difficile d'émettre une opinion objective lorsqu'il n'y a pas d'alternative. elle n'a rien laissé derrière elle, son ancienne famille oubliée au profit d'une bande de dégénérés à l'équilibre précaire, des fauves endormis, des gosses qui n'attendent qu'une occasion pour se transformer en furies. contrairement à certains, elle n'a pas eu le choix de venir ici. de la même façon, elle n'a pas eu le choix de s'intégrer aux autres, sous peine d'être menacée, traquée, effacée. alors s'il faut lui demander si elle se plaît sur l'île, a-t-elle le choix ? c'est tout ce qu'elle connaît désormais, voilà tout.

ils ne sont tous que des enfants en quête d'appartenance lorsqu'ils foulent cette terre pour la première fois et elle n'en était pas l'exception. rien de plus qu'une gamine perdue qui cherchait sa place, la nymphe est devenue une muse et son corps fut sanctifier. désirée pour sa froideur, elle représentait un défi. celui de la faire craquer, la faire trembler d'envie et insuffler de la chaleur dans son coeur de glace pour qu'elle s'amourache de leurs pauvres âmes esseulées ou au moins qu'elle feigne être amoureuse de celui qui lui effleurera la cuisse. ils entretenaient l'espoir illusoire que leurs coups de reins pourront un jour l'émouvoir. docile ou avenante, douce ou brutale, elle répondait toujours à leurs coups faisant fuir les couards violents et rester les plus perturbés. mais son travail charnel si bien réalisé, certains préféraient sa compagnie aux plus bavardes et aux plus factices. elle leur donnait l'impression d'être écoutés alors ils se dévoilaient à elle, lui chuchotant des mots à l'oreille une fois leur affaire faite.
mais ils ne la profanent plus maintenant, la muse ne se vend plus. elle ne frôle plus que les cadavres auxquels elle offre un passage honorable vers l'au-delà.


son rêve le plus sincère, celui qu'elle chérissait au creux de sa poitrine entre les côtes fêlées, était aussi le plus naïf. trop précieux pour être divulgué, trop honteux pour être révélé. un rêve pathétique de ceux qui sont faibles. le rêve d'une émotion primale et primaire, qui nourrit la terre et qui provoque des guerres. elle ne le prononcera jamais, pas même à demi-mots. elle rêvait de quelque chose qu'elle ne connaissait pas. elle n'y songe plus depuis longtemps, depuis que ses rêves sont devenus aussi obscurs que le sang sur ses mains.