Lies a warrior

Héra Delacroix

Est-ce qu'elle va venir ? Deklan n'en sait rien et s'il voudrait s'interdire de l'espérer, ça ne l'empêche pas d'attendre. Il est assis sur un rocher près de la rivière, à l'endroit précis où ils ont discuté la dernière fois, et cette fois c'est un livre qu'il a dans la main. Il s'est encore tailladé hier, et cette fois il ne s'est pas loupé quand le couteau a dérapé sur le morceau de bois qu'il essayait de sculpter ; si d'habitude, ça ne l'arrête pas, cette fois il préfère ne pas trop jouer les casse-cou. Une coupure par-dessus une coupure, ça fait vachement mal, et pour avoir déjà connu l'expérience, sous le fouet de Paz mais pas seulement, il aime autant ne pas recommencer. Et puis, il est passionnant ce bouquin. Le Prince de Machiavel. Il l'avait déjà lu, dans sa jeunesse ; ça a une saveur différente maintenant.

C'est un petit craquement qui lui fait lever le nez, finalement ; il aperçoit presque aussitôt une mèche blonde disparaître derrière un arbre. Dommage Princesse, t'y étais presque. Si elle avait eu les cheveux attachés il ne l'aurait pas repérée aussi vite. Pour autant, il est curieux, alors il hausse les épaules et remet le nez dans son bouquin. Combien de temps elle va rester planquée ? Un moment, apparemment ; il tourne une page, puis une autre quelques minutes après, l'air concentré et très sérieux, malgré le rire qu'il réprime très bien quand il l'imagine retenir son souffle à chaque fois qu'elle change de place. Sa discrétion est remarquable, il doit bien l'admettre ; d'ailleurs elle a trouvé une petite place d'où elle peut sans doute le regarder sans qu'il ait aucune chance de la voir. Pas de chance, il sait déjà qu'elle est là. « Mannequin, j'y crois pas une seconde, lance-t-il alors, en se redressant, posant le livre sur sa cuisse. J'suis sûr que t'étais paparazzi. » Il rigole, en tournant la tête vers sa cachette ; effectivement, il ne peut pas la voir. Mais c'est pas de chance, il sait déjà qu'elle est là. « Tu sais le sol est trop ferme ici, pour creuser un trou ça m'aurait pris des heures. J'ai pas menti, y a aucun piège. Tu crains rien, allez. » Il ne va pas la mordre, de quoi elle a peur cette fois ?

Lies a warrior

Deklan Levski

Salut Princesse, j'espère que ça va. J'ai essayé de te trouver mais apparemment tu es vraiment douée pour te cacher, hein ? J'aimerais bien te revoir, ne serait-ce que pour savoir si tu survis. Je serai à la rivière vendredi, là où on s'est vus l'autre fois. Dans l'après-midi, passe me voir si t'as envie ?
Deklan.

Quand on lui a dit qu'elle avait reçu du courrier, Héra n'y a d'abord pas cru. Déjà, l'idée même qu'il y ait un bureau de poste au sein de l'île lui paraît tout à fait incongru ; mais qu'on prenne la peine de lui écrire, non, c'était beaucoup trop surprenant. Pourtant, l'écriture maladroite et brouillonne est bien là, dans son sac, au milieu de ses autres petits trésors ; il lui a écrit une lettre, elle a dû faire une forte impression la dernière fois. Et finalement, ça ne la surprend pas  beaucoup la jeune femme, elle n'est rentrée au Centre qu'à la nuit tombée, la dernière fois qu'elle a vu Deklan. Aujourd'hui, une dizaine de jours sont passés ; ses mains guérissent doucement, et elle consacre tout son temps à la couture, à améliorer ses points, et à donner satisfaction au petit gars qui travaille avec elle et qui s'occupe maintenant tout seul de la vente de vêtements. C'est-à-dire que la dernière fois qu'elle y a été toute seule, les choses ne se sont pas très bien passées, alors Miky a préféré faire sans elle, ensuite. Moins dangereux, d'après lui, et c'est presque un peu vexant de se faire entendre dire ça par un minot de seize ans qui n'a jamais levé la main sur personne, d'ailleurs.

Elle n'y pense pas, cet après-midi ; ni au petit qu'elle a laissé tout seul, ni à son ouvrage qui l'attend, ni à la douleur, légère, encore présente sur sa joue gauche. Le garçon a tapé directement sur la pommette. C'était juste une claque mais il était magicien, alors... alors il savait se battre, d'après ce qu'elle a compris. Il n'aurait pas dû lever la main sur elle au Centre, c'est rigoureusement interdit, mais si ces gens-là savaient respecter les règles, ça se saurait. Héra est guillerette, quand elle arrive au point de rendez-vous ; à vrai dire, elle y est déjà retournée deux fois depuis leur dernière rencontre. Si elle a arrêté de suivre Deklan, les vieilles habitudes ont la vie dure, et elle ne fonce pas directement à sa rencontre, non. Cachée derrière un arbre, elle le regarde. Il a un livre dans les mains, il a l'air très concentré. Elle est presque sûre qu'il ne l'a pas vue. Elle va s'approcher tout doucement.

Elle aime bien le regarder quand il se croit tout seul. Ses traits ont l'air plus détendus, à ce drôle de garçon, et ils ont le temps après-tout, elle se manifestera plus tard... ou pas. En essayant de bouger, la jeune femme fait craquer une petite brindille. Il lève le nez, elle a tout juste le temps de se planquer de nouveau, la respiration coupée ; et il retourne à son livre. Ouf.

Alors elle profite des quelques minutes de calme pour se rapprocher, à pas de chat. D'abord un autre arbre, puis un petit buisson, et enfin, un gros caillou. Elle est tout près, et il n'a toujours pas levé le nez. Elle va lui faire la surprise, peut-être sauter en faisant BOUH ! ça va peut-être le faire rire, non ? Oui, voilà, elle va faire ç... « Mannequin, j'y crois pas une seconde. J'suis sûr que t'étais paparazzi. » Oh mince. Elle devient écarlate Héra, derrière son caillou ; depuis combien de temps il sait qu'elle est là ? Sûrement depuis le craquement, songe-t-elle en se fustigeant d'être si peu discrète, les lèvres pincées dans une petite mine boudeuse, sans bouger tout de suite  pour autant. C'pas juste. « Tu sais le sol est trop ferme ici, pour creuser un trou ça m'aurait pris des heures. J'ai pas menti, y a aucun piège. Tu crains rien, allez. » Oui, ça Héra le sait, elle voulait juste... le regarder un peu, sûrement. Et tester sa discrétion, bah c'est raté, songe-t-elle en relevant sa petite tête, croisant deux yeux gris et pétillants d'amusement.

Alors, elle abandonne définitivement sa cachette ; s'extrayant de son abri, l'ex mannequin le rejoint en quelques pas, avant de s'étaler, assise au bord du ruisseau. Elle boude un peu quand même, parce qu'il rigole encore, ce grand idiot. « Je suis là depuis au moins un quart d'heure, ment-elle en levant le menton. et je suis sûre que tu m'as pas entendue. » Il ne la croit pas, bien sûr. Héra n'a jamais su mentir. Devant le sourire encourageant qu'il lui jette, pourtant, elle ne peut pas faire la tête bien longtemps ; avec un petit haussement d'épaules, elle se tourne pour lui sourire, toute mauvaise  humeur envolée. « C'est quoi que tu lisais ? T'avais l'air drôlement concentré. »

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Héra Delacroix

Il ne rigole pas à pleine voix Deklan, parce qu'il a quand même un peu de la vexer, mais quand une petite tête blonde émerge de derrière son rocher, il a quand même du mal à ne pas pouffer. Du mal, c'est même assez peu de le dire parce que sa démarche princière et indignée quand elle le rejoint, c'est beaucoup trop amusant, alors ça lui échappe peut-être un peu, le ricanement. « Je suis là depuis au moins un quart d'heure, et je suis sûre que tu m'as pas entendue. » Mais bien sûr. C'est quoi cette petite voix insurgée, exactement, elle espère être crédible comme ça, vraiment ? Non, vraiment, elle est trop mignonne pour qu'il se moque mais l'ennui c'est qu'elle l'est aussi beaucoup trop pour qu'il ne pas rire en essayant de la prendre au sérieux. Alors, il se contente de rire, attendant simplement qu'elle arrête de bouder. Quand un oeil bleu ose enfin se glisser jusqu'à lui, il a retrouvé un peu de son calme, et son sourire est bien plus encourageant que moqueur. Allez, t'arrêtes de bouder ? « C'est quoi que tu lisais ? T'avais l'air drôlement concentré. » Cette fois, il ne va pas dénoncer sa pauvre tentative de digression, même s'il l'a évidemment complètement devinée. L'objectif n'est pas de la mettre mal à l'aise. « Machiavel, répond-il simplement, en lui tendant l'ouvrage abîmé par l'usage. C'est un... conseiller, si on peut dire. Il a écrit ce livre pour apprendre à un prince italien à gouverner. C'est très intéressant. »

Alors que Héra observe la quatrième de couverture du bouquin, il ne la quitte pas des yeux, suit du regard la main qui se lève pour replacer quelques mèches de cheveux blonds derrière son oreille. C'est comme s'il était hypnotisé. Il y en a, des jolies filles sur cette île, il y en a même beaucoup, mais aucune qui ait ce genre... d'innocence. On dirait vraiment un ange.
Sauf que l'ange, elle a une marque sur le visage. Et cette marque, elle était pas là avant, il en est sûr. Ca, c'est une ecchymose. « Héra. » Son ton est grave tout à coup, et il n'en a rien à faire de lui couper si sauvagement la parole. « T'as pris un coup ? C'est quoi cette marque sur ton visage ? » Soit on l'a frappée, soit elle s'est cognée. Et il préférerait très franchement la première option, parce que même lui qui n'est pourtant pas le dernier à lever les poings, il conçoit pas qu'on s'en prenne à... quelqu'un comme elle.

