Histoire
Every thought is a battle, every breath is a war.
I don't think I'm winning anymore.
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Pourquoi avez-vous agressé monsieur Zuma ?Tu es là, devant la salle, te sentant terriblement seule. Tes parents ne sont pas là. Sûrement ont-ils oublié ton existence, ou ont tenté de le faire, pour se détacher des accusations qui te sont portées. Tu as agressé un homme. C’est ce qu’ils disent. C’est la réalité qui a été présentée. Personne n’a envie d’entendre ton histoire. D’y croire. Mais c’est pour ça que tu es là. Que tu te tiens la tête droite, avec la boule au ventre et le coeur au bord des lèvres.
Ça te rend malade, tout ça. Tu aurais eu envie d’être n’importe où, sauf ici. Mais tu sais que c’est sûrement ta dernière chance de te faire entendre.
Qu’ils comprennent ce qu’il s’est réellement passé.
Alors tu inspires profondément, tentant de remettre de l’ordre dans tes idées, frissonnant à la simple idée de te remémorer cette soirée là. Tu ne te sens pas bien. Tu as encore l’impression de vouloir sentir la chaleur de sa peau contre la tienne et cette poigne s’étant refermée sur tes bras. Alors, distraitement, tu passes une main sur son poignet avant de finalement répondre, comme pour chasser ce toucher fantôme.
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Il…Ta voix se bloque. Tu toussotes.
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J’ai été agressée par monsieur Zuma alors que je rentrais du travail. Tu peux encore sentir sa main sur ta cuisse, remontant ta jupe. Tu peux encore t’entendre appeler à l’aide, hurler, alors que personne ne te venait en aide. Sûrement en avaient-ils l’habitude, des cris de femmes seules se retrouvant à la merci d’un homme. La violence régnait en maître, de là où tu venais. Meurtres. Viols. Coups d’éclat. Tous semblaient se croire tout permis. Et toi, tu n’étais qu’une victime parmi tant d’autres, l’une des rares à avoir pris ton courage à deux mains pour essayer tant bien que mal d’exprimer ce qu’il s’était passé.
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Vous vous êtes donc défendue ?-
C’est bien ça.Tu soupires. Personne ne t’était venu à l’aide. Alors, tu as attrapé la première chose qui t’était passée sous la main, sur la sol, venant fracasser le crâne de l’homme à l’aide d’une brique. T’ignorais d’où t’était venue une telle force.
L’adrénaline, sûrement.
L’homme devant toi changea, ton avocat laissant place à un autre. On t’avait prévenu que ce moment serait sans doute le plus difficile de la journée. Celui où tu serais confrontée à cet homme, celui qui portait les accusations à ton encontre. Pourtant, tu n’étais pas la criminelle dans cette pièce, et ça, tu y croyais dur comme fer. Ce n’était pas toi qui avait fait quelque chose de mal mais bel et bien celui s’en étant pris à toi.
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Est-ce que votre vie était en danger immédiat, mademoiselle Rensburg, lorsque vous avez pris une brique pour assommer monsieur Zuma ?La question te pris de court. Tu restas donc silencieuse, quelques instants, le fixant sans trop savoir ce que tu devais répondre. Parce qu’une partie de toi avait envie de dire que oui, tu t’étais sentie menacée, mais, physiquement, tu ne portais plus de marques de cette soirée là. Tu ne gardais que des séquelles psychologiques.
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Il s’en est pris à moi ! Je ne pouvais plus bouger et il…-
Répondez par oui ou par non.Tu serras tes poings sur tes cuisses.
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Oui.-
Vous a-t-il menacé physiquement ? Verbalement ?-
Oui.-
Donc il s’est montré violent avec vous ? Vous a-t-il frappé ? Était-il armé ?-
… Non.-
A-t-il fait comprendre qu’il souhaitait attenter à votre vie ?-
… Non.-
Alors, je répète ma question, est-ce que votre vie était en danger immédiat, mademoiselle Runsberg ?Tu te figes. On t’avait prévenu, que ce serait difficile. Ce qu’on avait manqué de te dire, c’était que tu serais discréditée, comme si tu n’avais que ça à faire, mentir. Mais tu tiens bon, tu t’efforces de garder la face, tu ravales tes larmes et tu fixes ton bourreau.
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Non.Ça te fait mal. Ça te déchire de l’intérieur. Tu as envie d’hurler. De pleurer. De partager ta peine. De leur montrer à quel point est-ce que cette soirée ta détruite.
Mais tu ne fais rien.
