PROLOGUE ╱╱
c'est à rendre fou. ces retentis, ces vas et viens. les bouts d'ongles jouant les uns les autres - nerveusement, peut-être par habitude, ou pour simplement tuer le temps. la pression dans cette trop vaste atmosphère comme un dôme écrasant, comme pris au piège, et sanglé à la volonté même de leur curiosité trop humaine. y a que ça pour combler le silence, faire taire ces regards à la plus grande voix. il est au bout le gamin. il sait plus quoi faire de ses doigts, comme si l'écho n'est pas suffisant - peut-être que les bouffer fera l'affaire, comme l'angoisse le dévore éternellement. elle est postée là, comme le chasseur devant sa proie, le médecin légiste devant son cadavre : le scalpel à la main, à le décortiquer jusqu'à la moelle, examiner chaque recoin de ses tripes. il en sentirait presque l'odeur nauséabonde, de la chair en décomposition mélangée aux arômes antiseptiques. prestige, d'être le sujet phare, l'acteur même de cette opération à cœur ouvert, de pleine conscience. ça creuse, et ça creuse encore. ça enlève tout, jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien. juste assez pour sentir l'incroyable vide, le néant tout avaler.
tableau dévastateur, cruel même - lorsqu'on réalise pouvoir être plus anéanti qu'on ne l'est déjà.
« pourquoi tu ne veux pas en discuter. tu as peur ? » ta gueule. ta gueule. la ferme. des mantras comme pour contourner le sort - combattre la lame perchée par-dessus cette carcasse trop frêle. et c'est douloureux, c'est trop de poignards implantés depuis trop longtemps, ça le déchire, jusque dans la gorge, où meurent ces désespoirs de détresse. ça secoue son corps, comme la décharge à son réanimé, le marionnettiste à son pantin - il tremble, et il peut pas s'arrêter. faut pas qu'ils gagnent. faut tout avaler. tais-toi s'il te plait tais-toi. faut pas écouter. ce ne sont pas de bonnes personnes, ils te veulent du mal.
ça tremble de partout, c'est le chaos - les pires tremblements des monts.
pourtant y a toujours que les cliquetis des ongles,
et le silence des morts,
sur cette bande qu'on penserait avoir mise sur pause.
une éternité en un fragment de seconde.
le pire désarroi derrière le plus calme des minois.
[l e m o n a d e]
let me tell you what he means to me07:58 - LUN. 08.05.06L'Alchimiste prit en main un livre qu'avait apporté quelqu'un de la caravane. Le volume n'avait pas de couverture, mais il put cependant identifier l'auteur : Oscar Wilde. En feuilletant les pages, il tomba sur une histoire qui parlait de Narcisse. L'Alchimiste connaissait la légende de Narcisse, ce beau jeune homme qui allait tous les jours contempler sa propre beauté dans l'eau d'un lac. Il était si fasciné par son image qu'un jour il tomba dans le lac et s'y noya. A l'endroit où il était tombé, naquit une fleur qui fut appelée narcisse. Mais ce n'était pas de cette manière qu'Oscar Wilde terminait l'histoire. Il disait qu'à la mort de Narcisse les Oréades, divinités des bois, étaient venues au bord de ce lac d'eau douce et l'avaient trouvé transformé en urne de larmes amères.
« Pourquoi pleures-tu? demandèrent les Oréades.
— Je pleure pour Narcisse, répondit le lac.
— Voilà qui ne nous étonne guère, dirent-elles alors. Nous avions beau être toutes constamment à sa poursuite dans les bois, tu étais le seul à pouvoir contempler de près sa beauté.ses doigts s'enroulent aveuglement, robotiquement autour du manche, soulevant les bords à ses lippes. qu'importe l'angle biscornu, y a pas de toute. la tasse est vide. encore à court de café. encore. un long soupir se dérobe - de fatigue, peut-être d'ennui, tandis que ses doigts crochus viennent masser ses tempes. le cadrant raisonne à l'intensité atomique, les rayons par-delà le fin rideau aveuglants - de beauté, de finalité. ça sonne les 08:00. et toujours pas fermé l'œil. c'est la même routine, toujours. cycle répétitif sans réel début, sans fin. on ne sait plus vraiment s'il s'éveille avec ces retentis, ou à l'instant du baiser, déposé contre le front du petit.
mi nene. mi peque. ça va être l'heure. de l'élever avec l'horizon. voir sa petite bouille se contorsionner - râler - parce qu'il est comme ça,
mi cielo, un gosse quelconque. une seconde ça veut rester niché ici, le cocon chaleureux, bercé par la douceur et la tendresse de séville, par-delà les champs fleuris, les terres asséchées. l'autre ça ne réclame qu'à prendre son envol, disparaitre et découvrir le monde, toujours plus loin, trop loin.
salvador s'éloigne finalement, de ce qui ressemble plus intimement à son lit que n'importe quel autre assise. la suite peut attendre. le petit non. les habitudes comme les figures de style parmi ses vers, préparer le petit-déjeuner, installer la table dehors. allumer le poison, en tirer le vice. contempler la beauté rurale à travers ces champs à perte de vue, comme une infinité du temps et de l'espace. refuge de la plus belle tranquillité. recueil de ses plus belles inspirations. peut-être que tout a été possible grâce à elle. les poésies et récits dictant les flots de sa vie.
leur vie. salvador en aurait bien besoin d'une autre, de clope. c'est stressant. ça le sera probablement toujours. ce fleuve jusqu'à la publication. les jugements.