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Deklan Levski

« Machiavel. C'est un... conseiller, si on peut dire. Il a écrit ce livre pour apprendre à un prince italien à gouverner. C'est très intéressant. » Ah oui ? Le nom ne lui dit rien, pas plus que le livre ; curieuse, Héra attrape l'objet qu'il lui tend, pour  lire le résumé. Les livres et elle n'ont jamais fait bon ménage, elle ne se souvient même pas d'avoir ouvert un seul bouquin en dehors de ceux qu'elle avait l'obligation de lire, quand elle allait encore en cours. Ensuite, elle n'a plus eu le temps de toute manière, et ça ne l'a jamais  intéressée. Pourquoi lit-il quelque chose sur la façon de gouverner ? Dédié à Laurent de Médicis, Le Prince est une œuvre nourrie par l'expérience d'ambassadeur de son auteur. C'est qui, Laurent de Médicis ? C'était lui le Prince ? De quel pays alors, de la France ? Songeuse, Héra ramène une longue mèche blonde derrière son oreille, les sourcils froncés. Ça l'intéresse vraiment ça ? Machiavel y définit les fins du gouvernement : sur le plan extérieur, maintenir à tout prix son emprise sur les territoires conquis ; sur le plan intérieur, se donner les moyens de rester au pouvoir. Oh lala, qu'est-ce que ça a l'air barbant, tout ça. « Tu veux devenir un Prince toi ? C'est pour ça que tu le lis ? »

Pour elle en tout cas, c'est extrêmement nébuleux, cette affaire. De toute manière, ce genre de pouvoir-là ne l'a jamais intéressée, et puis ça veut dire quoi se donner les moyens de rester au pouvoir ? Est-ce que Deklan veut devenir le roi des Alchimistes ? « La réduction de Machiavel au machiavélisme est cependant trop simpliste... ooooh ça vient de là alors, "un plan machiavélique..." c'est quand on a des mauvaises intention, ça, je crois bien, il était pas... » « Héra. »

Houla. La grosse voix lui fait tourner la tête, surprise ; il ne sourit plus du tout maintenant, quand il la regarde. Sans comprendre ce qu'elle a fait de mal d'abord, elle a pour réflexe premier de se tasser un peu sur elle-même, la tête rentrée dans les épaules. Elle n'a pourtant rien dit de particulier, si ? Est-ce qu'elle l'a vexé sans le vouloir ? « T'as pris un coup ? C'est quoi cette marque sur ton visage ? » Ah, le bleu qu'elle a sur la joue ? Rassurée, la jeune femme dodeline doucement de la tête, beaucoup plus tranquille qu'elle devrait l'être. « Oh ça ? C'est rien du tout, c'est un garçon qui trouvait que je vendais mes vêtements trop chers et comme j'ai pas voulu baisser, il m'a tapée. » Pourquoi il fronce les sourcils comme ça ? C'est loin d'être la première fois, et puis elle n'en est pas morte après tout. Avec un petit haussement d'épaules, elle revient à la quatrième de couverture. « Rousseau ou encore Spinoza ont même pensé que Le Prince s'adressait en vérité au peuple pour l'avertir des stratégies utilisées par les tyrans. C'est marrant comme nom, Spinoza. Je connais pas du tout, ça a l'air très ennuyeux, quand même. Je comprends rien du tout. » Encore une fois, Héra n'a jamais été réputée pour son intelligence, de toute façon.

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Héra Delacroix

Héra s'est ratatinée à sa première intervention, qui n'avait pourtant rien de menaçante ; et maintenant qu'il lui demande ce qui lui est arrivée... elle se détend  ? Alors qu'elle a vraisemblablement pris un coup en pleine figure. Il comprend pas ; peut-être qu'elle est juste tombée, alors ? « Oh ça ? C'est rien du tout, c'est un garçon qui trouvait que je vendais mes vêtements trop chers et comme j'ai pas voulu baisser, il m'a tapée. » Mais... quoi ? Elle s'est bien fait agresser et. Et elle retourne comme si de rien n'était à sa lecture à laquelle elle ne comprend vraisemblablement rien. Il ne va pas lui jeter la pierre, parce que clairement Machiavel ça ne plaît clairement pas à tout le monde. Mais là en fait bah c'est pas la question et clairement pas la priorité. « Rousseau ou encore Spinoza ont même pensé que Le Prince s'adressait en vérité au peuple pour l'avertir des stratégies utilisées par les tyrans. C'est marrant comme nom, Spinoza. Je connais pas du tout, ça a l'air très ennuyeux, quand même. Je comprends rien du tout. » « Mais attends, pose ça. Il t'a frappée en plein marché et... t'as prévenu la milice ? Ou tu l'as tabassé ? » Ca semble assez peu probable honnêtement, vue sa carrure, mais... ouais, non, étant donnée l'expression qu'elle a maintenant, il n'a aucun mal à comprendre qu'elle n'a rien fait du tout. Donc elle s'est tranquillement fait taper dessus et elle n'a ; mais, non, en fait c'est pas comme ça que ça marche. « Donc tu veux dire que ce type est venu, qu'il a voulu acheter un truc alors qu'il avait pas de quoi payer et que du coup... il t'a tapée. Et y a rien qui te choque ? » Apparemment non. Sidéré, il a un peu de mal à retrouver contenance, le chevalier.

Déjà, il comprend pas bien comment on peut à ce point profiter de sa supériorité physique contre quelqu'un de très visiblement complètement incapable de se défendre. Mais ensuite c'est surtout la parfaite tranquillité avec laquelle elle lui raconte ça, qui le choque un peu, là. La plupart des filles de l'île n'aurait pas hésité une seconde avant de lui éclater les couilles pour d'appeler la milice ; ils ne sont jamais loin, sur le marché. « Et il a fini par payer ? » Non. « Ou alors il est parti les mains vides ? » Si. Mais... « Ni lui ni personne d'autre n'a le droit de faire ça, tu le sais non ? Alors pourquoi t'as pas fait quelque chose ? » Non parce que là vraiment, il comprend pas.

Lies a warrior

Deklan Levksi

« Mais attends, pose ça. Il t'a frappée en plein marché et... t'as prévenu la milice ? Ou tu l'as tabassé ? » Oh, mais pourquoi il revient là-dessus ? Ça ne sert à rien, il ne lui est rien arrivé de grave à Héra, le seul truc un peu pénible c’est qu’elle a été obligée de le laisser, ce pull, alors qu’elle avait tout recousu bien comme il faut. En général, elle échange de petites rations de nourriture contre des vêtements abîmés, puis elle s’occupe de les rafistoler pour les vendre contre des rations plus grandes. C’est Miky qui lui a dit de faire comme ça, et ça marche très bien avec les gens qui sont d’accord pour les acheter au bon prix, et contre ce qu’elle veut elle et uniquement. La dernière fois, un Sage lui a proposé un grand pochon de weed, mais comme elle ne fume presque pas, elle a dit non. Le garçon là, il n’avait pas assez de nourriture, il avait déjà tout donné contre des champignons, d’après ce qu’elle a compris. Héra secoue doucement la tête, conciliante. Non, elle n’a pas appelé la milice et elle ne l’a pas frappé en retour, à quoi ça aurait servi de toute façon ?

« Donc tu veux dire que ce type est venu, qu'il a voulu acheter un truc alors qu'il avait pas de quoi payer et que du coup... il t'a tapée. Et y a rien qui te choque ? » Bah. Non ? C’est comme ça que ça marche, les garçons contre les filles, comme à l’école sauf que les échanges évoluent en conséquence. Pendant des années, sa mère lui a dit que les hommes avaient absolument tous les droits quand il s’agissait d’elle, et elle a gardé cette ligne directrice même en arrivant sur l’île. « Et il a fini par payer ? » « Oh ben non. » Il a beaucoup crié, elle a pris sa main dans la gueule et sous les protestations de Mike il est parti avec le pull en la traitant de petite salope. Voilà comment ça s’est passé, ça a duré au bas mot cinq petites minutes. « Ou alors il est parti les mains vides ? » « Non non, il m’a pris le pull, ça m’a embêtée d’ailleurs, j’avais passé du temps à le réparer, je couds pas très b… » « Ni lui ni personne d'autre n'a le droit de faire ça, tu le sais non ? Alors pourquoi t'as pas fait quelque chose ? » Mais il avait le droit en fait. Enfin, apparemment, on a pas le droit de taper quelqu’un dans le Centre ni de voler, mais le magicien a répondu à Miky qu’il en avait rien à foutre de ces règles à la con, alors bon. Ils n’allaient pas risquer un esclandre. Pas pour un pull. Héra hausse tranquillement les épaules. « Ben, on tape pas les garçons. » Elle lui parle un peu comme s’il était complètement idiot ; mais ça la dépasse qu’il ne connaisse pas cette règle-là. « La seule chose qui m’ennuie, c’est qu’il a visé le visage, j’aurais préféré qu’il frappe sur  le ventre, c’est plus douloureux mais ça laisse pas de marque. » A mesure qu’elle parle, l’alchimiste écarquille les yeux. Forcément, elle ne se rend absolument pas compte de ce qu’elle dit ; pour elle, tout ça est parfaitement normal. Elle ose même un petit rire, le livre toujours sur les genoux. « Tu sais c’est pas grave hein, à New York ça arrivait souvent, moi du moment qu’on essaye pas de me tuer ou me violer ça m’est égal, j’ai l’habitude. Et j’avais pas envie d’embêter la milice pour ça, en plus il m’a dit que si je le faisais ça serait pire. » Et elle voulait bien le croire, d’ailleurs.  

Lies a warrior

Héra Delacroix

Elle hausse les épaules. D’accord. Est-ce qu’elle a une insensibilité au niveau de la douleur, c’est quoi le truc ? Non, bien sûr que non ça ne peut pas être ça, vu comment elle a souffert la dernière fois pour ses quelques coupures sur les mains. Alors quoi, pourquoi ça l’indiffère à ce point, pourquoi elle accepte ça ? Il comprend vraiment pas ; cette passivité ça lui rappelle des vieux souvenirs qui ne lui plaisent absolument pas. « Ben, on tape pas les garçons. » Mais… quoi ? Lui il a plutôt entendu qu’on ne tapait pas les filles, en fait. Et d’ailleurs il ne l’a jamais fait. Sauf pour celle qu’il a étranglée mais… ça compte pas.

« La seule chose qui m’ennuie, c’est qu’il a visé le visage, j’aurais préféré qu’il frappe sur  le ventre, c’est plus douloureux mais ça laisse pas de marque. » Elle est en train de se payer sa gueule, là ; c’est pour ça qu’elle rigole, non ? « Tu sais c’est pas grave hein, à New York ça arrivait souvent, moi du moment qu’on essaye pas de me tuer ou me violer ça m’est égal, j’ai l’habitude. Et j’avais pas envie d’embêter la milice pour ça, en plus il m’a dit que si je le faisais ça serait pire. » «  T’aurais dû lui mettre un coup de pied dans les couilles, grogne-t-il, exaspéré.  Si tu te laisses taper dessus par les mecs qui sont sur cette île, l’information va faire le tour des connards du genre et alors on risque bien d’essayer de te violer ou te tuer. » Il secoue la tête, dépité ; comment on peut se laisser traiter comme ça, hein ? Comment ? Il comprend pas, vraiment, ça le dépasse complètement.

