Logicien : 68% Introverti, 80% Intuitif, 89% Pensée, 86% Prospection, 60% Prudent, 100% Schizophrène.

Schizophrène donc, atteint depuis l'âge de huit ans, quand des chuchotements ont commencé à envahir ses pensées jusqu'à ne devenir que le fer de lance de la domination totale de sa folie. Des crises de nerfs, de larmes, des explosions de rage impossibles à contrôler et l'émergence d'une nouvelle forme de violence ; celle, sadique, que sa paranoïa envenimait et qui à l'époque, ne lui faisait commettre que les délits invisibles d'arrachages méthodiques de pattes d'insectes. Ensuite, c'est devenu un peu plus grave. Ensuite c'était frapper les mômes à la sortie de l'école, quand il y allait encore. C'était implorer l'aide de son frère pour le simple plaisir de lui hurler dessus deux minutes après, c'est de ta faute, c'toi qui devrais être malade, dégage de ma vie, t'es qu'un enfoiré, une merde, tu devrais pas exister. Mallory, c'est le jumeau maléfique dans son essence, un concentré de malfaisance.

Mallory c'est la musique. Son défouloir quand il n'a pas de victime à tyranniser, elle est tout ce qui l'a fait grandir, seul, sans aide. Voler une guitare, ça n'a pas été très difficile avec la petite bande de son frère, apprendre non plus. Dans le tas de bouseux qui vivaient dans les rues, y'avait quelques musicos. Aussi dangereux soit-il, Mallory est un génie de la composition. Chaque note écrasée sur une feuille de partition est un hurlement de fureur, chaque envolée lyrique de paroles accusatrices est une tribune à l'injustice de sa propre existence. Dans les bas-fonds, il donnait des concerts, faisait gueuler sa guitare à qui voulait l'entendre, insultait un public de drogués qui en redemandait. C'étaient peut-être les seuls moments où il se sentait vivant. En tout cas le seul où les murmures insupportables de sa maladie étaient couverts par ses riffs enragés et sa voix nasillarde amplifiée par un micro.

Il n'aime personne, ou en tout cas il faudra beaucoup de patience pour qu'il admette le contraire. Il méprise sa mère, première victime de ses coups d'enfants, déteste son frère autant qu'il a besoin de lui. Mallory et Caspian, ils ont toujours tout faits à deux. Un jour sur deux à se taper sur la gueule à s'en briser des dents, le second à se jurer de ne jamais s'abandonner. Ils sont comme deux doigts brisés d'une main tordue, toujours ensemble, toujours déglingués. C'est parfaitement injuste que Caspian soit sain d'esprit là où lui doit se battre en permanence pour sauver le peu de raison qu'il lui reste, et son jumeau reste sa victime préférée quand il faut s'en prendre à quelqu'un et qu'il n'a personne sous la main. T'es qu'un connard Casper, j'ai pas besoin de toi, personne a besoin de toi, t'es juste un rebut, une merde. Il n'est jamais plus satisfait que quand ce genre d'affirmation ne trouve comme réponse qu'une terrible avalanche de coups de poings.

Le drame, comme on a dit dans les journaux parisiens, l'abomination absolue, s'il avait été en taule il aurait demandé tous les articles pour pouvoir les afficher fièrement dans sa cellule, Mallory. Parce qu'il l'avait mérité cet enfoiré, il a même oublié son nom, c'était juste un sale type qui se mettait en travers de sa route. Il faut savoir que la seule fierté de Mallory a toujours été la musique ; et il n'a jamais toléré qu'on se prétende meilleur que lui. Dommage pour ce mec qui a cherché à lui faire de la concurrence un soir de concert, ça s'est mal terminé pour lui. En pleine période noire, il n'a pas réfléchi une seule seconde quand il l'a coincé, séquestré dans un squat. Ah, il était bon à la guitare ? Avec quelques doigts en moins, il l'est beaucoup moins devenu. Une grande gueule, aussi ? Qu'à cela ne tienne, sans langue ça devenait tout de suite beaucoup plus difficile. C'est un signalement anonyme qui a alerté les flics, mais c'était déjà trop tard ; épuisé et vidé de son sang, filmé pour une sombre Redroom du darknet, il est mort en direct, ce chien de la casse. Mallory n'a opposé aucune résistance quand on l'a arrêté. Ni quand la vidéo a été vue par tout la police, ni quand on lui a demandé pourquoi il l'avait fait. Il m'a cherché. C'était la seule réponse logique.

Et quand ce connard d'avocat lui a dit de plaider la folie, c'est sa main qu'il a pris dans la gueule. Non, il est pas fou Mallory, il refuse de l'admettre ; ce serait faire preuve de beaucoup trop de faiblesse. Il a voulu tout assumer, il a plaidé coupable sans bouger une oreille, et son sourire a été immortalisé par une photographie à la sortie du procès, le crime sanglant de ce gosse démoniaque étalé par la presse. Son petit quart d'heure de gloire. Par contre, quand on lui a dit qu'il allait être emmené, pour douze années loin de la civilisation - et donc loin de son enfoiré de frère - ça a été beaucoup plus difficile à avaler.