est-ce que ça va marcher, est-ce que ce sera suffisant. pourtant pas de quoi s'inquiéter - ils naviguent sur un arc fait d'or, le blason renommé. les fidèles à la rive, prêts à les saluer. c'est bête. c'est le talon d'Achille de l'auteur. avoir à se dépasser. arriver à se plaire à soi-même.
pourtant, je suis égoïste. el nene, il mérite un parent. el nene, il peut pas encore comprendre.
elle est partie, mais tu la reverras un jour, mi corazon, une promesse murmurée dans le vent, les baisers comme pour atténuer sa plaie, sécher ces vilaines larmes de gamin désemparé. c'est vite passé, surprenamment. il s'en est remis facilement. la fleur de l'innocence lui faisant croire à ces chants mensongers.
si seulement je pouvais y croire aussi. le ptit il dépose lui aussi son bisou de guérison sur sa joue. et il s'envole. parfois salvador a peur. c'est pas facile, d'être seul. seul avec le ciel, le plus précieux des trésors. seul avec les risques, de le perdre. comme il l'a perdu elle. ça fait peur, d'être parent. à devoir se partager, entre les démons de son cœur et les petits pas vers la liberté. instincts, peurs / devoir, et raison. ouais, il mérite bien cette seconde clope.
la dernière touche est frappée, à la fermeture de la porte d'entrée. comme tout cycle qui se respecte. et se répète.
— Narcisse était donc beau ? demanda le lac.
— Qui, mieux que toi, pouvait le savoir ? répliquèrent les Oréades, surprises. C'était bien sur tes rives, tout de même, qu'il se penchait chaque jour ! »
Le lac resta un moment sans rien dire.
Puis:
« Je pleure pour Narcisse, mais je ne m'étais jamais aperçu que Narcisse était
beau. Je pleure pour Narcisse parce que, chaque fois qu'il se penchait sur mes rives, je pouvais voir, au fond de ses yeux, le reflet de ma propre beauté. »
« Voilà une bien belle histoire », dit l'Alchimiste.
[have you seen me ?]
i tried to run but he's not done with me09:05 - MAR. 09.05.06la porte est défoncée, l'entrée spectaculaire alors que les sursauts manifestent une attention générale animée vers l'énergumène fou. le maniaque est en larmes, la gorge explosée de ses cris stridents - paniqués. ce n'est pas son hystérie qui angoisse. il fait pas peur le type. c'est son anéantissement. il déchire le cœur.
s'il vous plait aidez moi qu'il hurle, comme une prière, comme un homme désespéré.
s'il vous plait aidez moi! s'il vous plait! il est plus là! rendez-le moi! par pitié! ça s'arrête pas, c'est le chaos, une danse horrible constituée de bousculements - ils sont tous alarmés, autour de lui,
monsieur calmez vous! que ce passe-t-il ?, et tout cque le pauvre homme arrive à sortir c'est un cri, avant de s'effondrer en larmes au beau milieu de la pièce, comme une bête de cirque - de scène.
s'il vous plait monsieur, il faut nous parler, que peut-on faire pour vous ? une question qui semble secouer l'énergumène, les doigts dans les cheveux, la réalité comme fardeau sur les épaules.
mon fils, il est plus là! il a disparu!ça a fait le tour de séville. le tour du pays. à la une, de tous les médiats - comment le fils du célèbre écrivain salvador alvarez, esteban, avait disparu. ça a été la chute, le goût de l'horreur, des enfers mêmes. y a eu des lignes d'appel à témoin, des interpellations - un bordel qui a explosé sur le coup. l'opportunité de l'année pour les journalistes, un bon nom à l'affiche, une tragédie pour secouer les cœurs. des titres accrocheurs, des extraits qui donnent envie de vomir -
"salvador alvarez, pourrait-il jamais se remettre de ce drame après le décès de sa femme, soledad ?" "se pourrait-il que salvador alvarez cherche à profiter de cet accident pour booster les ventes de son prochain livre ?" c'est la folie. et l'angoisse elle est là, elle ronge, jusqu'à l'os. parce que le temps il passe, et y a rien. aucune trace de lui. ils le retrouvent pas, et y a personne qui l'a vu. aucun témoin, aucune preuve. juste cette infraction trop propre au bord de sa fenêtre. il l'a dépouillé, sa chambre. par colère, parce qu'elle le nargue, elle le poignarde à chaque seconde passée dans cette maison - trop vide, trop pleine de souvenirs, et d'amour. et la culpabilité l'a rongé. salvador a tout rangé, comme c'était auparavant.
le café suffit plus, y en a même plus besoin. ce sont les regrets, qui tiennent éveillé, qui tourmentent les maux troubles.
c'est ma faute c'est ma faute c'est ma faute. j'aurais du entendre. j'aurais du vérifier. j'aurais du être plus là. j'aurais du- faire plus. toujours plus.
ça le déchire, les regards. y a pas besoin de mots pour comprendre. c'est foutu, ils le retrouveront pas. c'est écrit dans ces putains de statistiques.
ça fait plus de 78h, il se pourrait qu'il soit mort. mort.
mort.