«  Faut que t’apprennes à te défendre, si tu rejoins pas de gang personne le fera à ta place. Quant à la milice… » Il grogne quelque chose d’inintelligible en levant les yeux au ciel. C’est plus un moyen de pression qu’autre chose, si ces baltringues savaient faire quelque chose ça se saurait. Même lui il se serait pas fait prendre si Seok n’avait pas eu la brillante idée de le balancer. Sauf que l’idée a l’air d’horrifier Héra, voire même de lui faire peur. Alors, il fronce les sourcils en la dévisageant, cette fois. «  Quoi ? T’as peur des représailles ? Tu crois qu’il y en a pour les gars comme lui, là ? C’est pareil pour les filles, tu lui éclates les boules et après tu cours, ou tu cries si tu veux pas qu’il embarque toute ta marchandise. Ca alertera bien quelqu’un, y en a aura des types pour intervenir. Ce qu’il a fait, c’est interdit. » Et il n’aime pas beaucoup les règles, lui, mais celles-là, il les respecte. Ou en tout cas ça ne lui viendrait jamais à l’esprit de s’en prendre à une petite créature fragile comme la demoiselle devant-lui.

Lies a warrior

Deklan Levksi

«  T’aurais dû lui mettre un coup de pied dans les couilles. » Quoi ? Mais il est fou, jamais elle ne ferait une chose pareille. Les représailles lui font bien trop peur pour qu'elle ose. Et ce n'est pas du tout comme ça qu'elle a été éduquée de toute façon, alors la question ne se pose pas, même si Deklan est présentement en train de bouder, maintenant. « Si tu te laisses taper dessus par les mecs qui sont sur cette île, l’information va faire le tour des connards du genre et alors on risque bien d’essayer de te violer ou te tuer. » Elle s'en doute bien, Héra. C'est pour cette raison qu'elle a peur après-tout, et qu'elle est parfaitement consciente qu'elle ne tiendra jamais dix ans sur  l'île sans aide. Est-ce qu'il serait capable de la lui proposer, lui ? Héra ne sait même pas pourquoi il lui a demandé de revenir, même si la dernière fois... c'était super. Il est bougon ce garçon, il ne parle pas beaucoup, mais il pose plein de questions. Elle, elle est habituée à donner des réponses tout le temps, ça aussi ça faisait partie de son métier. Mais taper sur des garçons, certainement pas.

«  Faut que t’apprennes à te défendre, si tu rejoins pas de gang personne le fera à ta place. Quant à la milice… » La milice ne sert à rien, c'est ça ? Pourtant, ils ont des fouets d'après ce qu'on lui a raconté. Hadès est une personne dangereuse, Perséphone aussi, mais Mike les a appelés et n'a eu aucune réponse. Les miliciens en patrouille étaient loin quand c'est arrivé, et le temps qu'ils débarquent, l'agresseur avait déjà détalé avec son vol depuis un bon moment. Et quand ils lui ont demandé si elle serait capable de le reconnaitre... elle a répondu que non. Des ennuis pour rien, non merci, c'est pas si grave après tout. Et puis elle, se défendre ? Non, non non, hors de question, songe-t-elle avec une grimace un peu horrifiée, rien qu'à l'idée d'avoir un jour à lever la main sur un garçon. Qui sait ce qui pourrait arriver après ? «  Quoi ? T’as peur des représailles ? Tu crois qu’il y en a pour les gars comme lui, là ? C’est pareil pour les filles, tu lui éclates les boules et après tu cours, ou tu cries si tu veux pas qu’il embarque toute ta marchandise. Ca alertera bien quelqu’un, y en a aura des types pour intervenir. Ce qu’il a fait, c’est interdit. »

« Mais... mais je peux pas faire ça, enfin. » Elle, donner un coup de pied à quelqu'un ? Elle a un sourcil haussé, perplexe. Est-ce qu'il l'a bien regardée ? Et pourquoi il a l'air aussi exaspéré encore, hein ? C'est quand même dingue de faire tout le temps la gueule comme ça. « Je sais pas me battre, et puis même je serais ridicule à essayer voyons. Sois un peu réaliste, tu m'as bien regardée ? » Elle est toute fine et la seule idée de faire du mal à un insecte lui fait horreur, alors à un être humain ? Il faut être fou pour avoir des idées pareilles. « C'est pas grave je te dis, j'ai l'habitude de prendre des claques, au bout d'un moment ça fait même plus mal. Dans mon milieu c'était parfaitement normal, les garçons sont plus forts que les filles, ça s'arrête là. » Elle a un petit sourire en coin devant son air offusqué et poursuit, un peu vicieusement. « Certains les font même tomber dans des trous. »

Lies a warrior

Héra Delacroix

« Mais... mais je peux pas faire ça, enfin. » Ah oui, et pourquoi donc ? Si un mec s'approche d'elle avec un couteau dans l'intention manifeste de l'égorger elle ne va pas se défendre sous prétexte qu'elle ne peut pas faire ça, enfin ? « Je sais pas me battre, et puis même je serais ridicule à essayer voyons. Sois un peu réaliste, tu m'as bien regardée ? » Oh, oui, pour ça elle n'a pas à s'inquiéter, songe-t-il en levant les yeux au ciel ; il la regarde, il l'a bien regardée la dernière fois aussi d'ailleurs, quoique sans doute pas aussi bien qu'elle mais ce n'est pas la question, hm ? Le fait est que même un enfant peut faire mal à un homme s'il s'y prend de la bonne façon et en l'occurrence ça pourrait même lui sauver la vie. « C'est pas grave je te dis, j'ai l'habitude de prendre des claques, au bout d'un moment ça fait même plus mal. Dans mon milieu c'était parfaitement normal, les garçons sont plus forts que les filles, ça s'arrête là. » Elle avait l'habitude ? Bon sang mais c'est devenu dangereux d'être paparazzi en dix ans, c'est fou. « Certains les font même tomber dans des trous. » Il fronce les sourcils, pas du tout amusé. « Ca n'a rien à voir, gronde-t-il. Moi je pouvais pas deviner que tu te blesserais bêtement en essayant de sortir. Et de toute façon, je suis pas un exemple. » Clairement pas même, bien que certains feraient franchement mieux de prendre exemple sur lui parce que si en matière d'humanité il est un peu borderline, ce n'est visiblement pas comparable avec le comportement de certains autres abrutis.

Exaspéré, il se lève, lui tend une main. « Viens-là. Tu vas voir, c'est pas si compliqué. » Elle a l'air à moitié amusée et à moitié franchement sceptique, la jeune femme, mais ses doigts saisissent les siens. Elle a vraiment des toutes petites mains, note-t-il, un peu distraitement, avant de se reprendre : c'est sérieux, là. Bon. Il la lâche, s'éloigne d'un pas, et lève ses deux mains devant lui, paumes ouvertes. La gauche est bardée d'un bandage, mais s'il doit la croire alors elle n'est pas du tout en mesure de lui faire mal. Il va vérifier ça. « Frappe dans mes mains, le plus fort possible. Avec tes poings. » Un sourcil blond se hausse devant lui, et il lève encore les yeux au ciel. « Allez, essaie au moins. C'est pas une agression là, c'est un exercice. Pour me faire plaisir. » Pour te sauver la vie, andouille de Princesse.

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Deklan Levksi

« Ca n'a rien à voir. Moi je pouvais pas deviner que tu te blesserais bêtement en essayant de sortir. Et de toute façon, je suis pas un exemple. » Alors, de deux choses l'une. Premièrement, Deklan est un énorme rabat-joie qui semble avoir perdu le sens du mot plaisanterie au bout de dix ans sur l'île, pour commencer ; elle espère que ça ne sera pas le cas pour elle, quand l'heure sera venue de partir, ce serait horriblement triste. Et deuxièmement, il a complètement tort, elle ne s'est pas blessée bêtement. Elle s'est blessée parce que ce grand imbécile s'est imaginé il ne sait quoi et que la piéger semblait être pour lui la meilleure réponse à apporter à des actes totalement innocents, jusqu'à aller lui faire peur alors qu'elle était totalement bloquée et sans aucun point de fuite, alors l'abruti, clairement, c'est lui. Tandis que Héra se renfrogne en croisant les bras, lui se met debout ; il est immense, bon sang, il mesure combien ? Lui aussi il aurait pu être mannequin, sans aucune difficulté, s'il n'avait pas ce fichu air boudeur qui le rend bien plus patibulaire qu'attirant, il faut l'admettre.

« Viens-là. Tu vas voir, c'est pas si compliqué. » Une main se tend et elle hésite, d'abord, voir quoi exactement ? Toute idée de bouder oubliée, elle lève curieusement sa propre main pour l'enfermer dans une paume immense qui la relève. Une fois face à lui, ce sont ces mêmes paumes qui se lèvent pour lui faire face, comme s'il se rendait. Bon, elle ne comprend pas très bien, là. « Frappe dans mes mains, le plus fort possible. Avec tes poings. » Quoi ? Pourquoi elle ferait ça ? C'est barbare, non ? En plus elle va se rendre totalement ridicule, et puis il a un bandage sur la main, il a dû se faire mal, si elle frappe dedans elle pourrait le blesser encore plus. C'est une idée à la con et elle fera pas ça, même s'il lève les yeux au ciel. « Allez, essaie au moins. C'est pas une agression là, c'est un exercice. Pour me faire plaisir. » Ouais mais il y a des limites à faire plaisir, s'il veut se faire frapper parce qu'il aime ça, Héra est certaine qu'une muse fera parfaitement l'affaire, hein. « Ça t'arrive d'être de bonne humeur ? Moi aussi je peux le faire. » Imitant le geste du chevalier, elle lève exagérément les yeux au ciel dans une mimique parfaite de l'air boudeur du grand imbécile qui la regarde sévèrement, face à lui. Il ne lui fera rien, de toute façon, alors...

« Et puis t'es blessé. Tu t'es fait quoi à la main ? Je vais pas taper sur une blessure... » Il ricane, là ? C'est un long soupir qui lui échappe à la jeune femme, quand elle finit par avancer d'un pas, lever deux poings minuscules. Formidable. Et bien sûr, des deux coups qu'elle donne, l'un passe à côté de sa cible, et l'autre a à peu près autant de force qu'un pet de mouche. C'est bon, il est content ? « Roh, mais c'est stupide ton idée. »

Lies a warrior

Héra Delacroix

« Ça t'arrive d'être de bonne humeur ? Moi aussi je peux le faire. » Elle... elle le singe, là ? Oui, bien sûr que oui, ça ne fait absolument aucun doute, elle se paye sa tête. Eh bien qu'elle continue tant qu'elle veut, en attendant c'est pour elle qu'il fait ça, pour qu'elle puisse se protéger et il ne voit pas trop ce que ça a de si barbant, ou amusant d'ailleurs. Alors, boudeur, il continue de l'être quand il pince les lèvres, pas du tout impressionné par son air excédé qui à vrai dire, est bien plus mignon que menaçant.

