa fierté trépassant toujours face à lui parce qu’il compte bien plus que son orgueil. Parce qu’elle refusait qu’il puisse croire qu’elle pourrait un jour penser une telle chose de sa part. Le vacarme environnant presque étouffé par la culpabilité de lui avoir suggéré une telle bassesse mais alors qu’elle lui jetait un regard en coin, la seconde pierre fusa.

Elle n’a pas envie de voir les prochains rocs qui tomberont comme une pluie courroucée sur l’homme cloué au pilori. Elle veut partir, se retirer chez eux, là où elle n’aura pas à assister à une telle ignominie qui lui soulève le cœur et où elle n’aura pas à voir leurs visages goguenards eux qui n’ont rien à envier à leur coupable mué en victime devant leurs yeux. Elle esquissa un mouvement pour se retourner mais la main de Jordan enserra son poignet alors que le conseil, déguisé en injonction, lui fut glissé. Elle leva ses yeux pâles vers les siens, cherchant à lui communiquer ce qu’il savait déjà. Qu’elle n’allait pas pouvoir le regarder mourir sous leur ire, aussi cruellement, alors que ceux qui lui jettent la pierre ont fait des actes bien plus vils que les siens. Son regard est doux, presque mélancolique, alors qu’elle déchiffre dans ses yeux sombres ce qu’elle savait elle aussi déjà. Et avant même qu’il n’ait à poursuivre, elle savait déjà qu’elle allait rester à ses côtés. Avant même qu’il ne l’appelle ainsi, avant même qu’elle ne sente ses doigts se glisser entre les siens. Elle hocha la tête doucement, sans pour autant détourner tout de suite son regard, souhaitant s’y perdre plutôt que devoir assister au spectacle macabre qui se passait à quelques mètres d’eux. Finalement, elle parvint à trouver dans ses yeux le courage de s’y résoudre alors que son épaule vint se presser contre la sienne et sa main resserra son emprise sur celle du milicien. Lui qui la protégeait depuis des années durant, depuis qu’elle n’était qu’une adolescente fragile aux os encore brisés, et qui continuait de le faire encore aujourd’hui. Lui à qui elle devait tant et sans qui elle n’aurait certainement pas tenu si longtemps. Elle lui vouait une reconnaissance infinie pour sa seule présence qu’elle ne pourrait jamais parvenir à lui exprimer. « Merci, ми́лый. » souffla-t-elle dans un murmure en se pressant un peu plus contre lui sans jamais lâcher sa main, sa tête venant frôler l’épaule de Jordan lorsqu’elle entendit le sifflement de la troisième pierre dans les airs, ses yeux se fermant inconsciemment comme si elle craignait que le coup lui soit porté personnellement.

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le spectacle qui se déroule sous tes yeux est plus perturbant encore que tu l'aurais imaginé. mais pas forcément pour les mêmes raisons que tout le monde. pas seulement parce que l'île a atteint un niveau de barbarie auquel tu ne t'étais visiblement pas suffisamment préparé, malgré que votre ancien roi t'y ait entraîné par ses idées. non, si ce que tu vois te perturbe autant, c'est d'abord parce que tu reconnais l'homme attaché au poteau. tu ne le connaissais pas personnellement. t'en as pas eu le temps. mais il a croisé le chemin d'une personne qui t'est finalement bien plus chère que ce que tu t'étais forcé à penser. et, sans lui, t'es pas sûr que t'aurais un jour retrouvé cette personne entière, si on pouvait encore dire ça.