ça passe mal. ça passe pas. ça ne se peut pas. pas comme ça.
ils boucleront jamais l'affaire, de ces histoires à la télé, élucidés 30-40 ans après, quand la vie l'aura sucée de tous ses espoirs et volontés. salvador il veut pas de tout ça. il voudrait se plonger dans un univers, dans lequel il pourrait incanter le temps, pouvoir construire une machine, et voyager. salvador, il crèverait pour être l'unique auteur de cette nouvelle. il en abandonnerait le reste, l'Alchimiste, Onze minutes, Hippie, Adultère. si seulement la plume pouvait tomber entre ses mains.
_____________20:58 - SÁB. 13.05.06ça tourne en boucle. y a que ça. à la radio, à la télé. les gros titres qui sentent d'ores et déjà le pactole. c'était brillant, l'idée du siècle - une solution facile même. de quoi se la couler douce plus tard, aux côtés des belles nanas, une fois le problème débarrassé. il s'allume une clope, qu'il porte à ses lippes - les pieds croisés vulgairement contre la surface de la table basse, le regard perché sur les lettres défilantes. la fumée s'échappe en un nuage aveuglant, ça détend de fou. c'est pas aussi efficace que de bonnes mains, mais ça fait le job. la machine fout un vacarme pas possible, le volume si haut on pourrait le penser sourd - si haut qu'il aurait presque manqué ce grincement, cette percussion à l'étage. le nuage s'accompagne cette fois-ci d'un soupir, et d'une bonne gorgée de pinard. il se redresse finalement, se craque les os, et s'empare d'un sac en papier, abandonné à ses pieds. il a pensé à tout. ça le surprend à quel point il a pensé à tout. la fierté imposante, grosse comme un ballon. c'est pas une lumière, et pourtant le voilà qui fait preuve d'intelligence, le sourire moqueur sur ses lippes, tandis qu'il actionne l'accès au grenier. il les grimpe, une à une ; utilise les restes de sa clope pour rallumer la lanterne posée dans un coin. il est bien mignon le marmot, mais il vaut quand même pas les frais d'électricité. il vaut pas grand chose en réalité, quand on y pense. c'est contradictoire. son père, il le reprendrait pour une petite fortune, et pourtant, c'est qu'un gosse, fragile comme les cure-dents qu'il aime fourrer dans sa bouche. l'est ptit, il aide à rien, faut s'en occuper comme d'un clebs qui fait que geindre, en manque d'affection. il fait pitié quand on le regarde de plus près, à grelotter comme une feuille au vent. l'a l'air d'avoir froid. peut-être pas. il s'en fiche. le sac est posé par terre de nouveau, à côté du gosse, qu'il aide à se redresser. l'a l'air complètement dans les vapes. alors sa main passe sur son front, qu'il trouve relativement chaud. ses yeux aussi, ont l'air vitreux. voilà que le démon se décide à être malade en plus. un énième soupir s'esclaffe, tandis qu'il retire le morceau de scotch scellant ses lippes - question de précaution. faudrait pas qu'il se mette à gueuler comme un putois non plus. pour une fois, le ptit est calme. c'en serait presque inquiétant. le cercle en plastique lui est forcé dans la bouche, le liquide dégluti comme un fou asséché au soleil. étrangement, ça lui fait de la peine. pourquoi il est comme ça ? pourquoi il se permet d'être capricieux, alors qu'il manque de rien ? foutu gamin. c'est vrai qu'il est pas si pire, si on oublie qu'il chiale pour un rien et a l'air d'être sourd parfois. c'pas compliqué à comprendre pourtant
ferme là, ton père il est pas là. alors pourquoi l'est comme ça ? il lui a rien fait de mal. c'est sûr y a mieux que le bâillon et les liens peut-être trop serrés mais il y peut rien. c'est le b.a-ba. l'a quand même à boire et à manger tout le temps, il pisse pas dans un sceau. ça va quoi. quel gosse. quel remerciement pour les beaux efforts. peut-être qu'il est encore vexé, de la claque qu'il s'est mangé quand il a recraché sa bouffe l'autre soir. c'est vrai que c'était pas cool. peut-être que ça irait mieux avec des excuses.
au pire, c'est pas comme si il allait s'éterniser là.
[under the ground, it glowed]
oh sweetheart how long will you fightça fait du bien l'air. c'est autre chose, que l'odeur du renfermé. ça aspire la liberté, ça transpire le monde. malgré les toxines, le trop de pollution qui fait cracher les poumons, c'est addictif, être humain. un vrai humain. comme ceux des livres de
juan. comme ceux qu'on voit à la télé, ou dans les contes. qui savent parler les beaux mots, séduire les jolis cœurs, partir à l'aventure comme si c'était l'unique raison de vivre. des humains pas comme lui. qui trébuchent sur leurs mots, confinés toute leur vie dans ce qui finit par être leur conception du monde. c'est fascinant, de rêver, s'imaginer à leur place, capitaine du navire pirate, à la recherche du gros trésor, de ces super-héros, à la destiné de sauver le monde.
on s'y croirait.
on les envierait.
ça existe pas ici. les artifices. juan il dit, que les livres et les films ils mentent. que la vraie réalité, elle est pas comme ça. que c'est une illusion pour donner raison aux hommes de continuer d'exister.
sans passion, personne pourrait survivre par delà cette porte fiston. ça fait peur. dehors. c'est l'inconnu, ce sont les terres sauvages, les équipages ennemis. ils sont dangereux, et nombreux. surtout, ils sont capables, d'être là-bas. juan répète que le monde il est pas fait pour lui, qu'il est trop cruel, trop impur. et qui est esteban pour ne pas le croire, quand il place ses paumes si amoureusement contre ses joues, le regard si
inquiet. il la transpire, cette angoisse. la colère funambule dès que le ptit il ose parler, de dehors. ça vol toujours en éclats. parce que juan il a peur pour lui. et il devrait avoir peur aussi.
c'est le cas.
esteban en est terrifié.
