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Le Gouffre de Helm

@Nagini Kapudia

Il n’avait pas fini, il n’en voyait pas le bout. Le typhon était passé depuis plusieurs jours et Shanti était toujours en train d’essayer de  réparer les dégâts qu’il avait causés. Il avait réussi à refaire son stock d’alcool, le toit de sa cabane retrouvait petit à petit son étanchéité. Mais il fallait encore replacer tout ce que le vent avait emporté ou brisé, tout ce que l’eau avait noyé. Et malheureusement, Shanti ne pouvait pas le faire lui-même. Il était loin d’être un bon bricoleur ou un artisan. Son seul véritable talent était de pouvoir contrôler le feu et d’en connaître suffisamment bien ses propriétés pour le faire naître presque n’importe où. Mais là ce qu’il avait besoin s’était des draps, de la nourriture séchée qu’il pouvait conserver en cas de problème, quelques bougies aussi et idéalement de quoi noter. Seulement, l’Alchimiste n’avait pas grand-chose à troquer. Il allait devoir négocier dur.

Comme toujours le Gouffre de Helm était une véritable ruche, bourdonnante. Il y avait toujours des centaines de personnes en train de discuter, d’échanger, de troquer ou de se disputer. Shanti s’engouffra au milieu de cette foule, se frayant un passage. Son sac était serré dans sa main, quelques bouteilles d’alcool coupé à l’eau à l’intérieur, sa seule monnaie d’échange. Il s’arrêta devant un marchand de tissu, sûrement un autre. Il commença alors à négocier.

_ Salut. J’ai besoin de draps. J’ai de l’alcool en échange. Une bouteille contre une paire de draps ? Proposa-t-il en souriant.

Shanti était dans une bonne phase. Il ne manquait pas de gnôle ses pulsions étaient enfouies au plus profond de lui. Il y a encore un ou deux jours, il était bien moins aimable, mais entre-temps l’alcool avait inondé son sang, chassant les mauvaises pensées. De plus, le commerçant accepta sans difficulté la proposition de l’Alchimiste. Avec un petit sourire, Shanti le remercia et se dirigea vers l’étal d’un chasseur. Il observa pendant plusieurs minutes les morceaux de viande séchée sans réussir à se décider de ce qu’il voulait et du prix qu’il était prêt à y mettre.

_ Hum… Me faut encore des bougies après et un cahier. Marmonna-t-il, faisant les comptes dans sa tête.
Oh, et j’aimerais trouver quelque chose pour remercier Vassily.

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Le Gouffre de Helm

@Shanti Kapudia

Plus ça va, plus Nagini s’habitue au brouhaha incessant qui anime le marché du centre en continu. Elle commence même à apprécier ce lieu atypique où se mélangent troc et achats plus normaux. Elle a pris la peine de se noter quelques repères. Désormais, l’Indienne déambule bien mieux à travers les différents étalages des commerçants. La jeune demoiselle s’étonne elle-même de cette adaptation plutôt rapide mais ce n’est certainement pas pour lui déplaire. Elle regarde les articles qui sont posés sur les stands. Plus par curiosité qu’autre chose. Nagini le sait : elle n’a pas de quoi s’offrir ce qui se vend ici. Pour l’instant, en tout cas. La prochaine fois, elle viendra sûrement avec une partie de ce qu’elle aura cueilli. Après tout, de ce qu’elle sait, les réserves des Autres sont plutôt bien remplies. Les réprimandes ne vont probablement pas tombées pour quelques fruits qui doivent lui servir à se faire un minimum plaisir. Sa résolution est prise : c’est ce qu’elle va faire à la prochaine occasion. Elle hoche la tête vivement de haut en bas, pour confirmer ses pensées. Pensées qui se retrouvent perturbées à ce moment précis...

C’est là qu’elle l’entend.
Cette voix qu’elle est capable de reconnaître entre mille.

C’est lui, c’est son frère. Cet homme qu’elle aurait cru voir au débarquement mais qui était totalement absent. Cet homme qu’elle a cherché sans succès durant ces premières semaines. Il est là. Et déjà, il commence à s’éloigner d’elle. Hors de question de rater cette occasion. Hors de question qu’elle le laisse s’échapper alors qu’elle a l’occasion de le revoir après toutes ces années. « Shanti ! », elle lance à travers la foule, en espérant au moins qu’il l’entende et qu’il s’arrête. Pas le temps de vérifier si elle a bien été entendu, Nagini continue sa course jusqu’à arriver à proximité du brun. Elle le détaille durant plusieurs secondes, laisse ses yeux parcourir le visage de son aîné. Il a changé après tout ce temps mais elle sait que c’est lui, qu’elle ne se trompe pas. En revanche, la Cueilleuse n’est pas certaine que lui la reconnaisse. La brune était encore plus jeune la dernière fois qu’il se sont vus. Alors qu’aujourd’hui, elle a le physique d’une jeune femme. « Shanti. », elle répète, la voix un peu plus posée, moins forte. Mais la joie qu’elle ressent à ce moment-là n’est pas moins intense pour autant. Elle lui offre un sourire franc, sans se dire que sa présence en ces lieux n’est peut-être pas une évidence pour tout le monde. « Je suis si contente de te revoir. Tu m’as manqué, grand-frère. », ses yeux pétillent pendant qu’elle le fixe. Pour un peu, elle est presque prête à se jeter sur lui pour lui faire un câlin. Mais elle se retient, attendant plus ou moins patiemment qu’il ouvre la bouche.