« Et puis t'es blessé. Tu t'es fait quoi à la main ? Je vais pas taper sur une blessure... » Pffff, ça lui échappe, et en passant ça arrache son air contrarié de son visage parce que pour le coup ça l'amuse assez ; elle a peur de lui faire mal ? Comme c'est prévenant de sa part. Sauf qu'il ne craint rien, vraiment rien là, il est plus en danger que ça quand il prend un bain. Alors, c'est avec un sourire fin qu'il lève les yeux au ciel cette fois, beaucoup plus amusé qu'excédé.

Apparemment, sourire, ça marche, parce qu'en dépit de son long soupir ennuyé, Héra lève ses petits poings. Sa position est... désastreuse, mais peu importe. Hochant la tête, il s'apprête à accueillir un coup... qui ne vient pas. Elle a frappé à côté. Et à vrai dire, il est tellement surpris qu'il ne pense même pas à se moquer. Le deuxième coup quant à lui, fait à peine trembler sa main. Bon, y a du chemin à faire, hein. « Roh, mais c'est stupide ton idée. » « Pas du tout. C'est pas mal. » C'est faux. « Ton souci c'est la position. Tu es droitière ? Bon, alors fais comme moi. » Le souci c'est entre autres la position en fait mais, bon, chaque chose en son temps.

D'abord, il recule le pied droit, lève les poings et rentre légèrement la tête dans les épaules, comme un boxeur. « Tu dois lever tes poings plus haut, et enfoncer un peu ta tête comme ça pour que ton visage soit difficile à atteindre. Et pour frapper, tu avances ton pied droit et tu lances ton bras en avant, avec l'épaule. Ta force vient beaucoup plus de ton geste que de tes muscles. » Et, joignant le geste à la parole, il mime ce qu'il vient d'expliquer... sauf qu'Héra prend peur et c'est un cri de souris qui lui échappe tandis qu'elle bondit en arrière sous son regard absolument dépité. Ils ont un très long chemin à faire. Mais c'est pas grave, ils ont encore le temps, vu qu'elle n'a pas encore été tuée.

Un peu amusé finalement par son expression à la fois désolée et outrée, il secoue la tête en riant doucement. « On va s'y prendre autrement. Remets-toi comme je t'ai montré. » De mauvaise grâce, la jeune femme s'exécute et lui, il l'observe une seconde avant de hocher la tête, l'air moyen satisfait. Ca fera l'affaire. Ensuite, il vient se placer derrière elle, et pose délicatement ses mains sur ses épaules, qu'il recouvre presque entièrement de ses paumes. Il pourrait la casser en deux sans faire le moindre effort, se dit-il en pinçant les lèvres. Ce sera pas demain qu'elle cassera des gueules, mais bon, c'est toujours utile, non ? « Rentre plus la tête, dit-il en lui levant doucement les épaules. Comme ça. Ensuite, tu avances ton pied et en même temps... » Alors qu'elle s'exécute, il fait glisser sa paume contre son omoplate, à laquelle il fait exécuter un léger arc sur le côté. Automatiquement, son bras suit le mouvement, se tend. « Voilà. Bien sûr il faut faire ça plus vite, mais le geste, c'est ça. »

Lies a warrior

Deklan Levksi

« Pas du tout. C'est pas mal. » Non mais il compte faire avaler ça à qui exactement, hein ? Les lèvres pincées, Héra le fixe sans ciller, croise les bras. Elle vient de rater sa paume alors qu'elle était à un mètre, même si elle n'est pas une professionnelle des arts martiaux, elle sait reconnaître quand c'est tout sauf pas mal, hein. Qu'on ne la prenne pas pour plus conne qu'elle est déjà, sinon il ne lui restera pas grand chose. « Ton souci c'est la position. Tu es droitière ? Bon, alors fais comme moi. » Faire comme lui. Soit. Ressembler à un boxeur, donc, il lève ses mains immenses, rentre sa tête dans ses épaules, il a l'air un peu con comme ça quand même. Dans les films c'est pas comme ça qu'ils se battent, les gens. Héra est circonspecte.

« Tu dois lever tes poings plus haut, et enfoncer un peu ta tête comme ça pour que ton visage soit difficile à atteindre. Et pour frapper, tu avances ton pied droit et tu lances ton bras en avant, avec l'épaule. Ta force vient beaucoup plus de ton geste que de tes muscles. » Et son poing va lui arriver dans la figure, parce qu'il va beaucoup trop vite pour que la jeune femme soit capable d'autre chose que de pousser un petit cri perçant en bondissant en arrière. Prendre des coups, d'accord, mais une matraque comme celle-là aurait sans doute fait voler sa tête sur l'autre rive du cours d'eau si elle ne s'était pas écartée, songe-t-elle, tremblotante alors que le jeune homme la dévisage. En faisant la gueule. Un vrai trésor de douceur et de gentillesse, hein ? Elle l'aime bien. Encore plus quand son air un peu navré et très contrarié par la tentative de meurtre le fait enfin sourire pour de vrai. Il a un rire grave, c'est très agréable à entendre. Et rare, c'est sûrement pour cette raison que c'est aussi précieux.

« On va s'y prendre autrement. Remets-toi comme je t'ai montré. » D'accord, donc. Rentrer la tête dans les épaules comme une tortue. Lever les bras. Amener la jambe gauche en avant. « Je suis ridicule, marmonne-t-elle, bien plus pour elle-même que pour le jeune homme qui hoche la tête. » Finalement, il la rejoint, se place derrière elle ; il n'y a plus d'ennemi à combattre, mais deux mains qui se posent tout doucement sur ses épaules fines, dans un geste qui n'a rien à voir avec son habituelle expression renfrognée. Comme s'il avait peur de la casser. Peut-être qu'il y arriverait. « Rentre plus la tête. Comme ça. Ensuite, tu avances ton pied et en même temps... » Sa tête se rentre, elle obéit, avance doucement son pied, en essayant de se concentrer. Il est derrière elle, si elle ne fait pas l'exercice correctement il pourrait la balancer par terre en deux secondes. Mais non, la main descend le long de son dos, lui fait légèrement écarquiller les yeux ; c'était... un peu bizarre cette sensation, ça la déconcentre quelques secondes.

Elle n'a pas le temps de comprendre ce qui vient de la traverser, que déjà son bras se tend vers l'avant ; poing serré, elle tente de mémoriser le geste en sachant que ça ne marchera jamais. « Voilà. Bien sûr il faut faire ça plus vite, mais le geste, c'est ça. » « D'accord. Mais il faut du muscle pour que ça marche, non ? » Le visage de la jeune femme se tourne, cherchant celui qui se tient derrière elle ; sa main est toujours tendue mais son regard en accroche un autre, gris, alors qu'elle lui sourit avec amusement. « En d'autres termes, même si le geste est parfait, si ça fait autant d'effet qu'une pichenette ça sera visuellement très beau mais pas bien efficace. » Un petit rire secoue ses épaules, sur lesquelles  une main est encore posée ; en somme, elle est loin d'avoir fini, quoi. « Je sais pas me battre, Grincheux. » C'est quand même clair, non ?

Lies a warrior

Héra Delacroix

« D'accord. Mais il faut du muscle pour que ça marche, non ? » Pas nécessairement, et d'ailleurs il s'apprête à le lui dire sauf qu'elle se tourne et ses yeux brillent quand ils se posent dans les siens, gris, concentrés. Ils l'étaient en tout cas, avant de se faire piéger comme ça, c'est comme un harpon venu se ficher dans ses prunelles. « En d'autres termes, même si le geste est parfait, si ça fait autant d'effet qu'une pichenette ça sera visuellement très beau mais pas bien efficace. » Elle rigole, et lui il sourit, en remettant ses idées en place ; ce n'est pas tout à fait vrai, ce qu'elle raconte. « Je sais pas me battre, Grincheux. » « Bah tu vas apprendre, Blanche-Neige, réplique-t-il aussitôt, aussi amusé que vexé par le surnom. Non seulement ça t'évitera des ennuis mais en plus à terme t'arriveras peut-être même à éviter de tomber dans des pièges aussi con qu'un trou dans le sol. » Il écarte ses mains de son dos et de son épaule avant de s'éloigner pour se replacer face à elle, l'encourageant d'un regard tandis qu'il lève à nouveau les paumes. « Allez, fais comme je t'ai montré. C'est ton épaule qui part, très vite. Tu vas voir, la force c'est assez secondaire. » Ca dépend contre qui elle se bat mais en général un bon coup dans le nez peut assez sonner ou, à défaut, surprendre, pour lui permettre d'enchaîner avec un coup de pied bien placé qui mettra automatiquement HS un agresseur masculin.

C'est ce qu'il essaie de lui apprendre pendant la demie heure qui suit, et à mesure que les minutes s'égrainent, non-seulement il arrête de faire la gueule, mais elle y met de plus en plus de bonne volonté. Finalement, elle finit même par lui faire mal, parce qu'il était évident que sa blessure à la main finirait par poser problème. Le coup était vraiment pas mal, tellement qu'elle s'est retrouvée à sautiller sur place en secouant son poignet endolori par la force surprenante du coup. Lui, il s'est contenté de grimacer.

« Allez, je vais te laisser tranquille avant que t'aies des courbatures. Si demain tu souffres trop tu vas plus vouloir me revoir, plaisante-t-il en s'approchant du large rocher plat sur lequel il était assis tout à l'heure. T'as pris quelque chose à grignoter ? » Ils n'ont pas travaillé longtemps mais ce n'est sûrement pas une raison pour sous-estimer les conséquences de l'effort ; dans la mesure où elle pèse à peu près autant qu'un oisillon, elle va avoir besoin de force. C'est pour ça qu'il saisit son sac posé sur le sol, et qu'il en sort un petit morceau de pain. C'est pas grand chose, mais ce sera pas de trop, songe-t-il en le lui tendant, avec un sourire encourageant. « Tiens. J'ai déjà mangé, moi, c'est du rab. » Et ça, c'est un mensonge, mais peu importe. Il a clairement plus de marge qu'elle.