ça a fini par déborder sur lui - ces regards cauchemardesques, ces philosophies et lois sur le monde de par delà la porte. y a ces sourires sur ses lippes parfois, lorsqu'il repose dans le confort de ses bras, à le détailler avec la plus grande fascination du monde. ses traits sont durs, marqués par la vie. théorie qu'il a lui-même appuyé comme un grand! pourtant juan reste incroyablement
beau. de ces individus qui paraissent inhumains ; dans son cas à lui - plutôt surhumain. parfois, le gosse il aime croire que juan est un ange. qu'il lui ait poussé des ailes pour le protéger du mal, ses sacrifices aux prix d'ailes décimées. c'est l'histoire qu'il lui a conté un soir - la tragédie d'Icare. ça l'avait fait pleurer. et ça avait surpris juan. il comprenait pas pourquoi. le gamin, il a jamais osé lui expliquer la ressemblance - la culpabilité qui lui a tordue les tripes.
j'ai jamais demandé à ce qu'on se sacrifie pour moi.surtout pas un ange aussi beau.
_____________bientôt, je vais pouvoir sortir, c'est juan qui l'a promis! il dit que la nuit c'est mieux, parce qu'il y a moins de gens dehors, et que parfois, c'est avec la lune que les meilleures personnes se réveillent! il me tarde! juan m'a fait promettre d'être sage, parce que ça a été une décision importante pour lui à prendre. c'est vrai que parfois, juan fait peur. c'est vrai que parfois, je me sens mal à l'aise sans vraiment réaliser pourquoi. mais j'ai peur d'y penser... juan m'a toujours dit de ne pas me poser trop de questions, parce que la logique et les réponses sont parfois des illusions. quelques fois, j'ai du mal à le comprendre. je l'envie tellement. il est tellement beau et intelligent! j'aimerais pouvoir être comme lui. mais jamais je n'oserais lui causer des misères! pourquoi je lui attirerais des ennuis ?
_____________23:55 - MIE. 22.08.12y a l'univers, les constellations les plus scintillantes dérobées et implantées dans ses orbes émerveillées. ça change pas. ça a jamais changé. la même candeur qui arbore ses traits. d'une manière paradoxale, perturbante même - lorsqu'on croirait le voir rajeunir. il est magnifique - toujours plus chaque année. y a pas de doute là dessus, il grandira avec les plus belles offrandes des dieux à ses pieds, porteur des plus belles couronnes. de ces divinités qui captivent, qui renversent le cour du temps - de troie, à la mer égée, de la pureté, au carnage. l'heure n'est pas encore venue, pour lui d'embrasser les joyaux des princes, des princesses. peut-être même ne viendra-t-elle jamais. après tout l'homme reste cupide - à quoi bon partager les plus belles richesses, quand elles peuvent être notre. c'est la danse macabre, au pied du palais - un jeu dangereux constitué des pires défauts de l'humanité pour dicter les règles. règles où
tout est permis. on sait bien qu'au final tout ce qui compte pour gagner, c'est de ne jamais se faire démasquer.
ce soir, ça va être sa fête. le ptit va rayonner de mille feux. plus que la dernière fois, et celle d'avant. parce que c'est un rituel sacré, que de l'élever avec les étoiles, et les trop de bougies soufflées. c'est comme ça tous les ans maintenant. entourer la date sur le calendrier, la compter tous les jours deux semaines avant, arborer le plus resplendissant des sourires au petit matin. c'est son truc, sa journée. une excuse comme une autre pour se sentir vivant comme jamais. ce n'est pourtant ni les artifices, ni les gros cadeaux, qui décrochent ces constellations de ses pupilles. c'est ce soir, qu'il va sortir. rien de plus ni moins que simplement plonger sous l'océan de cette galaxie infiniment plus grande, pour en dévorer ses beautés ; les porter en nous comme une part entière de notre entité. le gamin, ça le passionne tout ça.
dehors, toujours dehors. sauf que depuis quelques temps, c'est
là-haut. « juan juan! y a pas de méchants dans l'espace dis ? » c'est beau là-haut, des spectacles de la nature à l'essence la plus pure - sans fond, sans question de bien, ou de mal. c'est juste là, pour exister, suivre le cour du temps jusqu'à la destination finale.
« c'est un peu comme moi. » - objet céleste perdu dans l'existence. alors il regarde là-haut tous les soirs le gosse, les yeux ébahis, le sourire hébété. il s'accoude au rebord, sur sa chaise, et il plane, comme dérobé de sa propre planète ; jusqu'à ce qu'il repose - petit prince, contre ses avant-bras, endormi. c'est magique, avoir à s'éveiller, et réaliser cette téléportation dans l'espace. esteban, il connait la navette ; la poursuivrait aveuglement. et même si elle n'est pas si magique que ça au final, le ptit, il préfère croire aux peu d'artifices dans sa vie.