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@Nagini Kapudia

Il était perdu dans ses pensées, à essayer de réfléchir comment il pourrait obtenir tout ce qu’il voulait avec le peu qu’il avait troqué. Quand soudain, il entendit son prénom être crié par une voix féminine. Qui pouvait bien l’appeler ? Les rares personnes sur l’île pour qui Shanti éprouvait de l’affection étaient des hommes et il ne voyait pas quelqu’un avec qui il s’était pris la tête l’interpeller ainsi. Il ne savait pas trop quoi faire, alors il s’arrêta et essaya de chercher la jeune femme qui venait de l’interpeller.

Il ne fallut pas longtemps pour qu’une tête encore inconnue sur l’île vint se présenter devant lui. Shanti regardait la jeune femme, sans réussir à l’identifier. Elle avait des traits familiers et le timbre de sa voix lui évoquait quelque chose. Mais lorsqu’elle prononça les mots « grand-frère », l’Alchimiste reconnut son interlocutrice. C’était sa petite sœur Nagini. Mais qu’est-ce qu’elle faisait là ? Était-elle, elle aussi devenue un monstre comme son aîné ? Shanti secoua doucement la tête, préférant chasser pour le moment cette idée de sa tête. Il regardait sa sœur, elle avait changé. Elle n’était plus une enfant, elle était une femme, mais elle n’était pas la seule à s’être métamorphosée. Depuis qu’il avait quitté l’Inde pour partir faire ses études au Canada, le corps de l’Alchimiste s’était couvert de tatouages, sa barbe avait poussé, ses muscles étaient saillants suite à une perte de poids causée par la famine qui touchait l’île.

_ Nagini… Finit-il par dire tout doucement.
Nagini. Répéta-t-il plus fort.

C’était bien sa petite sœur qui se tenait devant lui et pourtant il avait du mal à y croire. Sa main s’avança jusqu’au bras gauche de cette dernière pour la toucher, pour avoir une énième confirmation qu’il ne rêvait pas. Finalement, il la serra dans ses bras, des larmes commençant à perler aux coins de ses yeux. Il était heureux de revoir sa sœur et en même temps si triste de savoir qu’elle allait devoir affronter l’enfer dans lequel il vivait depuis maintenant plusieurs années.

Shanti se recula doucement, ses mains vinrent se saisir de celles de sa sœur. Maintenant qu’il avait retrouvé Nagini, il n’allait pas la laisser partir.

_ Pourquoi tu es là ? Toi aussi, tu es un monstre, un mal te ronge ? Demanda-t-il en pleurant.

Il était passé naturellement à l’hindi. Il n’avait jamais parlé dans une autre langue que celle là avec sa sœur, c’était ce qu’il lui semblait normal. Shanti n’était plus aussi fluide qu’avant dans sa langue natale, mais elle était encore ancrée dans son esprit.

_ Je suis désolé, c’est ma faute. Je t’ai contaminé. Ajouta-t-il en sanglots.

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@Shanti Kapudia

Il a entendu l’appel. Elle en est certaine lorsqu’elle le voit s’arrêter pour regarder autour de lui. Une fois en face, il a du mal à la reconnaître, du moins, c’est ainsi qu’elle explique son absence de réaction ; dans un premier temps. Mais elle n’est pas surprise, Nagini. Elle s’y attendait, même. Elle patiente encore quelques secondes et enfin, elle se décide à ouvrir la bouche. La brune parle en Hindi, un langage qu’elle a toujours utilisé avec son aîné. Et là, elle lui livre le mot magique. Celui qui lui fait inévitablement comprendre qui elle est. Pour son plus grand plaisir, ça ne rate pas. Pourtant, la réaction de Shanti n’est pas totalement celle qu’elle espérait. D’abord, il y a toujours ce silence. Elle voit qu’il l’observe et elle fait de même. C’est là qu’elle remarque ce qui donne un air si différent à ce grand-frère qu’elle n’a pas vu depuis si longtemps. Elle voit les tatouages qui recouvrent ses bras, sa barbe qui a poussé et surtout, ses muscles bien plus visibles. Preuve de la dure réalité de la vie sur cette île. Enfin, les lèvres bougent et des sons sortent. Un prénom. Prononcé deux fois. D’abord faible, puis plus fort. « C’est moi. », répond-elle doucement dans leur langue natale, sans se départir de son sourire. Elle est heureuse. Heureuse de constater que ce frère si cher à son coeur ne l’a pas oubliée. Heureuse que leur famille puisse se retrouver malgré les conditions compliquées. Nagini, elle aurait préféré revoir Shanti à la maison mais même à l’époque, cette idée est partie aussi vite qu’elle est apparue dans son esprit. La demoiselle étant au moins réaliste à ce sujet.