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Deklan Levksi

« Bah tu vas apprendre, Blanche-Neige. » Il ne connait pas ses classiques. Blanche-Neige, elle est brune. « Non seulement ça t'évitera des ennuis mais en plus à terme t'arriveras peut-être même à éviter de tomber dans des pièges aussi con qu'un trou dans le sol. » Il retire ses mains de son dos, sous son regard totalement offusqué et sa bouche grande ouverte, à Héra ; elle se retient de sourire mais elle n'en montre rien, il a un sacré culot celui-là, un piège aussi con, mais qui a seulement idée de balancer des nénettes dans des trous à part lui, hein ? Et après on se demande pourquoi elle n'aime pas l'île, forcément, s'il y a des gros balourds comme ça qui ne se remettent pas en question, non mais. Alors qu'il se place de nouveau face à elle, Héra tente de recouvrer la position qu'il lui a montré, parce que là, c'est une question d'honneur. Elle est piquée au vif. Des pièges aussi cons. Il en a de bonnes, celui-là.

« Allez, fais comme je t'ai montré. C'est ton épaule qui part, très vite. Tu vas voir, la force c'est assez secondaire. » Elle peut au moins essayer ; et même si sa première tentative est totalement infructueuse, au bout de la troisième, un choc impacte la paume valide de Deklan, même si c'est comme s'il était fait de roc. A aucun moment il ne flanche, durant toute la durée de l'exercice, excepté à la fin où, par chance sûrement, Héra parvient à envoyer son poing suffisamment fort pour lui arracher une grimace qui lui vaut aussitôt une flopée d'excuses. Elle ignore ce qu'il a à la main, mais faire mal pour faire mal, c'est vraiment pas son délire, à elle. Elle le paye cher, cela dit ; son poignet est horriblement douloureux, et elle le secoue dans tous les sens pour tenter d'apaiser une onde de choc qui va jusqu'à son épaule. Si en plus on se fait mal soi-même quand on tape, ça n'a vraiment aucun intérêt. Autant dire que quand les deux grandes paumes de Deklan se baissent, c'est un véritable soulagement.

« Allez, je vais te laisser tranquille avant que t'aies des courbatures. Si demain tu souffres trop tu vas plus vouloir me revoir. » Alors ils vont se revoir ? Héra ne sait pas bien pourquoi cette pensée la traverse en le voyant sourire, tandis qu'il se rassoit à la même place que tout à l'heure. Docile, la petite blonde le suit en trottinant, pour s'installer à côté de lui. Il est vraiment joli cet endroit, elle veut bien revenir, s'il en a envie. En plus, même s'il boude, il est incroyablement gentil avec elle. « T'as pris quelque chose à grignoter ? » Euh. Non. A vrai dire, il ne lui reste pas grand-chose à manger, et il parait qu'elle n'est pas la seule dans ce cas. Elle secoue la tête, mais ce n'est pas très grave ; elle a l'habitude de jeûner, la jeune femme, elle a fait ça toute sa vie après tout. Quelle n'est pas sa surprise alors, quand un morceau de pain entre dans son champ de vision. « Tiens. J'ai déjà mangé, moi, c'est du rab. »

Un temps, elle hésite. Est-ce que c'est vrai ? On lui a dit que c'était la famine depuis quelques temps, que les gens avaient beaucoup de mal à se nourrir, alors comment fait-il pour avoir du rab ? Surprenant un regard qui l'encourage pourtant à s'en saisir, Héra le prend, et le coupe en deux. « J'ai pas besoin de beaucoup manger. Tiens, prends en un peu, ça me gêne de le prendre toute seule. » Même si elle est fatiguée, ça ne sera pas la première fois qu'elle tombe dans les pommes si ça devait arriver, de toute façon. Assise en tailleurs, elle chasse ses cheveux blonds de son visage, avant de tourner la tête vers le hongrois, qui l'observe. « Ça fait longtemps que tu sais te battre ? T'as appris comment ? » D'où il vient, au final ? Elle n'a pas osé lui poser ce genre de questions la première fois, mais il l'intrigue, bien sûr. « Toi tu ressembles à quelqu'un qui s'est battu souvent. Ma mère m'aurait dit le genre de mec pas fréquentable. » Elle ne sait pas trop pourquoi elle papillonne un peu des yeux en le regardant ensuite, peut-être pour vérifier si ça marche. « Mais vu que tu m'apprends à me défendre, on va dire qu'elle avait tort. »

Lies a warrior

Héra Delacroix

Puisque la jeune femme hésite, et qu'il refuse de la voir refuser, il tend un peu plus le bras jusqu'à lui mettre le pain presque sous le nez, et l'encourage d'un sourire. Allez, mange. Parce qu'il peut soigner ses doigts mais si elle fait un malaise il ne va pas du tout savoir comment réagir ; ici, on peut difficilement donner un verre d'eau avec du sucre ou injecter de l'adrénaline. « J'ai pas besoin de beaucoup manger. Tiens, prends en un peu, ça me gêne de le prendre toute seule. » Bon, il ne va pas cracher sur un petit truc à manger, lui non-plus, mais il va en garder au cas où il surprenne une faiblesse au moment de partir, tout à l'heure. Pas question de la laisser rentrer chez elle sans savoir si elle arrivera en un seul morceau à cause de lui et de sa séance de sport improvisée.
Croquant du bout des dents dans son demi morceau de pain, il l'observe remettre ses cheveux derrière son oreille, découvrir sa gorge sur laquelle il laisse traîner les yeux en s'en rendant à peine compte. Peut-être bien qu'elle était mannequin, tout compte fait. « Ça fait longtemps que tu sais te battre ? T'as appris comment ? » Il grimace intérieurement ; est-ce qu'ils sont obligés de parler de lui ? Ce n'est franchement pas très intéressant, et il n'aime pas du tout raconter sa vie. « Toi tu ressembles à quelqu'un qui s'est battu souvent. Ma mère m'aurait dit le genre de mec pas fréquentable. » Et elle avait l'habitude de beaucoup l'écouter, sa mère ? Il se pose la question, un peu amer soudain, en détournant furtivement les yeux vers le courant de la rivière. Quand il revient à la jeune femme, il croise un regard papillonnant qui l'intrigue un peu plus. Qu'est-ce que tu fais ? « Mais vu que tu m'apprends à me défendre, on va dire qu'elle avait tort. » « D'après mon expérience, les parents ont assez rarement raison, ricane-t-il, en songeant que cette remarque pourrait être tout droit sortie de la bouche d'un adolescent de quinze ans. Je sais pas si je suis très fréquentable mais t'as rien à craindre avec moi, ça c'est sûr. »  Il serait tout simplement incapable de lever la main sur une fille comme elle. De lui faire du mal, à elle. Cette innocence qu'elle a réussi à garder jusqu'à présent, il faut absolument qu'elle la préserve. Ils sont trop nombreux sur cette île à l'avoir perdue beaucoup trop tôt. Ca l'intrigue d'autant plus ; qu'est-ce qu'elle fait là, elle ?

Il n'a pas répondu à sa question pourtant, et avant d'en poser une il va falloir satisfaire la curiosité de madame. « On va faire un marché, décrète-t-il alors. Je veux bien répondre à tes questions si tu réponds aux miennes ; si jamais l'un de nous ne veut pas répondre à une question, l'autre a le droit d'en refuser une aussi. Ca te va ? » Après quelques instants de réflexion, la jeune femme décrète que le deal est honnête, et alors c'est avec un sourire un peu plus tranquille qu'il répond, pour de bon cette fois : « J'ai appris à me battre dans la rue quand j'étais adolescent, mais c'est surtout ici que ça m'a été utile pour de vrai. Quand je suis arrivé, y avait pas de règles ici. C'était la loi du plus fort, et j'avais pas l'intention de mourir. » Voilà. Ca ne semble pas tout à fait satisfaire la Princesse, qui au contraire semble avoir de nouvelles questions en tête, mais il lève une main, l'interrompt en souriant doucement. « Eh. C'est mon tour. » Son air renfrogné lui arrache un sourire plus franc, avant qu'il ne se reprenne, pour demander plus sérieusement : « Ils t'ont envoyée ici pour quel crime ? »

Lies a warrior

Deklan Levksi

« D'après mon expérience, les parents ont assez rarement raison. Je sais pas si je suis très fréquentable mais t'as rien à craindre avec moi, ça c'est sûr. » Elle sourit doucement, Héra, alors qu'elle le regarde ricaner un peu avec amertume ; de quelle expérience parle-t-il ? Quant au reste, merci elle le sait. Elle n'a plus rien à craindre avec lui en tout cas, depuis qu'il a compris qu'elle était tout bonnement incapable de faire mal ne serais-ce qu'à une feuille morte. La jeune femme grignote son bout de pain, l'observe en silence. Est-ce que ça a marché, sa petite tentative ? C'était totalement innocent, mais elle voulait voir, s'il serait capable de sourire ou de rester un peu figé, comme les autres, en somme tous ceux qui ont déjà essayé de lui dissimuler ce qu'elle leur faisait sans jamais vraiment y parvenir. Elle se souvient à chaque fois de ce que sa mère lui disait. Tu auras gagné quand ils auront l'impression de la même chose, chérie. Laisse-les croire qu'ils ont réussi, toi tu sauras la vérité et tu pourras faire tout ce que tu veux. Non pas qu'elle attende quelque chose de particulier de Deklan, à vrai dire. Elle est juste curieuse, et c'est bien la première fois.

« On va faire un marché. Je veux bien répondre à tes questions si tu réponds aux miennes ; si jamais l'un de nous ne veut pas répondre à une question, l'autre a le droit d'en refuser une aussi. Ca te va ? » Une petite seconde, la jeune femme se tait. Mais rien ne lui parait malhonnête dans ce marché, ça veut dire qu'elle aura le droit de ne pas tout raconter, même si ça suppose qu'elle devra, pour cela, accepter le silence du jeune homme si jamais il ne veut pas répondre. Si en revanche elle répond à tout... il sera obligé aussi, non ? Alors, elle hoche la tête. C'est honnête. « Oui, ça me va. Alors c'est à toi de répondre à ma question. »

Alors, comment il sait tout ça ? C'était quoi sa vie d'avant, elle veut tout savoir Héra, en savourant son petit morceau de pain miette par miette, comme le ferait un tout petit oiseau. « J'ai appris à me battre dans la rue quand j'étais adolescent, mais c'est surtout ici que ça m'a été utile pour de vrai. Quand je suis arrivé, y avait pas de règles ici. C'était la loi du plus fort, et j'avais pas l'intention de mourir. » Quoi ? C'est tout ? Il ne lui a presque rien dit là, pourquoi il était dans la rue quand il était adolescent, c'était comment  l'île quand il est arrivé, qu'est-ce qu'il a fait pour se retrouver là ? Comment c'est  possible qu'il soit aussi évasif, hein, c'est parfaitement injuste, songe la  jeune femme en fronçant les sourcils, prête à poser une autre question...  mais non. Les règles sont les règles. « Eh. C'est mon tour. » Soit. Elle aussi elle peut jouer à ça, elle peut dire la moitié des choses, elle va durer très longtemps, cette conversation s'ils décident d'être débiles tous les deux. Et ça le fait sourire en plus, elle ne le comprend pas, ce mec.

