Y’a un type qui lui a dit d’attendre là. Wei s’est posé contre un mur, nonchalant. Il voit certaines personnes se battre sur un style de ring improvisé. Il sait qu’il sera jamais de ceux qui se battront. Il a assez douillé comme ça par le passé. Puis ça sert à quoi concrètement, de se battre. Il attend, le coeur qui tambourine fort dans sa poitrine. Le gars qui lui a dit d’attendre là s’est excusé, il lui a dit que ce qu’il allait vivre allait probablement pas être agréable. Mais il lui a dit d’attendre, c’est qu’il va chercher Liming, non ? Pas quelqu’un qui lui annoncerait qu’il est mort, pas vrai ? C’est concrètement la seule chose à laquelle il puisse penser. La seule raison pour laquelle un étranger s’excuserait. Il s’est présenté, Wei. Il lui a dit qu’il s’appelait Wei Xia, que Liming était son grand frère, et qu’il voulait le voir. Si possible. Il vient de débarquer, il est sorti du bateau y’a pas plus de vingt minutes. Il a vaguement compris qu’il y avait des histoires de gang. Et lui, les gangs. Il est d’ailleurs surpris que Liming en ait rejoint un. Les Magiciens. Ils sonnent pas vraiment comme les gentils. Il a vaguement demandé à propos de Huanghun aussi, on lui a dit qu’il était chez les Chimères. Et Wei s’est rapidement demandé pourquoi ils étaient pas ensemble. Ça a aucun sens. Son coeur bat fort parce qu’il sent qu’un truc cloche. Par terre, des seringues partout, vides. Des gens perchés. Le type qui a été cherché Liming avait l’air totalement high. Qu’est-ce qu’il fout, son grand frère, dans un repaire de camés ? Il devrait pas. Il. Il a trop souffert à cause de la drogue. Y’a un truc qui cloche dans tout ça, et Wei veut comprendre quoi. Il ferme l’oeil droit rapidement, parce que la dernière cicatrice lui fait toujours mal. Il doit pas la toucher, pas gratter. Enlever la croûte résulterait juste à le faire pisser le sang, et c’est pas le meilleur des plans. Mais comme elle est sur la paupière, juste fermer et ouvrir l’oeil plusieurs fois, ça soulage cette envie de gratter. Il attend patiemment. C’est pas vraiment comme s’il avait autre chose à faire. Y’a un type qui vient le voir pour lui demander s’il attend pour se battre. Il a l’air de le reluquer comme un morceau de viande à envoyer à l’abattoire. Et si ils sont tous comme ça, les Magiciens, Wei se demande vraiment ce que son frère fait là. Il secoue la tête négativement et le type repart sans vraiment le quitter des yeux. Il le fait flipper, fuck. Il commence à taper du pied alors que le temps passe. Il l’attend depuis une vingtaine de minutes maintenant. Son regard se porte répétitivement par intervalles plus ou moins réguliers vers l’endroit où est parti le type. Wei finit par arrêter une fille qui passait par là. Une asiatique à l’air pas très heureuse d’avoir été stoppé. Il lui demande rapidement si elle sait où est Liming. Elle lui répond qu’il est probablement avec Leo au laboratoire. Laboratoire ? En voyant que Wei comprend pas, elle lui explique que c’est là où ils font la drogue. Et Wei a cette impression étrange qu’on lui parle pas de son frère. C’est peut-être un autre Liming. C’est probablement un autre Liming.

Elle lui dit qu’elle va le chercher parce que Wei lui fait pitié, à attendre, là. Et elle est plus fiable que le “Leo” qu’avait été le cherché au début. Ils arrivent tous les trois en bande vers Wei. Le Leo s’excuse d’avoir “oublié” pourquoi il était allé voir Liming. Wei lui dit que c’est pas grave. Puis, il a franchement d’autres soucis en tête. Fuck. La tête de son frère. Son visage. Il baisse les yeux vers son bras. Le nombre de point qui montrent un nombre de piqûres qui… Le nombre de bleus. C’est le même Liming, y’en a pas deux. Mais c’est pas le même. C’est. Wei baisse les yeux quelques secondes avant de les relever vers le visage de son grand frère. De l’homme qu’était son modèle, à une époque. Les mâchoires serrées par la douleur de la compréhension de ce qu’il se passe, il essaye de parler. Le bruit qui s’échappe de sa bouche ressemble plus un gémissement qu’à un mot. Il se racle la gorge pour regagner un peu de composure. Les deux autres s’en vont, décident de les laisser. Et Wei arrive enfin à parler. “Hey, Ming… You, hm… You look terrible.” Dans son cantonnais maternel, il lui lance ça. Il voulait le lancer sur le ton de la plaisanterie, mais il y arrive pas. C’est pas. C’est juste pas drôle. Il aurait voulu lui dire qu’il avait l’air d’aller bien, mais c’est pas le cas. Et Wei déteste mentir, plus que tout au monde. Le garçon qu’il a devant lui, sans aucun doute, c’est Liming Xia. Mais c’est clairement pas son grand frère.