Quand il vient toucher son bras gauche, elle le laisse faire sans broncher. S’il a besoin de ce contact pour s’assurer qu’elle n’est pas un mirage ou une hallucination, ça lui convient. Et sans qu’elle ne s’y attende, il la prend dans ses bras… Nagini ne bouge pas, profitant de ce câlin. Elle n’a pas osé faire le premier pas et quelque part, elle est soulagée que son frère n’ait pas les mêmes réserves. A son tour, elle finit par l’enlacer, passant ses mains autour de ses hanches pour terminer dans son dos. Elle ne dit rien, appréciant juste ce moment à l’apparence si banale qui s’offre à elle. Elle pourrait rester longtemps dans les bras rassurants de son grand-frère. Mais ce dernier en décide autrement. Il finit par se reculer, non sans attraper les mains de Nagini qui ne cherche pas à s’en défaire. Elle n’a aucune envie de s’en aller. En revanche, les paroles de Shanti la prennent au dépourvu. Pas sa première questions mais les autres lui font écarquiller les yeux. « Moi aussi ? Un monstre ? Un mal qui me ronge ? », demande-t-elle avant de faire l’effort d’essayer de se reprendre. Elle secoue la tête de gauche à droite. « Non, tu te trompes. Je ne suis pas un monstre et aucun mal ne me ronge. Et c’est pareil pour toi. », affirme-t-elle avec la plus grande conviction. « J’ai choisi d’être là. Mais je n’ai fait aucun crime majeur… Ni aucun crime tout court, même. C’est… Compliqué. En Inde, il n’y a plus rien pour moi et en venant ici, je savais que je pouvais te retrouver. », ses paroles semblent un peu décousues mais l’Indienne a du mal à organiser correctement ses pensées pour fournir une réponse parfaitement compréhensible à Shanti. De plus, le voir pleurer ne l’aide pas. « Rien n’est ta faute, Shanti, tu entends ? Tu n’es pas responsable de ma présence ici. Tu ne m’as pas contaminé et… Tu n’as aucune excuse à faire, d’accord ? », elle se veut rassurante. Nagini n’a aucune envie que son frère se sente coupable de ce qui lui arrive alors qu’il n’y est absolument pour rien. Doucement, elle dégage sa main droite de celle de Shanti pour aller passer son pouce sur la joue de son aîné, essuyant ainsi une larme avant qu’elle ne touche le sol. Elle n’aime pas le voir dans cet état. Nagini, elle a d’autres souvenirs de son frère. Plus heureux, plus appréciables. Et c’est ça qu’elle veut retrouver...

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@Nagini Kapudia

C’était un étrange sentiment que ressentir le bonheur de retrouver sa petite sœur qui se mêlait à la tristesse et la culpabilité. Shanti n’avait jamais été très doué pour gérer ses sentiments et depuis que le monstre s’était éveillé en lui, les larmes venaient encore plus facilement qu’avant. Alors, il avait fondu en larmes. Il avait peur, mais ce n’était pas pour lui. Peut-être que sa sœur avait-elle aussi été contaminée par le monstre qu’il abritait. Non, il ne fallait pas. Nagini était innocente, elle ne méritait pas de devoir lutter sans répit contre sa vraie nature, contre l’horreur.

Les yeux baignant de larmes, ses mains dans celles de sa sœur, Shanti posa la question. Il craignait la réponse, mais il avait besoin de la connaître. Il le fallait s’il voulait protéger sa sœur, l’empêcher de tomber dans les mêmes tourments que les siens. Les doigts de l’Alchimiste tremblaient, se serrant un peu plus fort autour des mains douces de sa cadette. Il écoutait avec appréhension le début de ses explications. Elle affirmait qu’elle n’avait rien, que ce n’était pas la faute de Shanti. L’Indien voulait bien croire sa sœur et ne demandait que ça qu’elle ait été épargnée par l’horreur qui l’habitait, mais il ne pouvait pas nier le monstre qu’il était ni ne pas penser que Nagini était là en partie à cause de lui. Elle venait de dire qu’elle savait qu’elle allait retrouver son frère ici. La réponse de sa présence n’était peut-être pas due uniquement à Shanti, mais il y était pour quelque chose et pour ça, il s’en voulait.

_ Je… Je suis heureux que le monstre ne t’ait pas eu toi aussi. Dit-il avec un faible sourire entre ses larmes.

Il reprit alors sa sœur dans ses bras, une étreinte protectrice. Les larmes continuaient de couler le long de ses joues comme un torrent intarissable. Shanti ne savait pas trop quoi faire, ni comment se comporter avec sa sœur. Jamais il n’aurait cru la voir sur l’île, il avait même fait son deuil de sa famille. L’Alchimiste n’était même pas sûr de vouloir quitter la prison insulaire. Un monstre comme lui n’avait pas sa place dans le monde extérieur, il ferait bien trop de mal. Il en avait déjà fait beaucoup trop. Il devait être contenu. Mais Nagini, elle n’avait rien fait. Elle était une innocente au milieu de milliers de délinquants encore plus dangereux que son frère. Elle avait besoin de lui, il devait la protéger. Shanti avait parfaitement conscience de cela, mais il savait aussi qu’il devait tenir sa sœur à distance du monstre qu’il abritait. Lui aussi était une menace pour Nagini.

_ Je suis désolé… Vraiment… Mais je ne suis plus celui que tu as connu… Je suis monstre et parfois je perds le contrôle. Dit-il en ravalant en sanglots, toujours dans les bras de sa sœur.
Mais je suis là pour toi, pour te protéger. Je ne laisserai pas les autres te faire du mal, mais tu dois faire attention. Tu me le promets ?.... Fais attention.

Si Shanti venait à perdre sa sœur, il ne serait pas ce qu’il ferait. Son esprit se briserait sans doute encore plus qu’il ne l’était déjà, sans possibilité de d’être soigné. Mais il ne devait pas penser à ça, alors il avala un autre sanglot et reprit la parole. Il restait dans les bras de Nagini, c’était plus facile pour lui de parler ainsi. Il n’avait pas à voir son visage, à la regarder dans les yeux. Les mots étaient plus simples à dire de cette façon.

_ Tu… Tu sais… ce que j’ai… fait ?

L’Indien n’avait pas la moindre idée de ce que sa fratrie savait des crimes qu’il avait commis. Shanti savait que son père était au courant de tout, mais il pouvait ne rien avoir dit ou avoir laissé de côté les détails. L’Alchimiste espérait que sa sœur sache tout, car il n’était pas sûr d’avoir le courage de tout raconter et il avait peur de comment Nagini réagirait.