la deuxième raison te concerne plus directement. et le souvenir de ce jour te donne encore la nausée quand tu y penses. pourtant, les images qui se bousculent dans ta tête sont encore floues. la conversation qui s'emporte, les voix qui s'élèvent, les poings qui se perdent, le sang sur tes mains qui n'est pas le tien. et puis cette voix qui te chuchote à l'oreille que c'est pour le mieux. que, finalement, tu as fait ce qu'il fallait. tu secoues la tête pour la chasser et reporte ton attention sur l'autre meurtrier, celui qui est attaché sur ce poteau. et t'as l'impression de sentir les pierres s'abattre sur ton propre corps, brisant tes propres os. est-ce que ça fait aussi mal que tu l'imagines? tu peux encaisser les coups, t'as appris avant même de mettre les pieds sur l'île. encaisser et continuer à sourire, pour ne pas faire encore plus de peine à maman. t'as eu des années pour t'entraîner. mais ça, t'es pas sûr que tu pourrais encaisser.

t'as même pas remarqué la main de beatrix qui se resserrait sur ton bras à chaque nouveau cri de colère, à chaque nouvel applaudissement. jusqu'à ce que ça en soit trop pour toi aussi, et que tu t'aperçoives finalement de son teint bien plus blême qu'à l'habitude. « allez viens, on s'en va. » attrapant sa main, tu ne lui laisses pas vraiment le choix, l'entraînant avec toi sans la lâcher jusqu'à ce que vous vous soyez frayé un passage parmi les personnes s'étant entassées derrière vous. jusqu'à ce que la place soit loin, trop loin, presque, pour entendre les cris de la foule. ce n'est que là que tu la lâches finalement, sans plus de cérémonie, pour accélérer le pas et essayer de la semer à travers les arbres. maintenant que vous êtes loin des autres, tu as besoin de te laisser aller. de laisser tomber le masque que tu portes depuis plusieurs jours désormais. et d'arrêter de prétendre que tout va bien.

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Elle ne peut quitter la scène des yeux, ces derniers sont rivés sur l’atrocité en train de se commettre devant eux, incapable d’en détourner le regard comme presque fascinée par ce que l’on peut infliger à autrui par pur plaisir mais aussi, pour certains, par leur sens de la droiture. Pour eux, les choses se doivent d’être ainsi et leur poing s’abat parce qu’il ne peut en aller autrement. Pourtant, aucun d’entre eux ne verrait leur vie menacée si leurs bras restaient collés à leurs flancs. Il n’avait nul besoin survivaliste de lui faire du mal. Mais ils le faisaient tout de même, certains avec euphorie. Elle avait déjà assisté à cela, à des personnes qui prennent leur pied à foutre en l’air la vie d’autrui, que ce soit en tant qu’organisateur ou participant volontaire. Ça lui fout la gerbe mais elle est incapable de détourner le regard, sa main se contentant de pâlir, se resserrant comme un étau sur le bras de Newt. Une fascination morbide pour l’étrangeté de l’être humain, l’animal et le civilisé. L’illusion du pénitent qui s’impose la vue du châtiment d’autrui parce qu’il en méritait de même, voire plus encore. Leurs crimes absous aux yeux des autres dès lors qu’ils mettaient un pied sur l’île, mais l’étaient-ils vraiment ? Les îliens sont des juges plus sordides encore que ceux de la terre ferme, n’hésitant pas à endosser le rôle du bourreau s’il le faut. Un frisson la gagne à imaginer ce monde renversé, où chacun ferait sa loi et imposerait ses sévices à autrui, qu’ils soient mérités ou non. Qu’ils soient leur punition pour leurs méfaits d’aujourd’hui ou ceux d’hier.

