Le panier en osier posé sur la table de la demeure précaire d’Ana était déjà bien rempli, et s’ajouta à tout ça, une couverture supplémentaire. L’Organisatrice avait préparé tout un panier de victuailles, de tissus et de linges. Elle vérifia une dernière fois que tout était prêt et s’empara du panier avant de sortir de chez elle. Vu de l’extérieur, on aurait pu croire que la jeune femme s’apprêtait à aller faire un pique-nique, mais il n’en était rien. Anastasia avait cette tendance à s’inquiéter et à prendre soin de tout et tout le monde, notamment parmi les autres. Notamment pour Ash en ce moment.

La Norvégienne ne connaissait pas beaucoup cet homme, elle ne l’avait vu que quelques fois -principalement lors des fêtes- et ils n’avaient guère échangé que quelques mots. De plus, on ne pouvait pas dire qu’Ash était un membre très actif de la communauté, rare étaient les fois où il était venu donner un coup de main, passant plus son temps à profiter des efforts des autres. Néanmoins, cela n’empêchait pas l’Organisatrice de veiller sur lui au même titre que tous les autres.

Cela faisait presque un mois que personne ou presque ne l’a vu. Ni dans le quartier, ni chez lui étant donné qu’il y restait cloîtrer et envoyait chier quiconque tentait d’entrer. Ana était bien placée pour le savoir, elle avait essayé plus d’une fois. Elle était plusieurs fois venue frapper à la porte pour voir s’il allait bien et elle n’avait jamais pu entrer. Soit il restait dans le silence le plus total jusqu’à ce qu’elle s’en aille, soit il l’insultait. Dans tous les cas, elle finissait pas partir.

Cependant, les choses devenaient vraiment préoccupantes et Anastasia était bien déterminée à rentrer dans cette cabane. C’est ainsi qu’elle se retrouva sur le seuil de la demeure d’Ash, frappant à sa porte à intervalles réguliers. Dans un premier temps, ce ne fut que le silence qui lui répondit. La jeune femme attendit un peu et réitéra. Elle entendit une voix lui répondre ou plutôt lui aboyer de partir. D’habitude, l’Organisatrice aurait juste attendu un peu plus derrière la porte avant de partir sans un mot mais cette fois elle ne se démonta pas et frappa à nouveau. Elle entendit râler de l’autre côté de la porte et il finit enfin par lui ouvrir avant de se mettre de lui répéter froidement de dégager.

Anastasia ne répondit pas de suite, regardant Ash avec des yeux effarés. Mais dans quel état il était ??! Il ne ressemblait en rien à celui qu’elle avait pu croiser auparavant, vraiment rien. Elle dut même retenir un mouvement de recul et une grimace, tant pour son état lamentable que l’odeur qu’il dégageait. La jeune femme prit cependant sur elle et regarda Ash dans les yeux, gardant son calme.

“Bonjour Ash ! Je suis venue voir comment tu te portais. Contente de voir que tu te sois enfin décidé à m’ouvrir. Je t’ai apporté de quoi te restaurer, panser tes plaies, et des draps et couvertures propres, je vois que j’ai bien fait de prévoir.”

A dire vrai, Anastasia ne s’attendait pas à être très bien accueillie par Ash et elle ne savait pas vraiment comment elle était censée agir avec lui, alors elle faisait simplement comme d’habitude, figure de douceur et de patience, un petit rayon de soleil en somme.

Elle ne savait vraiment pas à quoi s’attendre avec lui. Est-ce qu’il allait l’envoyer balader ? Est-ce qu’il accepterait son aide ? La deuxième option semblait peu probable et pour cause, il lui lança un regard dédaigneux avant de lui balancer qu’il ne voulait pas de sa pitié et de lui ordonner encore une fois de se casser. Pourtant la jeune femme ne se démonta pas, regard toujours planté dans celui de l’ours mal léché qui se tient devant elle. Il fit un pas en arrière et Ana comprit qu’Ash allait refermer la porte et anticipa un pas en avant avant de s’arrêter lorsque le jeune homme en fit de même. Elle le regarda d’un air interrogatif et soudain il lui arracha le panier des bras avant de lui claquer la porte au nez.

Anastasia resta interdite quelques secondes devant la porte. Elle posa machinalement sa main sur son avant-bras droit éraflé et douloureux à cause de la violence avec laquelle Ash lui avait pris le panier. La Norvégienne soupira à la fois inquiète et blessée. Qu’est-ce qu’elle était censée faire ? Partir ? Ou insister ?

Elle entendit alors le jeune hurler et jurer à travers la porte. Ni une ni deux, l’Organisatrice décida simplement de pousser la porte et d’entrer malgré les protestations de l’Autre. L’odeur était infecte et la jeune femme traversa directement la pièce pour ouvrir ce qui servait de fenêtre, faisant courant d’air avec la porte à présent grande ouverte. Sans attendre, elle commença à défaire le lit d’Ash et de balancer les draps dehors.

“C’est pas de la pitié. Je m’inquiète pour toi comme je m’inquiéterai pour n’importe lequel d’entre nous. Regarde toi ! T’as à peine l’air humain...Tu peux râler tant que tu veux. On dirait un enfant et s’en est presque ridicule. Alors si tu veux pas me parler, soit. Ignore moi. Mais je sortirai pas d’ici avant que ce taudis soit propre et que tu ais des linges propres.”

Aucune once d’animosité dans sa voix mais pourtant reflétant toute la fermeté dont elle pouvait faire preuve. Anastasia s’occupait de Ash comme elle l’avait fait pendant des années avec ses petits frères et à la maison, c’était elle qui décidait. Et si elle devait appliquer ça avec lui, alors elle allait le faire.

Tandis qu’elle s’affairait à défaire les draps et à les mettre dehors, Ash ne dit pas un mot, se contentant de mettre un coup de pied dans une autre bouteille avant d’aller s’affaler sur son lit qu’Anastasia venait de défaire en lui disant de faire comme ça lui chantait, qu’il s’en fichait. La Norvégienne soupira et secoua la tête, ne prêtant plus attention à l’enfant boudeur qu’il était, car pour l’instant c’est tout ce qu’il était. Un gamin qui faisait la gueule. Dépoussiérant au maximum la pièce, l’Organisatrice jeta tout ce qui était à jeter et rangea tout ce qui était à ranger.

Une fois cela fait, la jeune femme retourna vers le meuble où le panier était posé et en sortit le contenu, qu’elle laissa sur le côté. Elle prit un gros morceau de savon qu’elle avait ramené et le posa sur le jeune homme complètement avachi dans son lit.

“Va te laver. Je t’ai apporté du savon, un bac et de l’eau. Tu fais ça où tu veux, tu peux même aller dans la rivière si tu préfères, je m’en fiche, mais lave-toi. Et ce n’est pas une question. Si tu te bouges pas je te préviens que c’est moi qui le fait et je pense vraiment pas que t’as envie de ça.”

Elle n’avait pas spécialement envie de faire ça non plus, il ne fallait pas se mentir mais s’il faisait l’enfant alors elle le traiterait comme tel même si elle devait le laver elle-même comme elle le faisait avec ses frères quand ils étaient petits. Déjà bien fatiguée par tout ce qu’il y avait à faire au sein du gang et ça sale tendance à se négliger en dépit des autres, Anastasia espérait qu’il allait lui faciliter la tâche et qu’elle pourrait mettre ses draps propres pendant qu’il se laverait, mais vu la coopération d’Ash jusque là, rien n’était moins sûr.