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@Shanti Kapudia

A ce moment précis, Nagini ne pense plus du tout au reste. Elle ne voit plus les gens qui les entourent, elle n’entend plus la cohue typique du marché. Elle ne voit que lui et lui seul. Cet être qu’elle a perdu de vu il y a plusieurs années de ça. Oh bon sang, ce qu’il lui a manqué ! Elle est heureuse, Nagini. Cet instant, ces retrouvailles, la brune les a imaginés maintes et maintes fois dans son esprit. Et voilà qu’aujourd’hui, il est là, face à elle. Pourtant, elle n’est pas idiote, l’Indienne. Elle sent bien qu’il y a des choses qui ont changé. Elle est encore incapable de dire si c’est bien ou mal mais elle sait que c’est là. Elle le comprend quand son frère aîné se met à pleurer parce que c’est la première fois qu’elle voit ses larmes aussi clairement. Et ça, ça la touche profondément. La brune lui donne les explications qu’il attend tout en sentant les mains de Shanti serrer les siennes. C’est une sensation étrange. D’autant qu’elle n’a pas l’habitude de le voir dans cet état-là. Pour elle, son aîné est un homme fort que peu de choses peuvent effrayer. Alors, elle ne comprend pas. Elle ne comprend pas pourquoi actuellement, c’est elle qui a plus d’assurance. Elle ne comprend pas pourquoi c’est lui qui fond en larmes, qui s’excuse. Elle ne comprend pas. Parce que ce n’est pas l’image qu’elle a toujours eu de ce garçon. « Le monstre ? Mais de quoi tu parles ? », elle demande en captant à peine le petit sourire qui s’affiche sur le visage de Shanti, alors que les larmes continuent leur course vers le sol. De quel monstre parle-t-il ? Elle n’a pas le temps de lui en demander plus qu’il la reprend dans ses bras.

Et là, elle retrouve un peu d’autrefois. Cette étreinte, elle la connaît bien. C’est celle qui signifie qu’il est là, qu’il est toujours ce grand-frère protecteur et ça, ça la rassure. Même s’il continue de pleurer sans trop pouvoir s’arrêter. Mais il faut qu’elle se rende à l’évidence : le physique de Shanti n’est pas la seule chose qui a changé. Il s’est passé quelque chose, dans sa tête. Elle n’a aucune idée de ce que ça peut être mais elle en est certaine. Et puis, il y a les mots. Ces mots. Certains sont rassurants, d’autres lui nouent leur ventre rien qu’en les entendant. « Arrête, s’il te plaît. Arrête de t’excuser. », elle prononce ces paroles, presque comme des suppliques. Son frère, il ne formule pas autant d’excuses, habituellement. « Je… J’ai vu que tu avais changé mais tu n’es pas un monstre. Tu es mon frère et je ne t’abandonnerai pas parce que tu es parfois incapable de te contrôler. », affirme-t-elle en passant de nouveau ses bras derrière le dos de Shanti pour l’enlacer. Tant qu’il ne bouge pas, ce n’est pas elle qui va le repousser. « Je ferai attention, je te le promets. Je ne veux pas être un fardeau pour toi, Shanti. Je veux juste qu’on passe du temps ensemble, comme on le faisait autrefois. », dit-elle doucement. Oui, elle va faire attention pour elle et pour lui. Nagini ne veut pas qu’il s’inquiète pour elle alors c’est pour ça qu’elle lui promet. L’Indienne, elle veut juste profiter d’instants précieux avec le seul membre de sa famille qui accepte encore de lui parler et de la regarder dans les yeux sans émettre un quelconque jugement.

Même si, dans l’immédiat, il ne lui parle qu’en regardant derrière elle, la tête posée sur son épaule. S’il se sent plus à l’aise pour lui parler ouvertement de cette manière, Nagini est prête à l’accepter. Tant qu’ils parlent ouvertement, ça lui convient. Et puis, elle apprécie beaucoup ce contact. Et cette chaleur qui lui a tant manqué. Désormais, il n’est plus question qu’il se perdent. Il est son plus grand repère sur l’île et elle sait qu’elle ne se remettrait pas de la perte de cette si importante figure fraternelle. Peu importe qu’il soit dangereux parce que ce n’est pas ce qu’elle voit. Il est son sang, sa famille. Et puis, il pose la question. Nagini soupire légèrement puis, elle ose un sourire à la fois désolé et rassurant, bien qu’il ne puisse le voir. « Je sais ce que tu as fait, oui… En Inde aussi, ils savent. », commence-t-elle, préférant dire ces annonces dès le début pour s’en débarrasser. « Mais tu sais, Shanti… Même si je n’approuve pas ce que tu as fait, ça ne veut pas dire que je t’en veux. », poursuit-elle doucement en lui frottant délicatement le dos. « Je voulais avoir une discussion avec toi, je voulais essayer de te comprendre. Savoir pourquoi tu avais fait ça. J’étais prête à te rejoindre au Canada. », avoue-t-elle avant de faire une pause de quelques secondes. Elle reprend rapidement pour ne pas être interrompue. « Mais père n’a pas voulu que je parte. Alors je n’ai pas eu le choix, je suis restée. », c’est à elle d’être désolée. De ne pas avoir tout fait pour qu’ils se revoient avant que Shanti ne soit envoyé en exil ici. Nagini espère qu’il ne va pas trop mal prendre le fait qu’elle sache. Le fait que tout le monde sache...

