l'enfer sur terre. isolés du monde des vivants par un styx infini. parce que faut dire que vous survivez plus que vous ne vivez. si on peut seulement appeler ça de la survie. c'est la mort. avec les années, t'as pris l'habitude pourtant. tu connais les lieux, t'as tes routines. mais tu peux pas dire que t'es ravie d'être là.

quand t'es arrivée sur l'île y a presque sept ans, y avait rien. que des jeunes dans la perdition, une société précaire, personne pour faire régner l'ordre. c'était juste le chaos, l'univers béant. on dit que tout est né du chaos. c'est peut-être pas si faux. t'as été témoin de l'arrivée de tous les gangs, mais t'as jamais voulu t'investir, ça te disait rien tout ça. jusqu'aux muses. jusqu'aux chimères. ta vie avait pris un tel tournant, plus rien n'avait de sens. alors pourquoi ne pas ouvrir les cuisses, initier plutôt que subir ? t'as rejoint les rangs des muses dès le début, en quête de sensations, de fourmillements, d'étourdissements. aujourd'hui tu peux pas dire que tu regrettes. comme le reste, c'est devenu machinal, une banalité sans pareille dans ton monde sans surprise. mais t'as trouvé ici une famille, des gens auxquels tu t'es attachée.

t'avais quinze ans. la vie devant toi. tant de chapitres à écrire. une toile vierge sur lequel tu pouvais peindre ce qui te chantais. t'avais des rêves plein la tête, des milliers d'étoiles dans les yeux. terminer le lycée, retourner à puerto rico, faire ta petite vie. t'étais sans prétention, tu vivais simplement. si tu devais citer un rêve précis, probablement celui de te produire sur une scène. les projecteurs sur toi, le silence électrisant, et ta voix. juste ta voix. douce. écorchée. caressante. ensorcelante. t'as toujours eu ce don, t'avais cet espoir que ça puisse te mener quelque part. faire danser tes semblables dans la chaleur de puerto rico. amener du soleil dans la vie des gens. vivre quoi. peut-être laisser ton empreinte sur le monde.