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Comment étiez-vous habillée ?-
Quoi ?!C’est plus fort que toi, tu t’interroges quant à la pertinence de la question. Mais personne d’autre ne semble du même avis. C’est, du moins, ce que te signifie le silence dans la salle et son regard insistant. Tu déglutis alors. Tu ne comprends pas trop où est-ce qu’il veut aller, avec tout ça. Mais tu le sens, ce sentiment qui monte en toi.
Tu as peur.
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Mon uniforme de travail.-
En quoi consiste-t-il ?-
Une jupe et un chemisier.-
Et avez-vous regarder ou fait un signe quelconque à monsieur Zuma avant qu’il ne vous approche ?-
C’est absurde !-
Répondez à la question, mademoiselle.Que se passait-il ? Tu ne comprends pas ces questions. Ton regard désemparé se dirige donc vers ton avocat, celui s’étant présenté à toi quelques jours plus tôt. Pour que quelqu’un puisse te défendre, qu’il t’avait dit. Or, à l’heure actuelle, tu avais la cruelle impression d’être abandonnée, seule face à un monde injuste qui se liguait contre toi. Seule face à ces hommes qui avaient d’ors et déjà décidé que tu étais coupable.
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Notre route s’est croisée, je dois l’avoir regardé.-
L’avez-vous invité à se rapprocher ?-
Non !-
Pourtant, une jeune demoiselle seule, si tard le soir, à l’extérieur, aussi légèrement vêtue qui plus est… Êtes-vous certaine qu’il n’a pas simplement mal compris vos intentions ?Tu ne peux plus parler. La couleur quitte ton visage alors que tu deviens livide face à ses paroles. Tu as envie de vomir, encore plus que lorsque tout ça à commencer. Tu enfonces tes ongles dans la paume de tes mains, retenant des larmes, ne pouvant pas flancher. Pas face à lui.
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Vous êtes-vous opposée à lui ?-
Oui.- Vous lui avez dit non ?
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Je lui ai demandé de me lâcher.-
Lui avez-vous dit non ?Il ne t’écoutait plus. Son idée était toute faite. Et toi, tu comprends.
Tu comprends que c’est de ta faute.
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Non.-
Est-il alors possible, encore une fois, qu’il ait mal compris vos intentions ? Que vous aviez seulement essayer de jouer la farouche alors qu’en réalité, c’était ce que vous vouliez ?Ce que tu voulais.
Tu as mal.
Il t’écoeure.
Tu t’écoeures.
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J-je… Non. J’ai tenté de le repousser. Je lui ai demandé de me lâcher et de me laisser rentrer chez moi. Il m’a écrasé sur le sol !Tu le vois sourire. Comme s’il était content. Comme s’il savait qu’il avait gagné. Et toi, ta voix monte. Tu commences à paniquer. Ton histoire, il n’en a jamais rien eu à faire. À la place, voilà que tu es humiliée, qu’on tente de te faire avaler de force une réalité qui n’est pas la bonne. Comme quoi tu aurais demandé ce qu’il t’était arrivé. Que l’homme s’était simplement trompé. Qu’il croyait que tu voulais, ce qu’il avait tenté de t’infliger, alors qu’il te débarrassait tant bien que mal de tes vêtements. Tu lui avais hurlé de reculer. Tu t’étais cassée la voix en appelant de l’aide.
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J’ai tenté d’appeler à l’aide. Qu’on vienne m’aider. Je voulais juste qu’il… Qu’il cesse de m’écraser.-
Personne ne vous a entendu appeler à l’aide.-
Il était tard !-
En ce moment, c’est votre parole contre la sienne. Et malheureusement, mon client ne peut pas parler pour lui-même, il est encore dans le coma. Par votre faute.Tu trembles. C’est toi qu’on accuse alors que tu n’as fait que de défendre. C’est toi la méchante, dans cette histoire. L’homme recule, retourne s’asseoir, après avoir bien fait comprendre que tu avais manqué de tuer un homme. Qu’il avait eu de la chance de survivre, bien qu’il aurait des séquelles permanentes.
Et toi là-dedans ? Tes blessures ?
Qu’allaient-ils faire de tes blessures ?
Au final, tu eus la réponse bien assez tôt. Coupable de tentative de meurtre. C’était l’accusation portée contre toi. Et tu n’avais même pas eu la chance de te défendre. Tu avais tenté, mais ces hommes te faisant face, ils n’étaient pas mieux que celui t’ayant agressé. Tu n’étais qu’une parmi tant d’autres. Qu’une victime de ce taux de criminalité ne faisant que croître.
Dans ce monde trop grand pour toi, tu avais réalisé une cruelle chose, en sortant de là les mains menottées alors que ta sentence venait de tomber.
Toi, Kayla Rensburg, n’étais personne.