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@Nagini Kapudia

Depuis l’éveil du monstre, depuis qu’il essayait de lutter contre l’être malveillant qu’il était devenu, les pleures de détresse et de fatigue n’étaient pas rares dans les yeux de Shanti. Pour certaines personnes, ça pouvait être perçu comme une faiblesse et s’en était certainement une, mais c’était aussi le signe que l’Alchimiste luttait contre ce qu’il était, qu’il ne l’acceptait pas totalement, qu’il n’avait pas complètement laissé tomber. Mais ses larmes étaient aussi la  forme que prenait le désespoir de Shanti, la peur de ne jamais être capable de changer, de finir d’exister qu’au travers des pulsions qui désiraient posséder le corps d’un autre, se l’approprier pour que personne ne puisse l’avoir. Néanmoins, dans les bras de sa sœur, les perles salées coulant le long des yeux de Shanti prenaient encore plus de signification. Il y avait une once de joie de retrouver celle avec qui il avait grandi ainsi que de la peur, non de lui-même, mais pour elle, pour Nagini, peur qu’il lui arrive malheur. Si lui méritait de souffrir sur cette île, ce n’était pas cas de sa cadette. Si lui était le démon malfaisant, elle était l’ange innocent.

À la demande de Nagini, Shanti ravala sa salive. S’excuser était pourtant la seule chose dont il était capable de faire. Il savait que des mots ne changeraient jamais ses actes, mais peut-être qu’en les répétant encore et encore, ils finiraient par apaiser l’Alchimiste, car c’était autant pour lui qu’il les disait que pour sa sœur. Pourtant, il essaya d’accéder à la requête de sa sœur.

_ Je… Je suis désolé… J’arrête… Dit-il s’en se rendre compte qu’il venait une nouvelle fois de s’excuser.

Dans les bras de Nagini, l’Alchimiste tentait de reprendre le contrôle de ses émotions, de réfléchir aux mots qui parvenaient jusqu’à ses oreilles. Il aimait sa sœur, il était heureux de l’entendre dire qu’elle ne l’abandonnerait pas. Pourtant, était-ce vraiment la meilleure chose à faire ? Il se souvenait encore de la jeune femme qui avait tenté de l’aider contre sa volonté lorsqu’il était en proie à une de ses crises. Il avait manqué de l’étrangler, de la tuer. Il ne voulait pas recommencer et encore moins le faire subir à Nagini. Jamais il ne pourrait se pardonner de faire du mal à elle, cette femme qui partageait son sang et lui offrait un soutien indéfectible. Mais il savait aussi que repousser Nagini n’était pas une solution, tout comme lui ne laisserait rien arriver à sa sœur, elle aussi allait vouloir le protéger. Il ne pourrait pas la repousser, ni le désirait pas non plus. Mais il avait peur, comme toujours, il avait peur pour lui, peur pour les autres, peur de blesser, peur de ne pas être à la hauteur. Alors, il resserra un peu plus l’embrassade, ne sachant pas quoi dire. Shanti n’avait jamais été fort pour trouver les mots et son crime et l’île ne l’avaient pas aidé.

Au bout de quelques secondes, il finit par prendre la parole. D’une main, il essuya les larmes qui coulaient dans ses yeux, mais c’était vain. Sa vue fut très vite brouillée par de nouvelles gouttes de liquide. Il n’arrivait pas à faire taire ses larmes qui ne semblaient jamais vouloir se tarir.

_ D’accord… Mais quand je te dis de partir, tu pars… Je ne veux pas te faire de mal. Je suis désolé. S’excusa-t-il de nouveau, ravalant un sanglot.

Il y avait beaucoup de choses dans l’esprit de l’Indien, il éprouvait mille et une chose. Mais la peur restait dominante, si bien qu’il n’avait pas le courage d’affronter le regard de celle qu’il avait vu grandir. Les mots sortaient de sa bouche, mais son visage restait sur l’épaule, dans le cou de Nagini. Il était plus simple de parler sans pouvoir lire les réactions de déception, de peur ou de tristesse sur le visage de l’autre. Car oui, c’était ce que Shanti était persuadé de voir se dessiner sur les traits de Nagini.

Prenant le peu de courage qu’il avait, l’Alchimiste posa la question qui le terrifiait. Est-ce que sa sœur savait pour le viol et le meurtre ? Qu’est-ce qu’elle en pensait ? C’était le sien qui l’intéressait, celui de son père n’avait que peu d’importance. Il avait toujours voulu fuir ce pays, cette caste qui le destinait à devenir le même homme que son père. C’était maintenant une chose de faite, jamais Shanti ne pourrait prendre la suite de son géniteur. Pour sa mère, il ne savait pas quoi en penser. Il l’aimait, mais c’était différent. C’était sa fratrie qu’il avait le plus de lien, avec Nagini.

Un étrange soupire s’échappa des lèvres de l’Alchimiste lorsque sa sœur lui apprit que tout le monde était au courant. C’était à la fois un soulagement, car malgré ça, sa sœur était venue le voir, mais aussi de la déception et de la culpabilité. Jamais Shanti n’aurait voulu que l’innocence de sa sœur disparaisse à cause du monstre qu’il était devenu. Il écouta ensuite le reste de ses explications. Son cœur s’accéléra en entendant que sa sœur avait voulu aller le voir, pour lui parler avant qu’il soit envoyé sur cette île prison.