ce soir c'est sa fête. et il trépigne d'impatience, il tient plus en place. les pas cadencés contre le plancher tandis qu'il
attend. y a les restes du délicieux gâteau au chocolat préparé tantôt qui pèse encore lourdement dans l'estomac, cette visière trop large qui lui bloque bêtement la vue. l'idée toujours drôle, de porter une casquette en pleine nuit. mais juan insiste que c'est pour le style. c'est vrai que ça lui va bien. clairement plus qu'à lui. juan, il a fait un effort aujourd'hui - plus que d'habitude. il est beau. toujours beau. même lorsqu'il n'essaye pas de l'être. et peut-être bien que sa grandeur le dépasse, lorsque le ptit semble être à court de souffle, le regard perçant. pendant l'espace d'un instant, il doute - si la nuance rosâtre dépend uniquement du blush appliqué contre ses joues.
il est
mignon. parfois.
mignon.
quel terme étrange, pour décrire juan.
pourtant c'est vrai qu'il peut l'être. lorsqu'il enroule sa paume autour de ses petits doigts, et dépose ses lippes contre son front. « toujours là pour protéger la plus belle des comètes de l'univers ». c'est ce qu'il répète. après chaque bisou. ce soir cependant, il ne le dit pas. et y a son minois qui s'abat, le cœur qui pince, lorsqu'il réalise bêtement être
déçu.
il le pense, y a pas de quoi s'inquiéter. mais pourquoi ne pas l'avoir dit ? pourquoi. est-ce que j'ai fait quelque chose de mal ? il ne m'aime plus ? chocolat qui vire à l'acide - tripes angoissées. c'est bête. il SAIT que c'est bête. et il continue de décortiquer ce qui vient de se passer, de haut en large et en travers. juan, il a pas l'air de bonne humeur. en y prêtant bien attention, y a comme une lueur rougeâtre, baignant dans son regard - comme s'il était prêt à sortir les crocs. ça fait peur. il fait peur. et le ptit il panique.
mais qu'est-ce que j'ai fait. il charcute ses lippes, au rythme des lampadaires qui défilent, toujours plus loin des lucioles qui animent séville - toujours plus loin de la maison. c'est comme si l'atmosphère cherchait à écraser leur misérable existence, les poumons prêts à éclater comme des ballons de baudruche contre sa cage thoracique, en célébration de sa fête. le gosse, il ose pas le regarder. ose pas lui parler. c'est silencieux. trop silencieux. il en peut plus. ça le dépasse. peut-être que les méchants l'ont finalement eu lui aussi - peut-être qu'ils ont eu raison de ses ailes, et qu'il est quelque part dehors, à errer parmi les monstres.
il peut pas rester là.
c'est dangereux. et juan est pas là pour le protéger. il est là pour lui faire du mal. il peut pas rester là. il faut partir.
esteban il veut juan. il veut que juan revienne.
ce soir ça a été sa fête, comme au début - saucissonné, bâillonné ; réduit de nouveau à cet être sans valeur. il lui a fait sa fête, parmi les cris stridents et les pleurs tués dans le fin fond de la nuit.
« ça devait pas se passer comme ça. » ça ne devait être qu'eux, et les étoiles, aux périphéries de la ville, émerveillés par le spectacle. et pour une fois,
c'est juan, qui semble dévasté.
« pourquoi tu m'as pas fait confiance ? »
[you wanna be high for this]
let it be, baby breathe, i swear i'm right here
références: el burlador de sevillaDON DIEGO : Prends garde ! Quoique en apparence Dieu te supporte et te tolère, son châtiment ne saurait tarder, et toujours il garde un châtiment pour ceux qui, comme toi, profanent son nom. Dieu, au moment de la mort, est un juge terrible.
DON JUAN : Au moment de la mort ? Vous me laissez un si long répit ? D’ici là, long est le chemin.quoique. châtiment. profaner. répit. le poignet est vif, le crayon épelant chaque lettre minutieusement sur le petit cahier portant son nom. que de mots compliqués! c'est plus dur que cque le petit aurait pensé - de lire. ça a d'abord été l'idée de juan. de ramener des livres de dehors. des livres "simples", que même des enfants pourraient lire facilement. la pilule est mal passée - de ne pas y être arrivé si aisément. en y repensant, esteban ne se souvient pas, d'avoir déjà lu. il ne se souvient pas de grand chose, à vrai dire.
El Burlador De Sevilla. c'est un des livres de la grande bibliothèque. celle de juan. il aime pas qu'on y touche, il dit que leur niveau est trop compliqué, et qu'ils sont ennuyeux. c'est mal, d'être allé en prendre un pendant son absence. ça le rendrait probablement en colère. pourtant ça fait plusieurs fois, que le ptit l'aperçoit, pas très loin de son fauteuil, lorsqu'il s'en va pour se recueillir. juan dit que c'est son préféré, qu'on y trouve la vérité et rien que la vérité à travers chaque page. malgré le nombre de fois que le gosse l'a supplié, il a jamais voulu lui lire. c'est devenu sa nouvelle raison, d'arriver un jour à pouvoir le déchiffrer!
LES MUSICIENS : Quel beau coup fourré !
MOTA : C'est ce qui s'appelle réussir par erreur.