Wei retrouve bien vite un sourire sur le visage. Pas un vrai sourire, un sourire un peu forcé. Ils sont rares chez lui, les sourires forcés. Il préfère les naturels, et en général, il sourit pour toutes les situations de la vie parce qu’il a pris cette habitude exaspérante de voir le verre toujours à moitié plein et de toujours prendre le meilleur de toutes les situations, même les pires. Mais là… Son frère. Son modèle. Probablement sous influence, et au vu des bleus sur ses bras, ça a pas l’air d’être une fois de temps en temps. C’est douloureux. Mais il réussit à sourire quand même, parce qu’il peut pas se montrer faible face à Liming. Il peut pas montrer qu’il a de la peine. Avec tout ce qu’il a dû vivre après tout, c’est peut-être une réaction normale que celle de tomber dans la drogue. Parce que ça aide à oublier, parce que ça aide à pas ressentir la douleur. Peut-être que Wei peut comprendre. Mais ça lui fait mal quand même, parce qu’il était son modèle, lorsque Liming était encore à la maison. Il était celui qui ramenait la bouffe quand ils en manquaient. Grâce à lui, ils ont réussi à rencontrer les Lin, qui ont permi à leur famille de vivre pendant un long moment. Et même si ça n’a pas duré, pour des raisons que Wei trouvent affligeantes et énervantes, ça a été une belle période dont il se souvient comme d’un bon souvenir. Avec les Xia, Wei a jamais grandit dans la certitude. Alors même quelques repas d’assurer, c’était déjà ça de pris. Et grâce à Liming, ils ont eu plusieurs années de repas sûrs. Et ça, Wei ne l’a jamais oublié. Bien sûr, il n’a jamais oublié non plus que c’est à cause de lui que la famille a été repéré par la mafia, plus tard. C’est à cause de lui, qu’il a ces cicatrices. Tout ça, c’est à cause de lui. Mais même s’il lui en veut, il peut pas être totalement énervé contre lui. Pas complètement. C’est son big brother, c’est une des personnes qui comptent le plus pour lui. Alors il peut pas lui en vouloir trop longtemps. Même là, alors qu’il est devant lui, et qu’il voit ce qu’il est devenu, il arrive pas à lui en vouloir. Mais en même temps, c’est son grand frère. Même s’il était devenu un assassin, même s’il avait commis les pires atrocités, il aurait probablement pas réussi à totalement lui en vouloir. Il aurait probablement même tout fait pour l’aider et le soutenir. Pour le défendre. Ça lui fait mal, de le voir comme ça, merde, ce que ça lui fait mal. Mais il essaye de comprendre.

Mais la réaction de Liming, il s’y attendait pas. Il voit ses yeux s’éclairer lorsqu’il parle, et Wei sourit de nouveau. Mais ce qu’il dit. Un ami de Huanghun ? Qui ? Lui ? Comment ça, un ami de Huanghun ? Wei fronce les sourcils, comprenant pas trop ce que son frère a voulu dire. Il continue à parler, Liming, il lui parle de Huanghun, et Wei est content de voir qu’ils sont toujours aussi proches, enfin plus ou moins, d’après ce qu’il comprend. Puis son nom. Son nom ? Il lui demande son nom ? Wei se retourne, pour voir à qui son frère parle. Mais y’a personne à part eux deux. Puis, c’est lui qu’il a regardé en posant la question. “Me ?” Parce qu’il comprend pas bien pourquoi Liming lui demanderait son prénom. Est-ce qu’il le reconnaît pas ? Peut-être que. Wei lève la main pour toucher ses cicatrices. “I didn’t think these scars changed my face this much. Mum recognized me. Well.” Il baisse les yeux, le sourire qu’il avait en voyant les yeux de Liming s’émplir d’étoiles est plus très sûr. “It’s me Ming. Wei. Your lil’ brother.” Il essaye vraiment fort de sourire, se voulant rassurant. Comme pour lui dire que c’est pas grave, qu’il l’ait pas reconnu. Que c’est pas grave. Il sait que les cicatrices lui ont défigurés une partie du visage, et c’est normal, probablement, de pas le reconnaître. Il comprend. Il lui en veut pas. Parce qu’il est son grand frère. Et il l’aime.