Doucement, il se recula pour voir le visage de sa sœur. Les larmes continuaient de perler des yeux de Shanti, mais leur débit commençait doucement à diminuer. Il resta quelques secondes à observer les traits de Nagini avant de prendre une nouvelle fois la parole. Il avait oublié qu’il se trouvait au milieu de la foule, que toute cette conversation pouvait apprendre à de parfaits inconnus que Shanti était dangereux, qu’il devait être fuit ou mis hors d’état de nuire. Tout ce qu’il comptait était sa sœur.

_ Merci… Merci… Dit-il avec beaucoup d’émotions dans la voix.
Moi aussi, j’aurais aimé te voir.

Il essuya une nouvelle fois ses larmes et son visage prit une expression bien plus sérieuse, plus grave. Le torrent s’était arrêté. Ses yeux rougis s’assombrirent légèrement.

_ Je n’ai jamais voulu faire ça… Je me hais à cause de ça. Je suis devenu un monstre ce jour-là. Une créature dangereuse dont j’essaye de garder le contrôler, mais je n’y arrive pas toujours. Ce que je suis me terrifie, je suis capable de recommencer, je le sais.

C’était la première fois qu’il parlait de quelqu’un de tout ça. Il avait bien sûr déjà apporté le sujet avec Louis, mais ça n’avait rien à voir. Le Magicien était un violeur qui assumait ce qu’il était, il y prenait du plaisir. C’était tout le contraire de ce que ressentait Shanti. Pourtant, il avait réussi à parler avec calme de tout ça avec sa sœur. Mais maintenant que les mots avaient été dits, il attendait avec crainte la réaction de Nagini. Les mains de l’Alchimiste tremblaient et sa peau avait perdu de sa couleur. Ses yeux regardaient le visage de la jeune femme, mais évitaient soigneusement de regarder ses iris.

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@Shanti Kapudia

Jamais elle n’aurait pensé le voir aussi désespéré. Pour elle, c’était inconcevable. Sa figure fraternelle est forte et elle ne peut pas se laisser abattre par des pulsions et par la conviction d’être un monstre. Il peut se battre, prouver qu’il est un homme qui mérite qu’on lui porte de l’attention. Nagini, elle sait. Elle sait de quoi son frère est capable et pour elle, c’est une certitude : un jour ou l’autre, il va triompher de ses démons. Il sera libre et plus jamais il ne versera une larme de tristesse ou de désespoir. C’est comme ça qu’elle voit les choses. Shanti ne peut pas se laisser consumer par ce qu’il qualifie de monstre. Et la brune, elle est là, prête à l’aider, à lui apporter son soutien. Il suffit juste qu’il lui demande, qu’il lui dise quoi faire et elle s’exécute. Parce qu’elle tient énormément à lui. Peu importe que l’un soit le démon et l’autre l’ange. Pour elle, ça n’a aucune espèce d’importance. Elle veut juste qu’il se calme, qu’il se reprenne. C’est pour ça qu’elle lui demande de ne plus être désolé ou, en tout cas, de ne plus dire qu’il l’est. Elle a saisi. Elle a compris que pour l’instant, c’est son seul moyen de se décharger. Mais Nagini, ça lui fait bizarre. Dans ses plus vieux souvenirs, il ne les prononçait quasiment jamais, ces mots. « Je préfère ça... », répond-elle doucement, en usant d’un ton qu’elle veut le plus rassurant possible ; sans prendre la peine de relever qu’il s’est une dernière fois excusé. Elle ne veut pas non plus le brusquer et elle est déjà bien contente qu’il accède ainsi à sa requête. C’est une preuve bien suffisante de sa bonne volonté. Et c’est déjà très encourageant, compte tenu des circonstances. Elle tente de se convaincre alors que son aîné ne quitte toujours pas ses bras, s’attirant parfois les regards interrogateurs de certains passants. Regards qui indiffèrent bien la brune. Elle se moque bien de ce que peuvent penser les gens alentours en voyant la scène. Pour elle, c’est son frère qui a de l’importance. Le reste, elle s’en moque bien. C’est son bonheur à lui qu’elle désire sincèrement. Parce qu’elle l’aime autant qu’il est possible d’aimer un frère. C’est aussi pour ça qu’elle refuse la possibilité de l’abandonner. Elle ne pense pas aux potentiels dangers que ça peut lui apporter. Non, elle ne pense qu’au soutien que ça peut amener. Dans son idée, ce grand-frère ne peut pas lui faire du mal. Pas alors qu’ils sont du même sang et qu’ils savent qu’ils peuvent compter l’un sur l’autre. Ils ne doivent pas se repousser, bien au contraire. Ils doivent être là l’un pour l’autre, se protéger mutuellement. Parce que s’ils ne le font pas pour eux deux, ce n’est certainement pas les autres - et encore moins le reste de leur famille - qui vont leur apporter cette protection. Alors non, le rejet ne doit surtout pas être leur solution. C’est normal d’avoir peur. Ce qui l’est moins, en revanche, c’est de se laisser abattre. C’est la pire des options. Alors quand Shanti resserre un peu plus son étreinte, Nagini le laisse faire sans rien ajouter, se contentant de l’enlacer un peu plus fortement elle aussi. Geste à l’apparence simple mais qui lui montre qu’elle est là. Quoi qu’il arrive.