LES MUSICIENS : Ce monde tout entier est une erreur._____________
références: el dia de los muertos ; queimada ; spell23:25 - SÁB. 31.10.15c'est la terreur à chaque coin de rue, le bal costumé annuel des monstres. l'invitation pour les damnés, de porter fièrement leur débauche, leur plus belle inhumanité. y en a qui se gênent pas, pour qui c'est du pareil au même - l'identique chansonnette du début à la fin. y a pas besoin d'el dia de los muertos pour les admirer déambuler. ils sont déjà partout. dissimulés derrière le plus raffiné des maquillages, la plus belle éloquence. il fait parti de leur mascarade juan, aveuglement. le déguisement et l'âme à la fête. le myocarde et les neurones réduites en bouillie, tandis qu'il patauge, dans les eaux troubles de sa propre ignorance. peut-être qu'au fond, y a véritablement quelqu'un qui pense bien faire, maladroitement - un savant fou, à l'amour pétillant devant l'œuvre de sa vie. peut-être qu'il réalise pas entièrement, l'étendue de sa folie, de la déchirure entre les mondes qui aujourd'hui, ressemblerait d'avantage à un écartèlement. peut-être que ça s'est décidé comme ça, en un claquement de doigt quelque part dans la galaxie, parce qu'il en faut de toute manière, des méchants. c'est ce qu'il est après tout. ça, il en a conscience. ça lui fait peur même, parfois. de réaliser être pourri jusqu'à la moelle. il essaye pourtant. parfois ça marche. parfois non. c'est peut-être pas fait pour lui tout ça, au final. être dans le camp des gentils. juan, il y croit, au destin. majoritairement parce que c'est rassurant ; après tout, qui ne profite pas des croyances pour excuser ses fautes. la religion, la haine, la guerre. tous de parfaits exemples. il lui arrive, de contempler les pires crimes de l'humanité parfois, le regard ébahi. non pas par admiration, mais par fascination - quelle tragédie peut être assez dévastatrice pour pousser les hommes, à cesser de l'être. les monstres naissent-ils ou sont-ils créés. c'est à faire pâlir, la manière dont le diable est, et sera toujours le plus preux des gentleman - la manière donc le charisme est la plus dangereuse des armes. ça lui arrive, de comprendre leur peur à elles - les victimes. comme celle sur le côté passager, enroulée en boule par terre au fond d'un sac. c'est impossible de voir ça venir. c'est effrayant. si effrayant que parfois, son propre pouvoir le dépasse. la pauvre, c'est tristement tombé sur elle, la jeune fille en squelette. les traits marqués, le maquillage dégoulinant d'un noir de jais, surtout la tristesse au fond du regard, malgré ses rires menteurs. même l'obscurité n'aurait su taire l'évidence. quelque part, juan est content que ce soit elle. y avait quelque chose, dans son aura, au fond de sa personne, qui faisait comme l'appeler. à la manière dont ses lippes murmuraient l'incantation, ses mains frêles autour du fameux queimada. ses mots berçant l'air, trop discrets, parmi les vocalisations voisines.
e cando este beberaxe baixe polas nosas gorxas, quedaremos libres dos males da nosa alma e de todo embruxamento. (and when this beverage goes down our throats, we will get free of the evil of our soul and of any charm.) poétique. tragique même. la manière dont la pauvre s'est faite avoir par son propre sortilège ; le regard trop à l'ouest,
trop confiante, pour remarquer le vice au fond de son verre. la fumée bleue se dégageant de l'alcool comme l'imagerie d'un monde psychédélique, presque irréaliste. peut-être que ça l'est vraiment - peut-être que sa silhouette reposant inanimée se dissipera à l'aube, comme si ça n'avait été qu'un mauvais rêve.
00:55 - SÁB. 31.10.15y a une forme recroquevillée contre les draps, des silhouettes dansantes reflétant contre les traits fins de sa bobine. il a l'air paisible comme ça, plongé dans les bras de Morphée, alors que les douces musiques défilent avec les crédits de fin. c'est toujours pareil le soir d'halloween - la même routine tous les ans. se goinfrer un peu trop, lancer un dvd, s'endormir dessus. attendre juan aussi. parce qu'il peut jamais rester.
« le boulot me retient chaton je suis désolé, mais promis je te ramènerai une surprise. » alors depuis c'est devenu attendre juan, et ses surprises. l'année dernière c'était luna. luna au pelage de jais qui s'est éclipsée un jour à l'aube. le ptit il a pleuré. s'est demandé pourquoi son amie l'avait abandonné comme ça. malgré les larmes de crocodile, il lui en a jamais voulu. c'était la meilleure chatte du monde, et il l'aimera pour toujours. juan lui a promis de se surpasser, pour combler la déception. de tous les scénarios qui ont pu lui traverser, jamais le ptit aurait pensé à
ça. il ne se serait jamais attendu, à retrouver une fille au fond d'un sac. dans un état qui lui a été familier. une sensation étrange s'installe au creux de son ventre - plus perturbant encore, esteban
doute. incapable de définir si le malaise soudain puise d'un trop plein d'empathie,
ou d'un total manque. parce que le ptit, il ne peut qu'admirer la béatitude dans laquelle juan baigne, le sourire aux lippes, alors qu'il traine la jeune femme hors du sac. « c'est la plus belle surprise que je puisse te faire, poussin. » on le voit pas souvent comme ça, aussi vivant, aussi heureux. et ça le
touche. c'est dégoutant, ça devrait l'horrifier. à la place, y a la même euphorie sur ses traits porcelaines, aux agrafes silencieuses qu'on a rabiboché. il l'en
remercie. il en pleure ; de joie. parce que juan, il a accepté de partager son bonheur avec lui. il l'en pense méritant. c'est impulsif, ça les choque tous les deux. ses lippes contre les siennes. ils n'en discutent pas. c'était l'émotion. y a la petite qui pleure aussi, la façade détruite, les sanglots tus, et esteban comprend.
quelque part au fond, il comprend que trop bien.