Sa main quitte malgré elle le bras de Lancelot pour finir dans la sienne, tirée vers d’autres horizons où l’air était plus respirable, les hommes moins infects. Oui, elle veut s’en aller, loin d’ici. Elle le laisse faire, silencieuse, reconnaissante qu’il l’extirpe d’une scène qu’elle ne parvenait pas à quitter d’elle-même. Mais ses yeux sombres, plissés devant l’aberration, ne purent s’en arracher tout de suite, continuant d’observer le sage meurtri jusqu’à ce que les têtes soient trop nombreuses pour l’apercevoir. Ce n’est qu’alors qu’elle regarda droit devant elle, posant ses yeux sur le dos de Newt qui continuait de l’entraîner derrière lui, pour qu’ils retournent chez eux où ils n’auront pas à les entendre exclamer chaque nouvelle pierre qui s’abat sur le châtié. Ce n’est qu’une fois dans les prémices de leur quartier, dans cette forêt dont ils connaissaient les moindres recoins, qu’il lâche sa main pour la devancer, sans se retourner, ne lui offrant que son dos en train de s’éloigner comme vision pour remplacer le sang imprimé au dos de ses paupières.

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Le Gouffre de helm

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Tous ces meurtres avaient marqué les îliens. Et Ange ne faisait pas exception. Ce n'était pas tant la présence d'une arme à feu qui l'avait alarmé, mais la présence d'un tueur en série. La muse avait parfaitement conscience du potentiel d'une telle arme, néanmoins sa présence sur l'île n'était pas pour lui une très grosse surprise. Ange était convaincu qu'il restait encore beaucoup de choses à découvrir sur cet endroit. Et puis, peut-être qu'un garde s'était montré négligent en amenant les derniers délinquants. Non, ce n'était clairement pas l'arme le problème pour Ange, mais un tueur en série. Son métier de prostitué faisait de lui une cible facile. Il rencontrait de nombreuses personnes avec qui il partageait son intimité, c'était sans doute un des moments où il était le plus faible où il était le moins sur ses gardes. De plus, Ange ne pouvait pas s’empêcher de penser que le tueur de l'île était peut-être une version moderne de Jack l’Éventreur.

Et en voyant le coupable attaché sur la place publique, Ange laissa échapper un soupir de soulagement. Il allait arrêter de se retourner sur chaque bruit lorsqu'il se déplaçait la nuit et il allait sans doute commencer de nouveau à accepter de nouveaux clients et clientes. Mais soudain, Lenny, le fameux tueur se prit une pierre, ce qui arracha Ange de ses pensées. Sur le moment, il ne comprit pas ce qu'il se passait. Mais lorsque d'autres cailloux commencèrent à pleuvoir sur le corps du meurtrier, Ange comprit. Ce n'était pas simplement un moyen de montrer à tout le monde que le coupable avait été appréhendé, c'était une exécution, une lapidation. Ange ne savait pas trop quoi penser de la peine de mort, c'était peut-être la meilleure solution pour la survie de tous sur l'île, mais une lapidation, ça ne l'était pas. Et dans un sens, c'était très cruel. Mais c'était aussi un moyen de donner plus d'attention à Lenny et d'en faire un martyr. Alors ne voulant pas être mêlé à tout ça, Ange quitta les lieux pour rentrer chez lui. Il allait essayer de se changer les idées en préparant quelque chose pour son mari. Les deux hommes avaient emménagé ensemble, il y a quelques mois. Et comme Zéphyr ne demandait rien en retour à son époux, celui-ci essayait de lui faire plaisir avec des bons repas de temps en temps. Et puis, le milicien devait très certainement être quelque part en train de surveiller l'exécution. Il aurait sans doute bien besoin de souffler en rentrant chez lui.