Quelques secondes passent sans qu’aucun des deux ne parle. Il n’y a que les bruits du marché qui empêchent que le silence soit total. Et puis, c’est Shanti qui reprend la parole, après une vaine tentative pour essuyer les larmes qui emplissent encore ses yeux. Elles continuent de couler sans qu’il ne puisse rien y faire. La brune aurait voulu tenter quelque chose. Mais elle se doute qu’il est le seul à pouvoir faire cesser ces larmes. Ca doit venir de lui-même. « Tes excuses, Shanti... », qu’elle se permet de relever, cette fois, un léger sourire aux lèvres. Evidemment que ça ne va pas être facile de lui faire oublier ça mais elle a bien l’intention d’y parvenir. « Je… D’accord. Si ça peut te rassurer, je te promets que je partirai chaque fois que tu me le demanderas. », elle sait qu’il ne veut pas lui faire de mal. C’est pour ça qu’elle se force à accepter à son tour sa demande. Au fond, elle n’a aucune de le laisser quand il le lui demandera. Mais d’un autre côté, elle a également conscience qu’il fait ça pour la protéger. Alors elle n’a pas le droit d’insister ou de refuser ce qu’il veut. Pour Nagini, c’est une question de respect vis-à-vis de son frère. Et puis, elle n’est pas déçue de lui. La brune essaye de se mettre à sa place pour mieux le comprendre, pour mieux accepter ses choix. Aujourd’hui, il n’ose peut-être pas discuter avec elle les yeux dans les yeux. Mais elle est confiante. L’Indienne est persuadée qu’un jour, ils pourront de nouveau discuter ouvertement face à face. Comme avant. Quand il n’y avait pas cette peur. Elle est confiante, Nagini. Pour l’instant, il reste la tête posée sur son épaule mais ce n’est qu’une question de temps pour que les choses évoluent. Et dans le sens le plus positif possible.

C’est alors qu’il la pose, cette question. Est-ce qu’elle sait ? Oui. Tout. Est-ce qu’elle le juge pour ses actes ? Pas le moins du monde. De toute façon, elle n’est pas en mesure de le faire. Et ce n’est pas son objectif. Elle n’approuve pas ce que Shanti a fait, c’est certain. Mais il y a peut-être des raisons à ces actes. Des choses qui lui échappent totalement. Ce qu’elle veut, c’est le comprendre. Pour mieux l’appréhender. Alors elle lui dit tout. Vraiment tout. Que tout le monde sait ce qu’il a fait. Et ça la soulage rapidement de constater qu’étonnamment, il ne semble pas mécontent que tout le monde soit au courant. C’est sans doute la meilleure réaction qu’elle pouvait espérer. Maintenant, ces informations sont données. Elle est honnête avec lui et il n’est pas nécessaire de revenir sur les derniers mots formulés. Enfin, doucement mais sûrement, Shanti semble trouver le courage de se reculer pour observer le visage de Nagini. Elle le laisse faire, prendre son temps. C’est à lui de voir lorsqu’il est prêt. Il continue de pleurer mais la brune se sent un peu quand elle remarque que les larmes commence à cesser de couler, petit à petit. L’Indienne reste silencieuse, attendant que son aîné réponde. Elle ne bouge pas, le laissant la détailler sans broncher. Finalement, il reprend la parole, toujours dans cette langue natale pour eux… Mais certainement incompréhensible pour la plupart des personnes qui les entourent. « Pourquoi tu me remercies ? », qu’elle ose demander, ne comprenant pas vraiment la réaction de son frère. Néanmoins, elle capte l’émotion transmise par ces simples mots et elle ne peut nier que ça la touche beaucoup. « C’est chose faite, maintenant. Nous nous sommes retrouvés… Même si… C’est vrai que ça aurait été sûrement plus agréable dans d’autres circonstances. », elle est sincèrement touchée d’apprendre qu’il aurait aussi voulu la voir. Avant tout ça. Et c’est bien qu’ils aient l’occasion de renouer aujourd’hui même si, effectivement, ce n’est pas dans le meilleur des environnements. Finalement, les larmes disparaissent. Il les balaye d’un dernier revers de la main et soudain, son expression devient un peu plus sombre. Ce qui a aussitôt fait d’inquiéter la plus jeune. « Je te crois. Je ne peux certainement pas prétendre comprendre ce que tu ressens avec tout ça mais… Je pense sincèrement que tu n’es pas quelqu’un de mauvais, ni un monstre. Tu es fort, Shanti. Je suis persuadée que tu peux combattre ça même si c’est encore difficile pour le moment. Je te l’ai dit, je serai là pour toi, à partir de maintenant et pour toujours. », affirme-t-elle avec toute la conviction dont elle est capable. Elle comprend un peu mieux. Il a peur de lui-même, peur de ce qu’il peut faire parce qu’il est conscient de pouvoir recommencer à n’importe quel instant. Nagini pourrait fuir en entendant ces mots. Pourtant, ce n’est pas le cas. Elle reste face à lui, à le regarder et à lui répondre sincèrement. Peu importe qu’il ne veuille pas la regarder dans les yeux. Même avec ce qu’elle vient d’entendre, elle n’a aucune envie de l’abandonner, de lui tourner le dos. Elle est calme et s’efforce de le faire comprendre à son frère. Il n’a pas à avoir peur de ses réactions à elle. Parce qu’elle convaincue de toujours pouvoir rester à ses côtés, quoi qu’il fasse. Après tout, il est sa famille.