08:45 - LUN. 02.11.15tout comme luna, bianca aussi est partie.
le couteau dans les tripes, les larmes aux yeux, et le sang dégoulinant avec les restes de son mascara. juan a dit que c'était un test. que le reflet de la liberté parfois est à double tranchant : qu'on en trouve d'avantage dans la mort, qu'en restant en vie.
ça a été son choix. elle s'est fait ça.
esteban l'a pleuré comme il a pleuré luna.
[my baby]
and now i'm sinking, sinking to rise no more09:08 - LUN. 22.01.18aujourd'hui, c'est la fin du monde.
c'est la fin de tout.
l'aube s'est levée, de son minois carmin.
y a des retentis, des sanglots à déchirer le cœur. des échos fantomatiques qui restent, qui tuent. douleur insupportable, à s'en déchirer la gorge à vif, à sang, jusqu'à ce qu'il n'en reste plus rien. douleur qu'on porterait même au-delà des limites humaines ; de ces dévastations dont on ne se remet jamais vraiment. le goût de mort jusque dans l'épiderme, en voie de pourriture, à l'abandon. le sang peint ses mains d'un écarlate dangereux, les membres incontrôlables, le corps, incontrôlable. le ptit, il peut pas s'arrêter, d'hurler, d'heurter le plancher, mêlant sa propre teinte à
la sienne.
juan est mort.
il est mort.
il est mort.
il est m o r t.
il peut pas être mort. ça ne devait jamais se passer comme ça. le ptit, il le pensait immortel, de ces grandeurs inébranlables. il s'imaginait grandir, vieillir à jamais à ses côtés, jusqu'à ce que l'heure sonne pour lui. alors juan l'aurait guidé jusqu'au bout, jusqu'à ses dernières secondes sur terre, parce que juan il aurait tout fait pour lui. de ses mains, il aurait construit le plus beau des vaisseaux dans l'unique but de lui dérober les étoiles. aurait navigué terres et mers pour le retrouver. juan il l'aimait. de son cœur écrabouillé, en patchwork, œuvre identique qu'il lui a légué. alors pourquoi lui aussi il a décidé de l'abandonner ? pourquoi ?
la réalité s'effondre, comme le pire poids du monde.
qu'est-ce que je vais devenir. tableau effrayant, que de réaliser ne pas savoir exister par soi-même, dépendance ancrée jusque dans l'âme, les plus profonds recoins de l'existence. il est perdu, esteban, dérobé de son unique boussole, de son unique miroir. parce que juan est mort, il s'en est allé le rejoindre. parce qu'il n'y a rien d'autre dans le monde qui l'attend pour lui. personne pour le protéger des ombres menaçantes, personne pour l'accepter, personne pour le chérir. personne pour lui répéter qu'il est la plus belle comète dans l'univers.
il méritait plus que ce trou pourri dans lequel il reposera dorénavant à jamais.
il méritait un plus bel au revoir.
_____________11:57 - VIE. 16.03.18y a ce sourire perché à ses lippes, la même lueur dans le regard, tandis qu'il tient sa main.
isidore a peut-être son âge, peut-être un peu plus, un peu moins. tout aussi brisé qu'il ne l'est. le parfait reflet de ses désirs névrosés. il tient sa vie toute entière entre ses paumes, le regard planté dans le sien, perçant, intimidant presque.
« suis le plan, okay poussin ? tout va bien se passer, jte promets » il peut y décoder tous ses plus beaux rêves, admirer les plus scintillantes des lueurs à travers ses orbes énamourées. esteban aimerait pouvoir l'aimer autant que lui. aussi aveuglement. pauvre copie conforme de sa propre mascarade. destinée à autant de souffrance.
maintenant, le ptit se demande parfois, si juan ressentait la même chose. le désir d'anéantir comme pour se reconstruire de leurs pièces.
ses lippes rencontrent celles d'isidore une dernière fois, l'adieu amer au fond de la gorge, comme un refus qu'on se force d'avaler.
« aller, c'est l'heure poussin. on y va. » célébration d'une toute dernière volée en éclats.
[valley of the dolls]
back to zero here we go again15:37 - MIE. 21.03.18« s'il te plait, esteban, il faut nous parler. » fou, c'est étiqueté à sa chemise, écrit en gros sur son front. la lecture de ses chutes vulgairement réduites à de piètres anecdotes, gribouillées sur son papier. il a pas de problèmes. aucun. si ce n'est le désir viscéral de se faire maitre, du cosmos tout entier ; les outils dans le creux de la paume, au but ultime de redessiner le monde, les sciences à sa manière. son problème, ce sont les dieux, la mortalité qu'ils ont confectionné, cruellement, inhumainement. pourquoi la nature chercherait-elle, à anéantir d'une telle violence les cœurs des hommes ? dans quel but ? tout irait bien,
s'il était là. juan avait raison. sur tout. sur la manipulation, les monstres, les mensonges. y en a à chaque coin de rue. c'était mieux, à la maison. entre quatre murs, de béton, de chair. ça l'aurait satisfait, pour l'éternité - quelle bêtise, de s'être épris aveuglement. il en barricaderait les fenêtres, murmurerait un dernier au revoir à la lune, aux plus belles étoiles. sacrifiait chaque pièce de l'existence, pour faire machine arrière. parce que c'est pas possible, de combler le vide. l'impact a trop creusé ; c'est beaucoup trop profond. il reste plus rien, à fouiller à l'intérieur - si ce n'est les lamentes, et amas de son désarroi.
elle a l'air de le comprendre ça. parce qu'on pourrait presque penser, que c'est de la peur écrite sur ses traits. ça se sent, à la manière dont elle aborde les sujets - étrangement trop en douceur. comme une mère sur la pointe des pieds. esteban il comprend pas pourquoi. c'est flou, les raisons de tant de mobilisation. qu'est-ce qu'il a fait de mal ? pourquoi est-ce qu'on l'étudie comme ça ? ils sont déstabilisant, les silences au regard perçant. le corps recroquevillé, au désir intérieur de se faire petit, si petit qu'il pourrait disparaitre.