« Ils t'ont envoyée ici pour quel crime ? » Aïe. C'est un réflexe, la grimace que Héra esquisse à l'entente de la question , pile poil un sujet qu'elle aurait bien aimé éviter, en fait. Quelque chose lui dit que Deklan n'avait pas forcément envie de parler de son passé non plus, alors... elle va essayer d'en dire un petit peu. « Meurtre avec préméditation, dit-elle d'une toute petite voix, alors qu'il écarquille deux  jolis yeux gris et surpris. J'ai été accusée d'avoir poussé mon mec dans les escaliers et d'avoir volontairement provoqué la dispute pour faire  ça. Sauf que c'est pas vrai du tout, mais on m'a pas crue. » Elle ne l'a pas tué. Logan est tombé tout seul, il a trébuché parce qu'il était totalement drogué et furieux, et la suite est regrettable, mais ce n'était pas de son fait. Et puis, on ne peut pas vraiment parler de dispute, mais ce petit détail, elle le tait aussi. Haussant les épaules, comme si ça ne la remuait pas de penser au verdict qui lui est tombé sur le coin du nez et qui l'a conduite ici, elle décide plutôt d'enchaîner sur une autre question avant de commencer à se morfondre. « Et toi, pourquoi on t'a arrêté ? T'es sur l'île depuis le début ? » Bon, deux questions en une, elle triche mais avec un peu de chance, il ne s'en rendra pas compte ?

Lies a warrior

Héra Delacroix

Héra grimace et lui, il l'observe, curieux ; alors, qu'est-ce qu'elle a fait ? C'est impensable qu'une fille comme elle ait pu faire quelque chose d'affreux, mais c'est à peu près aussi improbable qu'elle ait été volontaire pour arriver ici, alors... alors il n'a aucun moyen de deviner, cette réponse il en a besoin. « Meurtre avec préméditation. » Quoi ? Ses yeux s'écarquillent, et le bout de pain s'immobilise en chemin pour arriver jusqu'à son visage. Il a mal entendu, non ? « J'ai été accusée d'avoir poussé mon mec dans les escaliers et d'avoir volontairement provoqué la dispute pour faire ça. Sauf que c'est pas vrai du tout, mais on m'a pas crue. » Bon sang. La justice est vraiment complètement pourrie, hein ? Comment c'est possible qu'elle ait été reconnue coupable, est-ce qu'un seul témoin qui la connaissait vraiment est venu plaider sa cause ? Il en faut beaucoup pour choquer Deklan mais cette information-là il ne l'a vraiment pas vue venir.
Et comme toujours quand elle raconte quelque chose qui lui est arrivé - et qui est grave, pourtant - Héra hausse les épaules. Lui, il est totalement interdit. « Et toi, pourquoi on t'a arrêté ? T'es sur l'île depuis le début ? » Ca fait deux questions là, non ? « J'ai été arrêté pour trafic d'armes au Canada en 2009. » Voilà, comme ça il répond aux deux questions d'un coup. Ce qui lui est arrivé à lui n'est pas intéressant ; il était criminel, donc il a été arrêté, ce qui, bien que ce soit discutable, tombe quand même relativement sous le sens. Mais elle ? Il veut en savoir plus, mais il doit peser ses questions. Trier la multitude qui lui vient à l'esprit, alors ; c'était un parfait accident, la mort du mec en question ? Pourquoi ils se disputaient ? Si c'était vraiment pas intentionnel, pourquoi n'y a-t-il eu aucun élément qui ait pu l'aider à s'en sortir ? C'est... incompréhensible. « Comment ça s'est passé, le procès ? » Voilà, c'est assez large comme question, elle va lui parler d'éventuels témoins, de sa version, des réactions des juges et des avocats... il doit bien y avoir quelque chose qui justifie qu'on puisse accuser une fille aussi douce de meurtre avec préméditation, non ? C'est complètement injuste que sa vie ait été détruite à cause d'une prétendue Justice incapable.

Lies a warrior

Deklan Levksi

« J'ai été arrêté pour trafic d'armes au Canada en 2009. » Oh. Il vendait des armes ? Comment ça se fait ? Pourquoi il a fait ça, d'où il vient, c'était quoi sa vie, pourquoi il s'est retrouvé au Canada s'il est européen ? Elle hausse les sourcils, Héra, elle en attend beaucoup plus que ça... mais techniquement, il a répondu à la question. Bon sang, pour lui arracher deux mots, ça va être compliqué. Enfin, non, plutôt deux phrases, parce que là il n'en a dit qu'une, et ses yeux d'orage brillent de nouveau d'une tonne de questions auxquelles elle n'est pas certaine d'avoir très envie de répondre. En particulier sur ce désastre qui l'a conduite ici. « Comment ça s'est passé, le procès ? » C'est de la triche. Clairement. La question est terriblement vague, qu'est-elle supposée répondre ? Comment ça s'est passé pour qui, hein ? Pour le procureur, terriblement bien. Il a eu son petit verdict, il était content, et elle elle a été conduite en détention le temps de prendre  l'avion pour aller jusqu'au Japon. Pour elle, ça ne s'est pas passé exactement de la même façon. Elle se rappelle très bien de ses épaules tremblantes à la barre, quand il a fallu qu'elle dise qu'elle n'avait rien fait, qu'elle jure, une main posée sur cette saleté de Bible, et qu'on ne l'a pas crue malgré tout. Nerveusement, Héra glisse une main dans ses cheveux. Elle ne finira pas son bout de pain.

« J'avais deux côtes fêlées et l'arcade à peine recousue. Le procureur a dit que j'avais tué Logan pour me venger, parce qu'il me frappait. » Et dans le milieu, Héra n'était pas très appréciée, tout en haut. Réputée pour être froide, distante sauf avec les gens qui lui apportaient quelque chose, le monde doré dans lequel elle évoluait la voyait comme une manipulatrice, une hypocrite. Fomenter un crime ne leur paraissait pas quelque chose d'impossible. « Les jurés l'ont écouté. Les témoins à la barre étaient des gens de mon milieu, ils ont dit que j'étais... méchante. Calculatrice. Et même si mon grand frère a essayé de me défendre, les jurés ont rendu leur verdict très vite. Quinze ans de détention, remplacées par... par dix ans ici. » J'espère que tu vas crever là-bas, salope. Cette fille qui lui a craché ça à la sortie du tribunal, elle ne l'oubliera sûrement jamais. « Personne m'a écoutée. Logan était très aimé, c'était un bon acteur et il se débrouillait toujours pour frapper là où ça se voyait pas, alors... c'était moi la criminelle, c'est tout. » Sa gorge est toute nouée, mais Héra  n'a pas envie de le voir lever les yeux au ciel de nouveau. Elle n'a pas envie de se dire qu'elle devrait avoir la force d'accepter l'inacceptable, alors, elle hausse de nouveau les épaules. Mieux vaut l'indifférence que les larmes parait-il.

Elle les voit bien, les questions poindre au bout des lèvres de Deklan ; qu'il ne se fasse pas d'illusion, elle ne lui répondra rien de plus. De toute manière, c'était suffisamment bien condensé pour qu'elle enchaîne, parce que son histoire à elle, elle est triste, et elle n'a pas très envie de la raconter dans les détails. « Pourquoi tu es devenu un trafiquant d'armes ? »

Lies a warrior

Héra Delacroix

« J'avais deux côtes fêlées et l'arcade à peine recousue. Le procureur a dit que j'avais tué Logan pour me venger, parce qu'il me frappait. » Il fronce les sourcils. Deux côtes fêlées et... bon sang. Tout à l'heure elle a dit qu'elle se faisait souvent frapper à new-York ; c'était par son mec, alors ? Elle ne l'a peut-être pas tué mais de toute évidence ce salopard méritait de crever. « Les jurés l'ont écouté. Les témoins à la barre étaient des gens de mon milieu, ils ont dit que j'étais... méchante. Calculatrice. Et même si mon grand frère a essayé de me défendre, les jurés ont rendu leur verdict très vite. Quinze ans de détention, remplacées par... par dix ans ici. » Méchante et calculatrice ? Est-ce que c'était vrai ? Il n'arrive absolument pas à le croire ; comment ont-ils pu s'imaginer qu'une fille comme elle pouvait être comme ça ? Son milieu, c'était quoi ? Mannequin, ça doit être... le showbiz ? Il n'y connaît vraiment rien, pour le coup, lui il allumait à peine la télé avant, et c'était un environnement indéniablement méprisé par les gens de son milieu à lui. Jamais il n'aurait pu se douter du genre de raclures qui y évoluaient ; sinon il aurait sans doute essayé de s'en rapprocher. « Personne m'a écoutée. Logan était très aimé, c'était un bon acteur et il se débrouillait toujours pour frapper là où ça se voyait pas, alors... c'était moi la criminelle, c'est tout. » Elle a l'air complètement bouleversée, et il y a de quoi, songe-t-il, sans rien dire, sans même froncer les sourcils cette fois. Il la regarde et il les voit bien, ses épaules qui tremblent quand elle les hausse pour faire comme si de rien n'était, ses yeux qui essaient de se cacher derrière les quelques mèches blondes qui tombent devant son visage. La cicatrice sur son arcade sourcilière est encore là. Maintenant, il comprend un peu mieux pourquoi elle lui a dit ça, la dernière fois. C'est complètement dégueulasse, ce qui lui est arrivé, et même s'il a envie d'en savoir plus, de connaître les autres détails, il sait qu'il ne posera pas les questions qui lui viennent à l'esprit. Elle a l'air beaucoup trop blessée par ces souvenirs pour qu'il décide sciemment d'en rajouter une couche.

