Bambin dodu qui n’a jamais rien demandé. Il n’a jamais supplié de naître, jamais voulu exister, mais le voilà qui cri à s’en arracher les poumons, qui se voit forcer de tenter de survivre avant même d’avoir pu vivre. Y’a une mère, et un père, c’est comme ça que la procréation fonctionne, mais y’a pas de famille, y’a que l’indifférence d’un amour mort avant d’exister. Ils s’aiment pas, ils l’aiment pas, et il ne les aime pas non plus ; ils sont que 3 inconnus qui partagent le même sang. Ils sont unis dans l’adversité, parce que même s’ils ne ressentent qu’une vague responsabilité envers chacun, il vaut mieux être ensemble que seuls, partager la chaleur pendant les nuits glaciales ; se souffler dessus dans les jours torrides. Ils crèveront tôt, sans bruit dans la nuit ; personne pour se souvenir d’eux, pas même le gosse qu’ils avaient mis au monde.

Zen il a toujours été orphelin, mais il a été adopté dans une grande famille dysfonctionnelle. Il s’est jamais vraiment arrêter pour y penser, pour lui, c’était eux sa famille ; ces grands mecs aux corps recouverts d’encre, ces brutes de violence et de fourberie. Gamin de la triade avant d’être un simple enfant ; l’esprit retourné et les mains ensanglantées avant d’avoir eu la chance de tenter la normalité.

Zen leur est reconnaissant de l’avoir recueilli, inconscient que la mort aurait été plus douce. Il leur offre joyeusement cette vie qu’on lui a imposée, immole son entièreté pour leurs reconnaissances. On le brise pour l’assembler à nouveau, pour en faire l’arme parfaite et il en redemande encore, pour se prouver. Désespéré à l’idée de se trouver une place dans un monde d’indifférence, il cherche l’appartenance aux pires endroits, vogue sur la vague de violence qu’est la triade, devient pantin qui se mouve selon leur bon vouloir. Séduit, tue, transporte ; boucler, arme – qu’une marionnette à user avant de s’en débarrasser. Enfant objet qui s’ignore, qui se tue à la tâche, l’esprit entièrement consommé par chacune de ses missions. Déshumanisé pour mieux réussir, le voile d’indifférence placé sur ses propres yeux, son myocarde paralysé pour ne pas ressentir la douleur. Sa vie pour la leur.

Mission au Japon qui tourne mal. Karma de merde qui lui tombe sur la tête ; des mois, des années de travail qui tombent à l’eau. L’alliance qui lui explose entre les doigts, et le réseau de la triade affiché. Les japonais les ont trahis, se sont amusés à jouer les justiciers avec la police pour les annihiler. Double trahison quand on se sert de l’enfant comme bouclier ; les crimes s’empilent sur son corps frêle, toute la laideur de la triade sur ses épaules. Et même dans la déchéance, il accepte leur choix ; cesse d’exister pour le bien de sa famille.

premiers pas sur l’île ; gamin encore surpris de ce qui lui est arrivé, pourtant pas pour le moins dépaysé quand on tente de s’en prendre à lui. Mis au sol, maîtrisés ; sa dominance établie. Les premiers jours sont passés à errer, à découvrir et à comprendre, à s’assimiler à ce nouveau monde qui ne change pas tellement de l’ancien au final. Y’a ses pupilles ambrées qui découvrent les clans, qui estiment l’endroit parfait où s’insérer. Le zeus de l’époque attire son regard, fait naître ce rêve de prendre sa place. Confortement installé au haut de la hiérarchie du pouvoir, rien à rendre à qui ce soit ; une place de choix où survivre confortablement.

L’idée germe et l’enfant devient himeros. Muse du désir qui se plait à refuser, à se faire désirer. Le jeu d’acteur qui vient naturellement, enfant pas plus intéressé que ça par les désirs charnels. Et il cède, parce que c’est son emploi, il cède en rongeant son frein. Patience infinie qui durera pendant plus de quatre ans. Promesses cachées, sournoiserie cachée derrière le faciès angélique et zeus qui disparait du jour au lendemain. Zen s’élève, reçoit sa couronne. Enfant à l’écoute des siens et aux relations cordiales avec tous et chacun. Des années à entretenir ses relations avec l’ensemble des chimères, à gagner leur confiance pour un jour pouvoir régner.

Deux mois déjà qu’il a fait son ascension ; tâches assimilées, pas trop inconnues comme de doux échos à sa vie d’avant. Maintenant qu’il s’est assuré de sa survie, l’esprit tourne en rond, s’épuise à chercher une raison de vivre. Et pour la première depuis toujours, zen s’heurte à un mur. Rien à faire, rien à prouver, rien qu’à attendre que le temps passe, que sa sentence se termine. Doux répit se transforme en cauchemar, prend le dessus sur son esprit. Il se perd dans les souvenirs des actes horribles commis au nom de sa survie, des âmes sacrifiées pour qu’il puisse être. Cette vie sans vie qu’il n’a jamais demandé qui continue de le torturer d’avoir simplement voulu exister.