« est-ce que tu sais, esteban, pourquoi tu es là ? » - question qui l'a effectivement hanté, jusqu'aux frontières vulnérables de son mutisme. y a de la curiosité. beaucoup. tout comme y a de la peur. autant. peut-être que ce serait mieux, de ne pas savoir. se conforter dans un doux cocon d'ignorance, loin, très loin des réalités. c'est ce qu'on lui a toujours dit.
méfie toi des sois-disant réalités poussin, y aura jamais rien pour te prouver quoi que ce soit. ça serait mal, de ne pas écouter. il nie. c'est très mal. au final il n'aurait pas du. tout ce qu'il voudrait, c'est que tout s'arrête, que la terre l'avale tout entier, ou le projette, très loin parmi les comètes. parce que non, c'est pas lui sur les photos, ni son nom sur les journaux. juan il a jamais rien fait de mal. et lui non plus. ils mentent, tous. tous des menteurs. ils cherchent juste à l'avoir. c'est obligé. on l'a prévenu de tout ça. alors pourquoi la chute, pourquoi les déchirures. pourquoi est-ce qu'il reste même de quoi briser. les convulsions reviennent, comme pour secouer le démon, le cauchemar duquel il n'arrive à se réveiller. si seulement le ptit pouvait encore croire aux mensonges.
_____________la nouvelle a été tout aussi douloureuse que la première. la même sensation d'alerte, la même dévastation. pourtant des raisons absolument différentes. ça l'a secoué, au point d'en douter même de la sincérité. il est des choses, dont on ne guérit jamais vraiment, des pages qu'on ne se sentira jamais prêt à tourner, qu'importe l'avancée dans le temps. il a abandonné les histoires, salvador. avec le fait de vivre. comme en suspension, depuis ce neuf mai. date cauchemardesque, qui, avec sa sœur, vingt-deux août, approfondissent les plaies. c'est un rituel, chaque année - s'effondrer de cette affreuse capacité à se souvenir. il en veut plus lui. y en a déjà partout. y en a trop. trop qu'on ne peut plus chasser, parce qu'on a pas le cœur, parce que c'est gravé à l'encre indélébile. parfois, la seule volonté même ne suffit pas. y a plus rien d'avant. plus de jolis mots pour arrondir les phrases, d'histoires pour bouleverser les cœurs, pas même les rayons chaleureux de séville à travers la demeure. ça a été abandonné avec le passé, échangé pour une retraite pittoresque, au goût d'avant-mort. l'amante dans la main, perchée à ses lippes, débordantes dans le cendrier, et les yeux vidés par des nuits anonymes, les pleurs ravageurs. douze ans. ça fait douze ans. que salvador a plus jamais revu son gamin. ça fait douze ans, qu'il l'imagine avoir vécu tous les scénarios possibles et imaginables, priant pour les plus doux, les plus beaux pour son petit trésor. il l'a toujours pas accepté, en douze ans. mais il a fini par y croire. qu'il le reverrait plus jamais.
14:26 - MAR. 17.04.18il a tellement changé, c'est fou comme il a changé. il ressemble tellement plus à sa mère maintenant, la même candeur, la même douceur.
ça le bouleverse. le fait qu'il soit là. normalement constitué, avec tous ses membres, un cœur qui bat -
en vie. ça le bouleverse. des océans déferlant face à un tableau que même ses plus beaux rêves n'auraient jamais pu exaucer. ça se bouscule, de partout, entre le myocarde, les questions, les émotions. y a trop de temps, trop de choses à rattraper. ça fait douze ans. douze ans à rattraper. et trop peu de temps en leur possession. on lui a expliqué, comment ça allait se passer dorénavant. les dommages, les conséquences. c'est comme offrir la plus belle lueur d'espoir, pour la lui reprendre presque aussitôt. ce serait presque cruel. de faire rêver un père ainsi. mais
pour lui, il pourrait attendre une éternité entière. salvador, il ne sait pas pour tout. personne ne sait vraiment. le ptit, il a jamais voulu tout avouer. y a des secrets qui méritent de mourir avec leur porteur, des atrocités qui ne doivent jamais voir la lumière. ça sera son fardeau à lui. juan. luna. bianca. et tous les morceaux éparpillés qui ne savent plus comment s'assembler. le ptit il retient sa langue, pas ses larmes, lorsque l'homme l'embrasse, le tient comme le plus précieux or du monde, et lui murmure les plus belles tournures qu'il ait jamais pu entendre. il ne retient pas son cœur, pas ses lamentations, lorsque ses tripes se tortille, la réalisation frappe.
« je suis désolé je suis désolé je suis désolé. » je suis désolé de vous avoir effacé.
_____________15:48 - MIE. 31.10.18( des circonstances atténuantes. d'après eux, une telle tragédie se résume qu'à ça. )