« Pourquoi tu es devenu un trafiquant d'armes ? » Aïe. Cette question est trop vague, il va être obligé de raconter beaucoup de choses pour y répondre. Est-ce qu'il peut passer ? Il le pourrait. Mais après ce qu'elle vient de lui avouer, il peut bien livrer un peu de son histoire, lui-aussi. « Parce que j'en avais envie. » C'est simple, trop, et il sait déjà qu'il va devoir en dire plus, mais à vrai dire ça l'amuse assez, le regard presque offusqué qui se lève soudain vers lui, l'air de lui interdire de ne répondre que par quelques pauvres mots cette fois encore. Il a un petit sourire alors, avant de reprendre d'un ton aussi léger que possible : « Je viens d'un milieu où la liberté c'est quelque chose d'assez conceptuel et... j'en voulais plus. Alors j'ai commencé à faire tout ce qui était interdit pour prouver que je m'en fichais, de leur règle, et qu'ils m'empêcheraient pas de faire ce que je voulais. C'est comme ça que j'suis entré dans le milieu criminel, seulement par... défiance, si on veut. » Ca a l'air prodigieusement idiot, raconté comme ça, maintenant. A l'époque, il ne se souvient que trop bien de tout ce que ça représentait pour lui. « Quand j'avais... dix-sept ans, je crois, j'ai décidé de m'en aller en Amérique, de tout lâcher. J'devais partir avec ma copine, on en parlait depuis des mois et... au final, ça s'est pas fait. » Pourquoi il raconte ça ? Ca a plus rien à voir et il est pas très sûr d'avoir envie d'en parler ; il ne le fera que si elle pose la question. « Une fois là-bas il a bien fallu que je travaille et mes seuls contacts étaient dans un trafic de grosse envergure. Ca coulait de source. » Voilà. C'est plutôt bien résumé : il a été con du début à la fin. Mais il était libre. Avant de se faire prendre en tout cas.

C'est son tour de poser une question. Pas sûr le meurtre qui n'en est pas un, donc, mais sa curiosité est loin d'être satisfaite. « Pourquoi tu étais dans ce milieu, si tout le monde pensait que tu étais méchante et qu'en plus ton mec te tapait dessus ? Ca te plaisait, ton boulot ? » C'était quoi ta vie, avant ?

Lies a warrior

Deklan Levksi

« Parce que j'en avais envie. » Euh, pardon ? Il ne va pas se contenter de ça en fait, c'est absolument hors de question. Elle est outrée Héra, quand elle tourne la tête vers le hongrois, les sourcils froncés. Si elle ne dit rien, le message est clair : elle veut en savoir plus. Replonger au coeur de son procès n'a pas été quelque chose d'agréable, loin s'en faut, et elle ne veut pas avoir fait ça pour rien. S'il refuse de lui répondre, elle le prendra mal. Bien sûr, ça ne durera sûrement qu'une poignée de minutes. Mais quand même. Même quand il sourit, Héra ne sait pas très bien ce que ça veut dire ; est-ce qu'il va lui raconter, ou est-ce qu'il va l'envoyer promener ?

« Je viens d'un milieu où la liberté c'est quelque chose d'assez conceptuel et... j'en voulais plus. Alors j'ai commencé à faire tout ce qui était interdit pour prouver que je m'en fichais, de leur règle, et qu'ils m'empêcheraient pas de faire ce que je voulais. C'est comme ça que j'suis entré dans le milieu criminel, seulement par... défiance, si on veut. » Par défiance. Que doit-elle comprendre, que Deklan était opposé à sa famille et à son éducation au point qu'il renie absolument tout ? Qu'il décide de plonger dans la criminalité... juste pour faire chier ? C'est un peu stupide, songe-t-elle en fronçant les sourcils, sans commenter. Il avait peut-être une bonne raison de faire ça, et elle n'a pas envie de le vexer. « Quand j'avais... dix-sept ans, je crois, j'ai décidé de m'en aller en Amérique, de tout lâcher. J'devais partir avec ma copine, on en parlait depuis des mois et... au final, ça s'est pas fait. »

Pourquoi ? Pourquoi ça s'est pas fait, sa copine l'a quitté avant qu'il parte ? Ces histoires-là, Héra ne les a jamais vraiment comprises, mais elle sait au moins quelle sera sa prochaine question. C'est drôle, c'est comme si on lui racontait le scénario d'un film, et quand elle le regarde pourtant, elle voit bien que c'est plus que réel, et que c'est aussi désagréable pour lui de parler de ça, que pour elle de raconter ce qui s'est passé pour qu'elle arrive ici. « Une fois là-bas il a bien fallu que je travaille et mes seuls contacts étaient dans un trafic de grosse envergure. Ca coulait de source. » Ouais, forcément. S'il avait un pied dedans, ça ne devait pas être facile d'en sortir. Elle veut bien le croire, Héra, parce que pour elle c'était la même chose, dans un univers différent, comme si ça s'était passé dans un autre monde. Alors il est bien ce qu'elle imaginait ; un garçon dangereux. S'il a trempé dans le trafic d'armes, c'est autre chose qu'un petit dealer de quartier qui se serait fait piéger.

« Pourquoi tu étais dans ce milieu, si tout le monde pensait que tu étais méchante et qu'en plus ton mec te tapait dessus ? Ca te plaisait, ton boulot ? » A son tour, alors. Héra secoue la tête, un petit sourire aux lèvres. « Oh, c'était pas du tout la question en fait. » Il  n'a pas l'air de comprendre où elle veut en venir, alors la jeune fille reprend, en se désignant de la tête aux pieds d'un signe de la main. « T'as des yeux, je pense. Je suis faite pour ce métier-là. J'ai commencé à quatre ans, alors pour moi aussi, ça coulait de source. » Sa première palette de maquillage, elle l'a eue à cinq, elle ne savait pas encore s'en servir mais sa mère tentait déjà de lui apprendre les bases. Du fond de teint. A cinq ans. Du blush, du mascara, pas encore de rouge à lèvres, ça arriverait deux ans plus tard. « Et puis, je suis pas très intelligente, je me serais pas illustrée ailleurs de toute façon. J'ai jamais beaucoup aimé lire, ça me fatigue les yeux et je suis obligée de relire les phrases deux ou trois fois. Alors que marcher sur un podium, franchement c'est facile. J'ai même jamais pris de gamelles, eh oui ! » La jeune femme lève le menton, très fière de ne jamais avoir subi d'humiliation de ce type, à défaut de certaines autres.

« Je gagnais très bien ma vie, j'avais mon appartement avec Miou-Miou, et ce que je faisais en dehors, c'était ce pour quoi j'étais douée. Le seul problème c'est qu'ici, porter des talons aiguille sans tomber ça sert à rien. Mais bon, j'apprends à coudre à la place, c'est bien aussi. » Haussement d'épaules, mains dans les cheveux. Sa vie est très loin d'être intéressante, alors que celle de Deklan a l'air... trépidante. « Pourquoi elle t'a pas suivi, ta copine ? »

Lies a warrior

Héra Delacroix

Pourquoi est-ce qu’elle le regarde comme s’il vient de dire quelque chose de totalement stupide ? « Oh, c'était pas du tout la question en fait. » Euh. Mais encore ? Ça ne l’intéressait pas de savoir si ce qu’elle faisait de sa vie lui plaisait ou pas ? Perplexe, il l’observe sans comprendre, suit des yeux la main qui désigne... qui la désigne.  « T'as des yeux, je pense. Je suis faite pour ce métier-là. J'ai commencé à quatre ans, alors pour moi aussi, ça coulait de source. » Deklan a beau essayer, sans aucune mauvaise foi il n’arrive pas à comprendre - même si il la voit très bien. Sous prétexte qu’elle est belle il faudrait qu’elle ne fasse rien d’autre qu’être regardée toute sa vie ? Et qui a décidé ça ? « Et puis, je suis pas très intelligente, je me serais pas illustrée ailleurs de toute façon. J'ai jamais beaucoup aimé lire, ça me fatigue les yeux et je suis obligée de relire les phrases deux ou trois fois. Alors que marcher sur un podium, franchement c'est facile. J'ai même jamais pris de gamelles, eh oui ! » C’est sans doute un petit exploit, vu le ton qu’elle emploie ; lui il n’en sait rien, il n’a jamais regardé ce genre de choses. Mais elle a l’air très fière d’elle alors il tente un petit sourire, bien peu crédible tant ce qu’il croit comprendre l’offusque. « Je gagnais très bien ma vie, j'avais mon appartement avec Miou-Miou, et ce que je faisais en dehors, c'était ce pour quoi j'étais douée. Le seul problème c'est qu'ici, porter des talons aiguille sans tomber ça sert à rien. Mais bon, j'apprends à coudre à la place, c'est bien aussi. » C’est loin d’être le seul problème, comme elle dit, mais son temps de parole est écoulé, et toujours conclu de la même façon : ce haussement d’épaules désabusé qui semble en décalage complet avec les horreurs qu’elle raconte. Comme si c’était normal, exactement comme quand elle lui disait que c’était pas grave, ce garçon qui l’a frappée. Normal, ça l’est pour elle. Et c’est sans doute le plus triste de l’histoire.

« Pourquoi elle t'a pas suivi, ta copine ? » Le sourire qui étire aussitôt ses lèvres est amer, un peu cassé. Il l’attendait, cette question, mais les révélations de Héra ne lui ont que peu laissé le loisir de réfléchir à ce qu’il allait répondre. « Parce que je ne la connaissais pas aussi bien que je l’imaginais, répond-il, docte. Quand on s’est rencontrés j’étais un adolescent stupide et naïf qui s’imaginait avoir trouvé l’amour de sa vie. Quand elle m’a dit que sa mère la forçait à épouser un autre homme avant notre départ j’ai pété les plombs et j’ai voulu qu’on parte quand même. J’ai compris trop tard qu’en fait elle a jamais eu l’intention de me suivre et que j’étais qu’une distraction. » C’est son tour de hausser les épaules, comme si la pensée qui le traverse n’était pas aussi amère. J’aurais dû la tuer aussi. « Alors je suis parti tout seul. Bref, enchaîne-t-il très vite, peu désireux de s’étaler sur la question. Si tu n’as jamais décidé de faire ça… qu’est-ce que tu aurais voulu faire, dans l’hypothèse où tu aurais eu le choix ? »

Lies a warrior

Deklan Levksi

Le revoilà, cet étrange sourire cassé. Héra regrette d'avoir posé la question, tout de suite ; quelque chose lui dit qu'elle n'aurait pas dû, que ce genre de choses ne la regarde pas. Depuis combien de temps Deklan est-il sur l'île, ça date de quand tout ça, cette ancienne vie, et qu'est-ce que ça a changé ? C'est étrange, de se trouver presque devant un livre ouvert sans savoir lire. Comme si les symboles autour des yeux du jeune homme ne reflétaient qu'un langage que Héra n'est pas du tout en capacité de comprendre. Un peu comme lui quelque part, parce qu'elle n'a pas raté son air totalement  offusqué à mesure qu'elle parlait, comme si elle échappait à chaque mot un chapelet d'injures plus virulentes les unes des autres. « Parce que je ne la connaissais pas aussi bien que je l’imaginais. » Et pourtant, même si elle sait que la question était beaucoup trop personnelle pour quelqu'un qui l'a balancée dans un trou avant de soigner ses mains, elle l'écoute très attentivement, maintenant.