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Dire que les derniers événements ne t’ont pas perturbée serait surement exagérer la chose. T’as pas tellement eu peur pour ta vie (un peu trop persuadée que personne ne voudrait s’en prendre à toi) encore moins lorsque tu as cru comprendre que les Sages étaient visés. Alors t’as continué à vivre ta vie, insouciante comme à tes habitudes. Il n’en est pas différent à présent alors que tu fais ton chemin jusqu’à la place du marché. T’as entendu dire qu’ils avaient trouvé le meurtrier ce qui ne t’étonne pas considérant que Minerva avait été appelée un peu plus tôt pour tu ne sais trop quoi. T’as pas essayé de comprendre, encore moins lorsque t’as compris que c’était quelque chose de sérieux. Il en va de même pour la présente situation. Tu t’es ramenée sans trop savoir à quoi t’attendre.
T’es pas allée à l’avant de la foule, t’es restée un peu en retrait, curieuse de savoir ce qui allait se passer. Tu vois Newt et Beatrix au loin et songes un instant à les rejoindre, mais t’as pas l’impression que c’est une bonne idée. Comme quoi, il t’arrive parfois de bien lire une situation, de savoir que tu ne serais pas la bienvenue dans une situation. Tu les observes du coin de l’oeil avant que ton attention passe vers Sam qui arrive à tes côtés. Tu ne dis rien te contentant d’être une honnête (ou pas) spectatrice.

Même lorsque la première pierre est lancée, tu ne dis rien. Tu ne détournes même pas le regard. Est-ce que ça te choque ? Peut-être. Probablement pas assez. La preuve, tu finis par te pencher pour récupérer une pierre au sol, prête à imiter tes compatriotes. T’as pas spécialement envie de le faire, tu n’en vois pas l’intérêt, mais puisque c’est ce qui est attendu de vous. Tu ne penses pas à la présence de Sam à tes côtés, tu ne penses pas non plus aux autres qui sont partis. Tu t’apprêtes juste à le faire, sans plus réfléchir. C’est sans compter l’intervention de ton amie : le ton sec, les yeux écarquillés. Tu arrêtes ton geste sur le coup et relève les yeux pour l’observer un moment. « C’est ce qu’il faut faire non ? » Pas ce que tu veux faire, tes mots sont soigneusement choisis comme à l’habitude. Tu ne penses pas au fait que la punition n’est pas éloignée de celle que Sam aurait pu subir, tu ne t’arrêtes pas au fait que c’est tout bonnement horrible. Tu n’insistes pourtant pas, lâchant la pierre. « J’imagine que tu préfères qu’on y aille. » Tu dis la chose avec une certaine nonchalance, sans doute le signe que tu te fiches complètement de l’horreur qui vous entoure. Cela dit, l’état de ton amie t’importe et vue comment elle semble choquée, autant ne pas s’attarder.

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Tu te tiens en retrait lorsqu'ils amènent Lenny jusqu'à la place du marché. Une part de toi préférerait éviter toute cette histoire, une part de toi voudrait s'enfuir pour ne pas avoir à assister à ce qui va se produire, mais le reste... eh bien le reste ne peut pas se résoudre à l'idée de laisser mourir celui que tu aimes sans au moins essayer de lui apporter un peu de réconfort. Tu ne sais pas si c'est vraiment ce que ta présence va lui apporter, mais au moins, tu ne l'aurais pas laissé complètement seul. Tu ne sais pas ce qui a été décidé entre les autres représentants présents lors de la réunion et tu n'est pas certaine de vouloir le savoir. Pourtant, lorsque la première pierre est lancée, tu sais. Tu sais que ce n'était pas prévu, tu sais aussi que ça ne pourra pas bien se finir.
Il te faut un certain temps avant de sortir de la stupeur que la scène a causée en toi, mais lorsque tu bouges, tu agis vraiment. Tu sors la lame que tu gardais cachée sur toi depuis que les meurtres avaient débutés et tu te précipites au centre de la scène. Tu ne dis rien, tu n'en as pas le temps de toute façon. D'un coup sec tu plantes la lame dans le corps de Lenny. Tu fais attention à bien viser une artère pour ne pas lui imposer une mort plus agonisante que celle qui lui avait été réservée. Peut-être que certains penseront que tu n'as pas réfléchi bien loin lorsqu'une pierre vient te happer. Tu mourras peut-être sous les roches, mais au moins tu auras rectifié l'injustice que tu as causée plus tôt. Il a été attrapé par ta faute, mais au moins, tu lui aurais épargné le pire, quitte à le subir toi-même.