It's really you ?
Le Gouffre de Helm

@Nagini Kapudia

Shanti était un homme brisé, détruit par ses propres actions, par ce qu’il renfermait en lui et dont il n’arrivait pas à prendre le contrôle. Il pourrait sans doute en vouloir au monde entier, mais il n’y qu’à lui-même qu’il en veut. Il pourrait reprocher ses torts à la manière dont ses parents l’ont éduqué, contraint à cacher au fond de lui qui il était vraiment, non c’était seulement sa faiblesse qu’il blâmait. Ce n’étaient pas ses géniteurs qui avaient pris possession de force du corps d’un homme pour ensuite le brûler vivant, non c’était bien Shanti. Aussi écœurante soit la vérité, c’était bien l’Alchimiste qui avait tout ça et il ne pouvait rien y changer. Ces événements faisaient maintenant partie de son passé et malheureusement de son présent. Il se savait capable de recommencer et ça lui faisait peur, si peur. Il savait qu’un jour, la muse Arès ne se serait plus capable de contenir complètement ses pulsions, qu’il y aurait une autre victime. Cette pensée terrorisait Shanti. Il avait peur pour lui-même, pour les autres et maintenant aussi pour Nagini. Elle était déjà la sœur d’un violeur, elle ne devait pas devenir celle d’un monstre incontrôlable, détruisant les vies des gens sur son passage.

C’était plus fort que lui, mais l’Alchimiste ne pouvait s’empêcher de s’excuser, comme si les mots pouvaient éclaircir son karma, le retenir de commettre un nouveau crime. Pourtant, il devait arrêter. Il l’avait promis à sa sœur, mais les habitudes avaient la vie dure. Nagini le rappela à l’ordre gentiment, Shanti hocha doucement la tête. Il faisait de son mieux, mais ce n’était pas facile. Il allait persévérer, sa sœur avait accepté de partir s’il lui demandait, alors il pouvait bien faire ça pour lui. Shanti se souvenait encore de la fois où il avait manqué d’étrangler jusqu’à la mort une jeune femme qui s’était acharnée à lui venir en aide. Il avait tenté de l’avertir, mais elle avait été têtue. L’Aclhimiste avait fini par perdre le contrôle et il ne voulait pas que la même chose arrive avec sa sœur. Déjà qu’il ne pouvait pas se pardonner d’avoir fait du mal à cette inconnue, alors à Nagini, il ne s’en remettrait sans doute pas. C’était à cause de toutes ses actions que Shanti avait du mal à regarder sa sœur en face. Il n’était plus l’homme qu’elle avait connu. Il ne pouvait plus être un modèle pour elle. Il ne le méritait plus.

Malgré tout ça, Shanti ne voulait pas cacher la vérité à sa sœur, néanmoins il n’était pas certain de réussir à expliquer ce qu’il avait fait sans fondre encore plus en larmes. Une chose qu’il n’eut pas à faire. Leurs parents n’avaient pas caché la vérité à Nagini ou alors ils n’avaient pas réussi. Tout le monde était au courant. Shanti était soulagé, c’était un nœud qui se dénouait dans son estomac. Ce n’était pas l’image qu’il aurait voulu que sa famille garde de lui, mais c’était un secret qu’il n’avait pas à porter. Peu à peu, la peur perdait du contrôle sur l’Alchimiste qui se recula enfin pour regarder le visage de sa sœur, de Nagini. Elle était là, présente pour lui, elle lui offrait toujours son amour malgré tout ce qu’il avait fait et pour ça, il lui était infiniment reconnaissant. Alors, Shanti remercia sa sœur d’une voix emplie d’émotions.

_ Tu es là… Répondit-il un ton encore chargé de sentiment à l’interrogation de Nagini.

L’Alchimiste hocha doucement la tête aux propos de sa sœur. Ils étaient réunis, c’était le plus important, même si les circonstances auraient pu être meilleures. Néanmoins, Shanti ne se plaignait pas. Il savait que la vie sur l’île pouvait être difficile. Ses retrouvailles avec Nagini aurait pu avoir lieu dans une situation bien pire qu’un marché.

Après de longues minutes à couler sur ses joues, les larmes de l’Alchimiste se tarirent enfin, laissant les yeux de Shanti rougis d’avoir autant pleuré. Ces temps-ci, c’était presque leur état permanent causé par le manque de sommeil, l’alcool et les larmes. Prenant le peu de courage qu’il avait, l’Alchimiste tenta d’expliquer la raison de ses actions, sa perte de contrôle. Il n’avait encore jamais mis des mots dessus, en tout cas, jamais en face de quelqu’un comme Nagini. Il avait peur de sa réponse, peut-être que c’était les mots de trop, ceux qui allait faire fuir sa petite sœur ? Ce qui se passa fut tout le contraire, Nagini le crut, lui dit qu’elle était là pour lui, qu’il pouvait vaincre ses pulsions. C’était la première fois que Shanti recevait des encouragements sur ce sujet. N’en ayant jamais parlé sauf à Louis, un homme qui approuvait le viol, personne n’avait pu lui dire directement qu’il était capable de vaincre ce qui le rongeait. Il ressentait un étrange sentiment, un peu comme si sa poitrine se réchauffait. Il ne doutait pas une seule seconde de la sincérité des propos de Nagini. Ces derniers ne lui faisaient beaucoup de bien, même s’il n’était pas encore prêt à accepter qu’il n’était pas un monstre, mais il voulait bien croire que ce n’était peut-être pas définitif.

_ Nagini… Merci… Remercia-t-il une nouvelle fois.
Je ne sais pas si je pourrais, mais je vais essayer. Je te le promets. Je ne veux pas que tu aies un grand frère qui n’arrive pas à se contrôler. Tu mérites mieux.

Ces retrouvailles avec sa sœur l’avaient épuisé. Lui qui débordait d’énergie quelques minutes plutôt sentait maintenant que son esprit avait été essoré. Émotionnellement, croiser Nagini et lui parler avaient été très forts, mais il était heureux d’avoir revu sa sœur.