« Quand on s’est rencontrés j’étais un adolescent stupide et naïf qui s’imaginait avoir trouvé l’amour de sa vie. Quand elle m’a dit que sa mère la forçait à épouser un autre homme avant notre départ j’ai pété les plombs et j’ai voulu qu’on parte quand même. J’ai compris trop tard qu’en fait elle a jamais eu l’intention de me suivre et que j’étais qu’une distraction. » Il hausse les épaules, mais elle, elle est scandalisée. Elle s'est moquée de lui, elle a profité de ça, comment peut-on simplement ? Quand on a la chance d'être aimé pour ce qu'on est, on ne joue pas avec le coeur de quelqu'un. Elle sait de quoi elle parle, si l'amour est aujourd'hui pour elle un concept étranger et désuet, ça ne l'a jamais empêchée d'en rêver, comme les jeunes filles de son âge. Sauf que pour elle, c'était proscrit, alors elle se contentait simplement d'envier ceux qui en avaient le droit. Si elle est incapable d'imaginer la déchirure que ça a dû lui faire, l'idée même qu'une chose pareille lui arrive à elle lui fait froncer les sourcils.

« Alors je suis parti tout seul. Bref. » C'est pas juste. Si cette fille avait été avec lui, est-ce que l'avenir aurait été différent ? Héra a envie d'y croire. « Si tu n’as jamais décidé de faire ça… qu’est-ce que tu aurais voulu faire, dans l’hypothèse où tu aurais eu le choix ? » C'est... une question piège. Héra écarquille les yeux, parce que là, elle est clairement prise au dépourvu. Et pour cause : elle n'a pas la réponse. « Je sais pas. » C'est vrai. Elle n'en sait absolument rien. Des rêves, elle n'en a jamais eu,  absolument jamais. « Je suis nulle pour tout le reste et puis la question se posait pas, je suis née pour faire mon travail et j'avais pas le temps de penser à autre chose. C'est pour ça que j'ai... un peu de mal, ici. » Elle  n'a rien à faire là. Elle n'a aucune utilité, elle ne sait rien faire, elle n'a envie de rien faire. « Je sais pas, t'as un rêve toi ? Un truc que tu voulais faire dans ta vie si t'avais eu un autre choix ? Parce que... enfin, c'est pas quelque chose que. Que je comprends, en fait. C'est pas pour moi. » Et c'est tellement difficile à expliquer, songe la jeune femme en soupirant, avant de se tourner pour lui adresser un petit sourire. Il n'a qu'à compter ça comme une question. « Quoique, ça m'aurait sûrement plu qu'un garçon m'enlève pour m'emmener au bout du monde. Elle était débile, ta copine. »

Lies a warrior

Héra Delacroix

La question est banale, et pourtant il semble à Deklan que la jeune femme devant lui est totalement prise au dépourvu, comme si elle n’avait simplement jamais imaginé qu’on puisse un jour lui demander une chose pareille. Surpris, et un peu perplexe aussi, il la dévisage en attendant une réponse. « Je sais pas. » Comment ça elle ne sait pas ? Elle n’y a jamais réfléchi, elle ne s’est jamais demandé ce qu’elle aurait fait dans une autre vie ? Ça alors, elle est sûrement la seule personne sur Terre capable de faire à ce point abstraction de sa propre volonté. « Je suis nulle pour tout le reste et puis la question se posait pas, je suis née pour faire mon travail et j'avais pas le temps de penser à autre chose. C'est pour ça que j'ai... un peu de mal, ici. » Oui, forcément. Il n’y a rien pour elle ici et de toute façon elle n’aurait jamais dû se retrouver sur cette île. Pourtant maintenant qu’il en apprend un peu plus sur elle il n’est pas sûr qu’elle était beaucoup plus heureuse là-bas, elle a juste été assez docile pour faire ce qu’on lui demandait sans se poser de question. « Je sais pas, t'as un rêve toi ? Un truc que tu voulais faire dans ta vie si t'avais eu un autre choix ? Parce que... enfin, c'est pas quelque chose que. Que je comprends, en fait. C'est pas pour moi. » Le principe du rêve c’est justement qu’il est pour tout le monde, que chacun y a droit, même si peu le réalisent un jour. Comment ont-ils pu lui faire renoncer même à ça ? Et encore une fois ça n’a pas l’air de la choquer et tout, vu le sourire qu’elle lui adresse et que le chevalier est simplement incapable de lui rendre. « Quoique, ça m'aurait sûrement plu qu'un garçon m'enlève pour m'emmener au bout du monde. Elle était débile, ta copine. » Elle était cruelle. Mais bon, ça aussi c’était normal dans son milieu. Les gens de cet univers n’ont de considération que pour leurs semblables et il avait cessé d’en être un, alors ça n’a absolument rien d’étonnant. Il a juste été crédule. Stupide.

Ses lèvres s’étirent finalement pour un sourire plus tranquille, en dépit de l’amertume qu’il essaie d’étouffer de toutes ses forces. Ce n’est pas pour rien qu’il ne parle jamais de ça, c’est toujours une épreuve de cacher le mal que ça continue de lui faire même après tout ce temps. « Elle m’a appris à avoir des rêves réalistes, ou en tout cas à ne plus compter sur les autres pour les réaliser. » Et c’est une leçon précieuse que beaucoup feraient bien d’entendre, assurément. «  J’en avais pas un seul en particulier, avant. J’ai toujours voulu être libre pour pouvoir faire ce que je voulais et c’est pour ça que je suis vite passé du côté obscur de la Force, si tu vois ce que je veux dire. Si j’avais envie d’un truc je faisais ce qu’il fallait pour l’avoir. Donc mon rêve je l’avais plus ou moins déjà réalisé avant de venir ici. » Ce n’est pas tout à fait vrai ; libre il ne l’a jamais été totalement, pas plus qu’il ne l’est ici. Ce qu’il veut lui, c’est un monde sans loi ou, plus précisément, un monde sans loi pour lui. Un monde sur lequel il règne, parce qu’il le vaut bien. Mais tout ça il ne va pas le dire à Héra, bien sûr. Elle ne comprendrait pas.

Alors, sans ciller, il change de sujet de la façon la plus fourbe qui soit, en dévisageant sans scrupule la jeune femme dont il ne veut surtout pas manquer l’expression quand il demande : «  Pourquoi tu me suivais en cachette avant de tomber dans mon piège ? » Et attention, qu’elle ne s’avise pas de mentir. Ce serait contraire aux règles ; comme quoi, il y a des avantages à les imposer aux autres tout en les ignorant soi-même lorsque ça nous arrange.

Lies a warrior

Deklan Levksi

« Elle m’a appris à avoir des rêves réalistes, ou en tout cas à ne plus compter sur les autres pour les réaliser. » Mais à quel prix ? S'il sourit, ce n'est pas pour autant que ça ne lui plus de peine. Héra est très bien placée pour le savoir, sourire sur commande a toujours été sa spécialité, après tout. C'est une arme formidable, ça évite les questions, mais s'il était vraiment fou amoureux d'elle, la déchirure doit encore être là. Ou pas, elle n'en sait rien. Elle, elle n'est jamais tombée amoureuse, on lui a toujours dit que ça ne servait à rien et que c'était pas comme dans les films. Que les filles comme elle n'avaient pas ce privilège, que c'était réservé aux pauvres. Dans sa branche, l'intérêt a toujours compté avant les sentiments. «  J’en avais pas un seul en particulier, avant. J’ai toujours voulu être libre pour pouvoir faire ce que je voulais et c’est pour ça que je suis vite passé du côté obscur de la Force, si tu vois ce que je veux dire. Si j’avais envie d’un truc je faisais ce qu’il fallait pour l’avoir. Donc mon rêve je l’avais plus ou moins déjà réalisé avant de venir ici. » Il était libre quand il faisait ça ? C'était ce qui lui plaisait, de faire des choses mal simplement pour le plaisir de ne pas être comme les autres ? Héra est un peu circonspecte, tout de suite, une main sous le menton ; ça ne ressemble pas vraiment à un rêve, plus à une fin en soi. Mais de désir profond, la liberté ne semble pas en être, et puis quand on est dans une organisation criminelle, est-ce qu'on est vraiment libre ? La liberté, on m'a toujours dit que ça s'achetait. Elle, malheureusement, elle  n'a jamais eu les moyens.

Et soudain, Deklan se tourne ; ses yeux attrapent les siens, calculateurs. Ça sent la question à laquelle elle n'a aucune envie de répondre, c'est sans doute pire que toutes les autres. «  Pourquoi tu me suivais en cachette avant de tomber dans mon piège ? » Ah. Oui. Elle n'a pas le droit de mentir mais elle a un joker ; elle peut aussi dire qu'elle n'a pas envie de répondre à la question, ça passe dans ses yeux et il le sent bien, Deklan, quand ses yeux se froncent pour la menacer de seulement tenter d'esquiver la réponse. Bon, elle ne va pas y échapper, alors. Sauf que. Comment lui expliquer  une chose qu'elle-même n'a jamais été capable de comprendre ? « J'étais curieuse. » Elle peut peut-être se contenter de cette réponse, non ? Affrontant ses yeux métalliques, suspicieux, elle laisse un fin sourire passer sur ses lèvres, insolente. « C'est la seule justification que t'auras, j'ai le droit de pas répondre je te signale. C'est la règle, eh oui. » Et avec un sourire satisfait, la jeune femme pose sa tête contre une épaule, solide ; elle n'a pas terminé son petit bout de pain, et elle est un peu fatiguée, aussi. « Et je suis contente de l'avoir fait. Toi peut-être un peu moins. » Parce qu'elle ne doit pas être un cadeau, la jeune femme.

Tant pis, songe-t-elle en attrapant son bras entre ses petites mains pour le serrer contre elle. Elle est en sécurité avec lui, bien plus qu'avec Ash ou Ismaël, c'est différent, c'est autre chose. Ici au bord de l'eau, elle s'enferme doucement dans une bulle, oublie où elle est. Au moins pour quelques  heures. « Je peux rester encore un peu avec toi ? » Parce qu'elle n'a pas envie de s'imposer, Héra ; mais elle ne peut pas s'en empêcher, toute seule elle est complètement perdue.